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Avec le mec qui enseigne le combat au couteau

L'Américain Scott Babb nous explique comment poignarder quelqu'un efficacement et comment éviter un coup de surin.

« Mon cours vous apprend à utiliser tout ce que vous avez sous la main pour vous défendre. Vous pouvez utiliser des vêtements, les vôtres voire même ceux de votre adversaire. Ils peuvent vous permettre d'aveugler ou d'étrangler votre adversaire. Vous pouvez aussi trouver des projectiles un peu partout dans votre environnement. Vous pouvez même cracher, mordre, pincer, tirer les cheveux ou même mettre un bon coup de boule pour vous défendre. Le mieux, c'est encore d'éclater le crâne de votre adversaire contre un mur ou sur une table. »

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Voici le genre de conseils avisés qui sont prodigués aux élèves inscrits aux cours de "Libre Fighting", une discipline inventée en 2004 par Scott Babb, un Américain qui a remporté un certain succès depuis ses débuts puisqu'il a ouvert 22 écoles dans le monde entier. Le but de ces établissements ? Aider des mecs et de meufs lambdas à se débrouiller en cas d'agression, et à répondre, à coups de couteau s'il le faut. Le "Libre Fighting" cartonne dans des pays comme la Bosnie, le Mexique ou l'Indonésie, mais aussi en Grande-Bretagne.

Le Libre Fighting n'a rien d'un art martial traditionnel. C'est une discipline qui exige autant de rapidité que de brutalité, deux qualités nécessaires quand il s'agit de trouver les moyens les plus efficaces de poignarder quelqu'un.

Si vous regardez quelques vidéos de démonstrations, la première chose que vous allez remarquer, c'est la vitesse d'exécution des mouvements et la rapidité des assauts. Les combats se terminent avant même que vous ayez eu le temps de comprendre ce qu'il s'est passé. La seul chose que votre oeil a réellement le temps d'imprimer, c'est la forme du couteau du "Libre Fighter", une sorte de poignard profilé, taillé pour que les combattants puissent facilement le manipuler et tenter de tuer leur adversaire, généralement un mec vêtu d'un t-shirt de black death metal.

Tous les combats se déroulent dans des cadres glauques et étouffants, le genre à réveiller votre claustrophobie. Les deux adversaires sont coincés dans un espace réduit et alternent entre phase de corps-à-corps et phase de prise de distance grâce à leurs esquives et leur jeu de jambes. Evidemment, lors de ces combats d'entraînements, personne n'a de vrai couteau. Je me suis donc entretenu avec Babb histoire d'évoquer avec lui la genèse de cette discipline, ses explications du succès foudroyant de son business, et ses chances de terrasser Chuck Norris s'il devait un jour l'affronter.

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Scott Babb.

VICE: Qui es-tu, où es-tu et que fais-tu en ce moment ?
Scott Babb : Je m'appelle Scott Babb. Je suis né et j'ai grandi à San Diego, en Californie. J'ai commencé à pratiquer les arts martiaux à l'âge de huit ans. Je pensais qu'ils m'apporteraient la solution à tous mes problèmes, j'ai donc continué à m'entraîner pendant 30 ans.

Tu parles de ton enfance. Est-ce que tu penses avoir vécu un de ces moments traumatisants lors de ces combats, ou même en dehors, qui t'aurait poussé à imaginer ces cours de combat au couteau ?
L'un des mes mentors, qui s'appelle Rob Andersen, m'a dit un jour : « Les petits garçons ont besoin d'expérimenter deux choses dans la vie, botter le cul de quelqu'un et se faire botter le cul. » J'ai connu les deux, et pas qu'une fois. La première fois que j'ai vu quelqu'un sortir un couteau, j'avais 11 ans. Le gamin de 13 piges qui tenait la lame menaçait un mec de 21 ans qui faisait deux fois sa taille. Il l'a forcé à s'enfuir.

J'avais 16 ans la première fois que j'ai moi-même sorti un couteau. Cela ne faisait que quelques mois que je m'entraînais au maniement de cette arme, mais deux mecs d'un gang voulaient me racketter ma veste. Ils étaient un peu plus vieux et surtout beaucoup plus costauds que moi. Ils m'auraient défoncé si je n'avais pas été armé. Quand j'ai sorti la lame, ils se sont enfuis exactement de la même manière que le mec de 21 ans que j'avais vu prendre la misère quand j'étais plus jeune.

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Attention, je ne dis pas qu'il faut toujours se balader avec un couteau dans la poche, encore moins qu'il faut le sortir pour un oui ou pour un non. Malheureusement, quand tu crées un art martial pour maîtriser le maniement du couteau, tu attires par la même occasion un sacré paquet de mecs chelous. Je suis donc très prudent sur les admissions. Nous faisons gaffe à ne pas entraîner des psychopathes.

J'imagine bien. Mais alors explique moi comment tu en es arrivé à créer le Libre Fighting ? En mattant des vidéos, j'ai remarqué que beaucoup des mouvements de combat rapproché que tu enseignes ressemblent au Wing Chun ou au Krav Maga. Est-ce que tu en as fait auparavant ?
Mes influences premières puisent dans les arts martiaux philippins et dans la boxe anglaise. Mais ce qui a vraiment contribué à affiner et définir le Libre, c'est tout simplement l'analyse des attaques au couteau qui ont été filmées par le passé. Ca permet de voir et de comprendre comment les gens inscrits dans la culture occidentale se servent de cette arme. Par exemple, tu remarqueras qu'on enseigne beaucoup une technique où l'on bloque l'agresseur contre le mur pour contrer son attaque. C'est tiré d'une observation des agressions au couteau qui surviennent dans les prisons.

Après on a des variantes. Par exemple, en plein hiver, quand votre adversaire est chaudement habillé, votre tactique va changer, surtout si vous avez une petite lame de moins de dix centimètres. Nous avons aussi pris en compte le fait que la plupart des attaques se déroulent dans l'obscurité, dans des lieux clos où confinés. C'est pour cela qu'on fait nos entraînements dans des espaces réduits et avec peu de lumière. C'est aussi pour cela qu'on privilégie l'entraînement face à plusieurs personnes en même temps, car dans la rue, on se fait rarement attaquer en un contre un… En fait, la discipline est en constante évolution suivant ce que l'on observe et les changements de pratiques.

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A qui s'adresse votre discipline ? Parce que ceux qui vont appliquer vos leçons en dehors de vos salles d'entraînement risquent de finir en prison assez vite non ?
J'entraîne beaucoup de militaires, de forces spéciales, de mecs salariés d'entreprises de sécurité. J'ai par exemple beaucoup travaillé avec les Forces spéciales mexicaines, qui ont utilisé leurs connaissances en Libre Fighting par six fois depuis qu'elles ont été formées. Je pense aussi que les femmes peuvent en tirer parti efficacement. Un couteau, c'est un argument de poids quand on se fait agresser par un mec de 100 kilos.

Je propose différentes formes d'entraînement en fait. Je n'enseigne pas les mêmes choses à des militaires ou des civils. Mais le scénario est souvent le même : je pars du principe que la personne doit affronter deux ou trois personnes armées qui ont l'intention de la battre à mort. Le contexte est clair : la personne n'a pas d'autre choix que de se battre pour sa survie avec tout ce qu'elle trouve à sa disposition. Ca peut vouloir dire se servir de son couteau si elle en a un, mais aussi n'importe quel autre objet contondant si elle n'a rien de mieux sous la main.

Ca a l'air assez dingue dit comme ça. Comment est-ce que la police a réagi quand elle a appris que tu entraînais des gens à en tuer d'autres ?
Je n'ai jamais eu le moindre problème puisque je suis très attentif sur la sélection. Je parle avec chaque personne qui veut suivre la formation pour m'assurer qu'elle ne présente aucun danger. Et je n'ai pas peur de virer quelqu'un cash si il fait quelque chose qui me déplaît une fois que je l'ai sélectionné.

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La vérité, c'est que si une personne veut en tuer une autre avec un couteau, elle n'a pas besoin de moi pour le faire. Cela arrive tous les jours, partout dans le monde. J'apprends aux gens à survivre contre ces mecs-là justement.

On peut voir ça comme ça. Du coup, le port d'armes aux States, pour toi, ça se justifie non ? C'est un truc relatif à la liberté et la responsabilité de chacun ?
Je ne suis pas un grand fan des armes à vrai dire. Je n'ai rien contre elles, mais je ne les aime pas non plus. Les Etats-Unis ont bien sûr une culture des armes très riche et profondément enracinée dans l'histoire du pays. C'est un sujet polémique et passionnant, qui clive beaucoup. Mais personnellement, je pense que la plupart des gens qui possèdent une arme dans ce pays sont des gens responsables, bons et travailleurs. Ceci dit, je le répète, les armes, c'est vraiment pas mon truc.

En France, les gens n'ont pas du tout la même culture des armes. En revanche, les couteaux sont beaucoup plus présents. Personnellement, combien de fois as-tu été confronté à de vraies bagarres au couteau dans ta vie ? Et quelle est la pire blessure que tu as pu voir ?
J'ai participé à trois vraies bagarres au couteau, mais je n'ai jamais eu à planter qui que ce soit. Et j'espère que cela n'arrivera jamais.

Les gens ressortent souvent des entraînements avec des plaies ou des bosses, parfois avec des lèvres fendues. Au Mexique, certaines personnes sont mortes en pratiquant le Libre Fighting. Toutes lors d'interventions policières et militaires, je tiens à le préciser. J'ai pu voir les photos de deux de ces incidents. C'est quelque chose que je n'arrive pas à m'enlever de la tête, je dois bien l'avouer. L'idée que quelque chose que j'ai créé moi-même puisse avoir joué un rôle dans la mort d'un inconnu n'est pas facile à supporter, même si la victime était un criminel, où impliquée dans une situation de légitime défense. Je ne devrais pas dire ça. Je devrais faire semblant d'être un mec costaud, qui se carre de la vie ou de la mort de criminels, mais la vérité, c'est que ce n'est pas le cas.

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Photo via Libre Fighting Mexico Facebook

Donc tu dirais que tu n'est pas quelqu'un de violent ? Ou alors tu exprimes cette violence uniquement dans le Libre Fighting ?
Quand j'étais plus jeune, j'étais une tête brulée, un mec sanguin, parfois méchant. Mais les arts martiaux et la boxe m'ont permis d'expulser cette colère, ou au moins de la maîtriser. Aujourd'hui, je suis quelqu'un de très pacifique dans ma vie de tous les jours. Je ne me promène même plus avec un couteau dans la poche.

Dans le cadre du Libre, nous entraînons les gens à explorer leur face sombre, à stimuler leurs instincts primaires pour mieux les maîtriser. Vous verrez dans nos vidéos, chaque mouvement a un but et une signification, nous ne laissons pas nos élèves donner libre cours à leur violence pure et gratuite. Mon métier, c'est d'abord d'enseigner à quelqu'un la relaxation et la maîtrise de son tempérament avant de l'initier au maniement d'une lame. L'idée, c'est qu'ils puissent laisser s'exprimer leurs démons uniquement dans un cadre précis : lorsqu'ils se battent pour leur survie. Jamais je n'enseignerai tout cela à quelqu'un d'agressif ou d'hostile.

Et quel est le principal enseignement que vous aimeriez que vos élèves retirent du Libre ?
Que le corps humain est quelque chose d'extrêmement vulnérable et fragile quand vous savez comment l'attaquer. Quand je dis ça, ce n'est pas de la cruauté, c'est de l'humilité. Et surtout, j'espère que ce constat amène les élèves à mesurer la valeur de la vie. Quelque part, je considère le Libre comme une étude de la mortalité humaine. Mon ambition, c'est de ma dire que si j'ai bien fait le taff, mes élèves ne voudront plus jamais prendre la vie d'un autre si la leur n'est pas immédiatement et directement en danger.

Il y a un autre aspect de ce métier que j'aime : cette sensation de rendre les autres plus forts. J'ai passé une bonne partie de ma jeunesse dans la timidité et la peur. J'ai moi-même végété dans me doute et la remise en cause permanente, je suis donc heureux de donner les moyens à mes élèves de dépasser ces questionnements.

Une dernière question très sérieuse : si vous vous battiez contre Chuck Norris, qui gagnerait ?
(Rires). Je ne sais pas. J'ai toujours préféré Bruce Lee. Et je suis sûr que Bruce m'aurait botté le cul !