FYI.

This story is over 5 years old.

Music

De La Soul veut pousser l'art du sample un peu plus loin

Pour son nouvel album, le trio a lancé un Kickstarter qui a déjà récolté 400 000 dollars. On en a profité pour discuter quelques minutes avec Posdnuos.

Niveau samples, De La Soul est blindé. Après avoir fait preuve d'une incomparable expertise dans le domaine avec le classique 3 Feet High And Rising, le trio de Long Island s'est retrouvé, en 1991, attaqué en justice pour avoir samplé « You Showed Me », le hit de 1968 des Turtles, sur un des morceaux du disque « Transmitting Live From Mars ». L’histoire a fait grand bruit à l'époque (il s'agissait d'un des premiers cas sérieux du genre) mais s’est soldée par un arrangement à l'amiable.

Publicité

La semaine dernière, De La Soul ont annoncé via une vidéo sur Kickstarter qu'ils lançaient une campagne pour financer leur nouvel album. Un clip qui commence par une référence directe à leur procès de 1991 : « Vous vous souvenez quand on s’est fait attaquer en justice ? » lance Maseo en début de vidéo avant de nous expliquer que, sur ce disque, ils ont engagé différents musiciens (et un singe) pour jouer des heures et des heures de musique qu’ils sampleront par la suite. Il sera donc impossible de les poursuivre pour quoi que ce soit. Malin comme concept, surtout quand on voit les sommes qui ont récememnt été demandées à Robin Thicke et Pharell, les problèmes de Sam Smith ou Disclosure ou la révélation tardive concernant le tube « Didi » de Khaled.

L’appel aux dons a été très vite relayé par le public et l’objectif de 110 000 dollars a été atteint en seulement six heures (!). Le compteur ne s’est pas arrêté pour autant et à l'heure qu'il est, il est sur le point de dépasser les 400 000 dollars, avec plus de 7000 donneurs. Des artistes comme Questlove, les Beastie Boys et Talib Kweli ont tous apporté leur soutien au projet en participant activement au financement.

À trois semaines de la fin de la récolte (fixée le 2 mai), le groupe vient de poster une nouvelle vidéo, enregistrée live dans leur studio d'Atlanta, pour remercier ceux qui les soutiennent et inviter les fans qui ne l'ont pas déjà fait à participer à la conception de cet album. Dans cette vidéo, Dave nous offre un petit aperçu du projet et nous rappelle que ce futur album est avant tout « celui des fans qui soutiennent le projet ». Comme d'habitude, chacun peut donner en fonction de ses moyens, de 5 à 10 000 dollars, avec des contreparties qui vont de clés USB à l'effigie du trio àdes dédicaces Twitter (!?), en passant par des après-midi shopping ou des dîners (spagehttis uniquement) avec les membres du groupe.

Publicité

Je suis allée à la rencontre de Kelvin Mercer, alias Posdnuos, pilier du groupe, pour parler de leurs travail en studio et du problème des samples, en évoquant notamment les cas de Tommy Boy, Stetsasonic, Jay-Z et Timbaland.

Noisey : Si j’en crois la première vidéo que vous avez mise sur Kickstarter, ce qui vous a inspiré pour l’album, c’est la plainte déposée contre vous en 1991. Vous pensiez que ce type de problème pouvait exister à l’époque ?
Posdnuos : On avait répondu à toutes les obligations. Mais je suppose que les mecs de Tommy Boy, notre label de l’époque, n'avaient clearé les droits que sur les morceaux qui les arrangeaient. Les mecs étaient de vrais passionnés de musique, mais ils ne pensaient pas que le disque connaîtrait un tel succès. Pour eux, obtenir les droits des titres qu'on avait samplés sur nos morceaux était secondaire. La musique qu'on faisait à cette période était inédite, on proposait un truc nouveau. Et quand le disque a commencé à cartonner, les gens qu’on avait samplés ont commencé à vérifier si on vait bien payé les droits. Tu connais la suite.

Tu penses que d’autres groupes ont réussi à passer au travers des filets en utilisant les mêmes techniques que celles pour lesquelles on vous a poursuivi ?
Certainement. Tout dépend de la manière dont le sample est travaillé, en fait. Notre cas a servi d'exemple et le sample a évolué. Au lieu de simplement reproduire des boucles, on s'est mis à les modifer, les retravailler, les mixer avec d'autres, etc. Certains artistes samplaient plus intelligemment que nous, et donnaient l'impression d'avoir créé un vrai morceau simplement en mixant un sample avec un autre.

Publicité

Ça a changé votre façon de travailler ?
On a commencé à travailler différemment, oui. Je pense que notre cas a servi d'exemple à toute l’industrie. Les artistes ont commencé à sampler de manière plus réfléchie et plus organisée. Pour que tout soit bien clair, on a commencé à tout écrire, à garder une trace de chaque étape de notre travail en faisant des copies, et à chaque fois, on en remettait une à notre avocat.

Plusieurs affaires de plagiat ont éclatées récemment, t’en penses quoi ?
Ça existe toujours hélas. J’ai vu que même Jay-Z avait été mouillé à cause d’un sample que Timbaland a utilisé sur l’instru de « Big Pimpin’ ». Ils pensaient avoir les droits, mais ceux qui leur ont donné n'étaient visiblement pas en mesure de le faire. Je ne vois pas en quoi c’est la faute de Jay-Z, finalement. C’est débile. Comme si chaque musicien devait avoir un staff dédié au sample. Même pour Robin et Pharell, c’est assez dur de trancher. La première fois que j’ai entendu le morceau, j'ai tout de suite reconnu celui de Marvin Gaye car Robin Thicke chantait avec une voix de fausset comme Marvin, donc j’ai pensé que c’était un hommage. C’était très proche de l’original et ils ont choisi de ne pas prévenir les successeurs de Marvin Gaye — enfin, c'est ce que j’ai entendu — et je pense que s’ils avaient établi un arrangement au préalable, il n’y aurait jamais eu toute cette affaire.

Qu’est-ce qui vous a poussé à retenter le coup ? Vous être en train de mettre en avant une nouvelle méthode qui pourrait servir à d’autres, non ?
Je ne pense pas. Il me semble que des groupes comme Stetsasonic l'ont fait bien avant nous, en détournant et samplant des percussions qu’ils avaient enregistrées eux-mêmes. Ce sont eux les premiers qui ont eu l'idée de se sampler eux-mêmes. Ce qu’on fait nous est plus innovant, dans le sens où on va créer des morceaux pour ensuite les sampler et faire d’autres morceaux avec. Je crois que, pour le coup, on est vraiment les premiers à faire ça. Et ça peut inspirer d'autres musiciens, c'est clair.

C’est aussi une manière de contrôler ce que vous avez samplé et de n'avoir aucune limite dessus ?
Oui. On a un contrôle total, mais on est toujours dans le même processus. Ce n’est pas parce que les morceaux d'origine sont inconnus que le sample est moins fun. Le sample sera toujours aussi excitant. Quand tu samples un morceau que tu as découvert lors d’un voyage à Dubai ou en Argentine en te rendant dans un magasin de disques, tu as l'adrénaline de la découverte et ces idées qui jaillissent et qui te donnent envie de retravailler le truc. Avec le nouveau concept qu’on met en place, on retrouve cette magie, car on prendra toujours autant de plaisir à retravailler les morceaux, à les découper, à les modifier, etc. Tu sais, on a fait tellement de morceaux que parfois, on écoute un titre et on ne se souvient même plus que c'est le notre. Hannah est sur Twitter.