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Les Burning Heads n'ont toujours pas trouvé où était le bouton « off »

Le groupe punk d'Orléans fête ses 30 ans d'existence avec une tournée de 30 dates. Nous sommes allés discuter avec eux des gens qu'ils ont croisé sur la route au long de ces 3 décennies, de Noir Désir aux Thugs en passant par les Adolescents.
Photo - Emmanuel Guibert

Actu chaude pour têtes brûlantes : trente ans après leurs débuts, les Burning Heads entament une série de trente concerts. Pour les punk rockers d'Orléans, c'est là la meilleure façon de célébrer cette longévité tout à fait inattendue. Une tournée-marathon qui coïncide avec la réédition sur le label Effervescence de Be One With The Flames et Escape, leurs deux albums sortis sur le label Epitaph à la fin des années 90… et avec l'apparition aussi étonnante que saugrenue de bières étiquetées « Burning Heads ». C'est d'ailleurs le premier sujet que nous avons abordé lors de notre rencontre avec le groupe, sur la première de ces 30 dates, à Miramont De Guyenne (47).

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Noisey : C'est quoi ces bières Burning Heads ??
Thomas (batterie) : Chaque fois que l'on voit Monsieur Cu! de Kicking Records, il a plein d'idées à nous proposer : il nous a proposé de faire des skateboards, il nous a proposé de venir jouer du reggae à son festival de punk, il nous a programmés en première partie des $heriff… Et dernièrement, il s'est associé à un de ses amis qui s'est lancé dans la production de bières artisanales, bio et vegan, vers Arles. Il a décidé de nommer les bières du nom de ses groupes fétiches. Il nous a donc demandé de choisir une cuvée pour les Burning Heads. Parmi les bières disponibles, il nous a fallu choisir celle qui correspondrait le plus au caractère des Burning Heads. JB (basse) : Par contre… Vendre des bières, c'est bien, mais ça pousse un peu à la consommation. Je suis en train de voir avec Monsieur Cu! pour pouvoir aussi proposer de la limonade bio au stand. Sérieux ?
JB : Ah oui. Je ne bois d'alcool et ça me pète un peu les couilles de ne vendre que de la bière. Je ne m'y retrouve pas. Vous la vendez donc à votre stand, entre les disques et les T-shirts ?
JB : Elle est en vente au stand, mais pas en consommation. Tu dois la récupérer à la fin du concert. Déjà, parce qu'on n'a pas le droit d'avoir des canettes en verre dans les salles, et ensuite parce qu'on ne saurait faire de la concurrence aux bars des salles. Le visuel de l'étiquette est celui de votre tournée.
Pierre (guitare/chant) : Une fois la bière vidée, tu peux la remplir d'essence et en faire un joli cocktail pour l'automne. Je pense que ça peut servir.

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OK, passons au chiffre 30, le chiffre de votre actu. Le concept, c'est 30 concerts pour fêter 30 années au compteur des Burning Heads. Vous avez voulu faire de chacun de ces concerts un moment spécial ?
JB : On a essayé d'inviter des groupes qu'on aime bien en première partie, et ça pourra aller jusqu'à trois groupes invités sur certains soirs. Comment les avez-vous choisis ?
Thomas : On a choisi des groupes qu'on aime et qui étaient disponibles. Voire qui avaient une actualité au même moment que nous. Mikiss : Des groupes que l'on aime depuis longtemps, des groupes avec qui on a partagé la scène pas mal de fois… Il y en a qui trustent un peu la tournée, comme Zenzile.
Pierre : On avait failli faire un split avec eux, suivi d'une grosse tournée… Mais c'était tombé à l'eau. Thomas : On avait partagé des scènes, mais on partage surtout, je pense, une même vision du reggae… Humainement, on s'entend très bien, et musicalement on s'est aperçus qu'on avait les mêmes marottes. Mikiss : C'est quand même des gars qui ont aussi une culture punk rock à la base, pour certains d'entre-eux. JB : Et puis eux fêtent leurs 20 ans, pour le coup.

Et comment êtes-vous allé chercher le groupe allemand Spermbirds ?
Pierre : À la pêche, patiemment… Thomas : Pierre envoie des appâts depuis longtemps. On sait qu'il y a des poissons comme ça dans l'étang qui n'ont jamais mordu à l'hameçon et là, bizarrement, ça a pris. Pierre : Je suis un peu naïf alors j'envoie des petits mots aux groupes que j'aime bien, même si les trois quarts du temps je me prends des vents. Avec les Spermbirds, j'ai pris des vents pendant des années, depuis l'époque de MySpace. Jamais aucune réponse. Et puis, un beau jour, il y a dix ans, j'ai reçu un message du chanteur : « Eh, les Burning, au fait, on vous connaît bien, on aimerait bien jouer avec vous, comment ça se fait qu'on n'ait jamais joué ensemble ? ». Putain, mec, ça fait dix ans que j'essaie de vous contacter. Et hop, c'est retombé à l'eau. Et dix ans après, ça a fini par aboutir pour deux dates. C'est un peu compliqué : c'est des gens qui bossent et ils vivent à Berlin. Venir une semaine en tournée, ce n'est pas faisable. Ça joue le week-end. Donc là, on les fout dans un Uber… allemand… qui vole… Pour jouer à Paris et Bourges. Thomas : Pour moi qui suis un fan des Spermbirds et qui comme beaucoup de Français ne les ai pas vus assez souvent, ça va être une super façon de clôturer la tournée.

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Tout cela, c'est donc pour fêter trente ans de « carrière » ?
Mikiss : Je n'aime pas trop le mot « carrière ». Disons d'« activité ». Thomas : D'activités bordéliques, désordonnées et un vaguement artistiques.

Mikiss : Trente ans sans interruption. C'est ça qui est important. Il y a des groupes qui ont trente ans d'âge, mais qui n'ont pas joué pendant tout ce temps.

C'est le premier concert, l'acte de naissance ?
Thomas : Je pense que pour un groupe, le premier concert, c'est la première fois où tu existes, pour toi et pour les autres. Ton groupe prend sa véritable forme après son dépucelage de scène. En 1987, c'est la première fois où j'ai dû faire un concert avec Burning Heads. JB : Si je peux me permettre - parce que je n'étais pas dans le groupe à cette époque là - l'élément déclencheur me semble être la tournée avec les Thompson Rollets [ groupe de Périgueux], avec la possibilité d'aller jouer vraiment ailleurs et de découvrir d'autres endroits, en Italie, en Espagne, et d'ouvrir d'autres perspectives. Thomas : Oui, cette tournée ça a été le turbo ! Une vraie aventure. Pierre : On s'est mis à pouvoir tourner sans forcément ramener de la thune, mais avec l'espoir de rembourser nos frais à la fin de la tournée. C'était synonyme de pouvoir se payer de belles vacances en Europe. Si tu ne mettais pas la barre trop haut, tu pouvais te payer ce genre de trucs. C'est peut-être un peu plus compliqué maintenant.

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Noir Désir était carrément venu vous chercher pour la tournée qui avait suivi la sortie de Tostaky. J'ai des souvenirs de concerts de Bertrand Cantat arborant un T-shirt Burning Heads avec votre visuel emblématique des salamandres entrelacées…
Thomas : Ouais ! Ils avaient partagé les premières parties entre Burning Heads, Shredded Ermines, City Kids, Dirty Hands, Mush - et peut-être quelques autres. On était hyper contents, parce que déjà c'était complet partout, et c'était la première fois qu'on jouait devant plusieurs milliers de personnes. Il y avait de grosses sonos, et des équipes techniques plutôt cool. À Paris, on a pu jouer à La Cigale et à l'Olympia. On a joué à Angoulême pendant le salon de la bande-dessinée. On a fait plein de dates comme ça.

Le public de Noir Désir avait été réceptif ?
Thomas : Leur public était plutôt sympa, et je pense que certains se disaient que « si ce groupe joue en première partie de Noir Désir, c'est qu'il doit y avoir une raison »… En tout cas, même ceux qui attendaient juste Noir Désir n'exprimaient pas leur mécontentement. Pierre : Il faut dire que les concerts de Noir Désir eux-mêmes étaient relativement hardcore, malgré la différence de style. Il y avait des parties rock très influencées par Fugazi sur cette tournée-là. Et l'ingé-son de Noir Désir était un peu sourd, il mettait le volume très très fort. Quand il y avait des moments un peu intenses avec des guitares saturées, le gars se faisait plaisir à la sono ! Et même pour nous qui étions habitués aux concerts de hardcore, on avait un peu mal. Mal pour les gens qui n'avaient pas l'habitude de fréquenter les salles de concerts. Niveau volume, c'était assez impressionnant. Vous vous souvenez de votre premier 45 tours ?
Thomas : C'est « Hey You » / « Go Away », chez Black&Noir, un label qui pesait à l'époque ! C'était sorti dans le cadre de leur « Single Club » [ Calqué sur celui du label Sub Pop : 200 abonnés recevaient un 45 tours par la poste, tous les deux ou trois mois]. Pour signer le contrat, Eric des Thugs [ qui s'occupait du label] nous avait invités à bouffer un petit casse-dalle. On avait fait le déplacement à Angers. Pour nous, c'était classe ! T'imagines ? On se faisait offrir à manger par la maison de disques ! C'était cool. Sauf que le disque devait sortir rouge et il est sorti rose. On avait fait la pochette avec des Letraset et des marqueurs. Mais bon, c'était rigolo.

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Vous avez été le seul groupe français à être signé sur Epitaph…
Thomas : On avait rencontré le groupe NRA par hasard, on a fait un split avec eux, joué avec eux en Hollande… D'un coup, on s'est mis à avoir une bonne côte là-bas. Une Française qui travaillait chez Epitaph s'en est aperçue et nous a proposé à la signature. Pierre : Elle avait proposé les Mass Murderers, qui avaient été refusés, Seven Hate, qui avaient été refusés, Greedy Guts, refusés aussi… Mikiss : À l'époque, Epitaph Europe cherchaient un peu le Offspring du Vieux Continent. Thomas : Ils avaient des moyens, un businessman avait repris les rênes. Entre cette nana au bon endroit au bon moment et nous avec nos petites tournées incessantes en Hollande, tout s'est bien enchaîné. Mikiss : Ça nous a permis de bénéficier d'une grosse distribution européenne pour le disque. Thomas : Et le nom du label faisait presque la promotion à lui tout seul. Mikiss : Et l'ant-ipromo, aussi… Thomas : Eh oui, parce qu'il y avai les pro-Epitaph et les anti. Mais on a vraiment beaucoup apprécié cette période, même si elle a été un peu bizarre. Ça nous a permis de faire plus de concerts, de jouer plus loin, de retourner enregistrer avec Jack Endino, avec un peu de moyens cette fois… Le seul souci, c'est que les bandes ne vous appartiennent pas, c'est cela ?
Thomas : C'est ça. Ils ont payé pour l'enregistrement, ils sont producteurs. Mikiss : Effervescence Records vient juste de ressortir les vinyles, en payant une licence à Epitaph. Ce qu'on n'a pas voulu faire, nous, pendant longtemps. Thomas : Parce qu'on n'a pas assez de sous.

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Comment on construit une set list des morceaux avant de partir en tournée comme celle-là ?
Thomas : On se prend la tête. Pierre : C'est pas évident, mais je vais te dire ce qu'on a fait. On a décidé qu'on choisirait chacun quatre morceaux de chaque album. Ensuite, on a regardé ce qu'on avait en commun. Il se trouve qu'on avait deux, voire trois morceaux en commun sur chaque album : on est donc partis sur une liste de 45 morceaux. On a fait appel à un vote sur internet pour tenir compte des envies des gens qui nous suivent. Il se trouve que le résultat du public n'a pas été très éloigné de nos propres choix.

Thomas : On a fait un mélange des deux. Tout le monde s'y retrouvera. Vous êtes connus pour jouer des reprises que vous vous êtes complètement appropriées, avez-vous pu en inclure dans la set list ?
JB : Pas trop. Thomas : Ah si, quand même, on a ressorti « Making Plans For Nigel » ! Mikiss : Et « The Prisoner », des Saints. Pierre : Et « Guns Of Brixton », des Clash. Thomas : Quand on jouera avec Zenzile, on va essayer de faire « Punky Reggae Party ».

Certains kids pensent carrément que le morceau « No Way » est de vous, et non pas de The Adolescents…
JB : Ah ben complètement, oui ! Il est d'ailleurs arrivé bien placé dans notre petit sondage sur internet. C'est un sacré hasard que vous ayez fini par croiser votre histoires avec celle des Adolescents…
Thomas : Oh oui, on a fini par faire un split ensemble et faire des concerts avec eux en Europe et sur le continent Nord Américain, en se fournissant mutuellement de l'aide logistique. Et maintenant, on s'invite pour les vacances. Ils avaient fait une tournée en Europe dans la foulée de leur reformation, et à l'occasion d'une date en Suisse, le programmateur local avait trouvé que c'était une bonne idée de nous mettre en première partie – une « soirée de vieux », quoi. On est arrivés là-bas un peu tendus, quelque peu fébriles à l'idée de voir nos héros. Ils ont été hyper cools. On avait juste déjà croisé le bassiste Steve Soto, qui jouait de la guitare dans 22 Jacks, sur une tournée réunissant Ten Foot Pole, 22 Jacks et Burning Heads au Canada en 1996.

Je suis bleu de voir que vous remémorez aussi bien toutes ces tournées. Vous les avez comptés, tous vos concerts ? Genre il existe un cahier avec la liste ?
Pierre : Non. JB : Ils sont dans la tête. Pierre : On compte plutôt les concerts qui arrivent, là.

Guillaume Gwardeath compte les concerts sur Twitter.