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Il n'y a pas de place pour Satan chez Lucifer

L'ex-moitié de The Oath nous parle du groupe qu'elle a monté avec un membre de Cathedral, de sa relation avec l'occulte, de son amour pour Lana Del Rey et de sa brève incursion dans l'electroclash.

The Oath est venu à Lee Dorrian (ex-chanteur de Cathedral et patron du label Rise Above) comme un beau cadeau inattendu : pendant une interview, la journaliste, Linnéa Olsson, lui touche deux mots de ce projet doom dans lequel elle s’est lancée à Berlin et qu'elle partage avec une chanteuse, Johanna Sadonis, avec laquelle elle s’est découvert des affinités musicales incroyables, doublées d’une ressemblance physique pour le moins étonnante. Enthousiasmé par ce qu’il en entendra par la suite, Dorrian sortira le premier album de ce The Oath mené par deux têtes blondes aux allures de sosies. Un disque qui produira son petit effet dans les sphères metal et leur permettra notamment de décrocher une tournée avec Ghost et une apparition au Roadburn 2014. Mais voilà, le groupe n’a encore pas soufflé sa première bougie que ses fans se voient adresser un curieux message : « Vous recevez cet email parce qu’à un moment où à un autre, vous avez acheté notre musique ou notre merch via notre page Bandcamp. Et on vous en remercie ! Mais maintenant que l’album est sorti, il est temps que vous sachiez que ce groupe est mort, et ce depuis un petit moment déjà. À la prochaine… ». À l’origine de la sentence ? Une Linnéa frustrée de certains désaccords en répèt’, et déjà bien décidée à rejoindre les Finlandais de Beastmilk (et futurs Grave Pleasures). Privée de groupe, trahie par son amie, Johanna décide de ne pas se laisser abattre et monte Lucifer, projet hard-rock retro / occult-rock héritier de Coven et Black Sabbath. Moins d’un an plus tard, un savoureux album sous le bras (toujours chez Rise Above), elle nous parle de son alliance avec Gary « Gaz » Jennings de Cathedral, du split de The Oath, de sa relation avec l'occulte, de son amour pour Lana Del Rey et même de sa brève incursion dans l'electroclash. Noisey : Déjà un premier album de Lucifer, tu n’as pas perdu de temps après le split de The Oath…
Johanna Sadonis : Effectivement ! Je me suis immédiatement lancée dans l’aventure parce que je ne voulais pas rester là à me lamenter… Tu sais, c’est horrible de voir imploser malgré toi un projet qui te tient à cœur et que tu pensais pouvoir encore développer. À ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait choisir : la déprime ou un nouveau groupe. Par chance, tout s’est bien goupillé et grâce à un travail acharné, je sors cet album un an à peine après le split. J’avais déjà le batteur de The Oath avec moi, tout aussi déçu de la façon dont les choses avaient tourné. Je lui ai naturellement proposé de me suivre et il était partant. Quant au bassiste Dino, il était déjà censé jouer dans The Oath donc on était en contact et je lui ai également offert de nous rejoindre. Enfin, Lee Dorrian, qui avait sorti l'album de The Oath, partageait notre déception. Quand je lui ai parlé de mon nouveau projet, il m’a conseillé de contacter Gary de Cathedral, qui avait vu The Oath au concert anniversaire londonien des vingt-cinq ans de Rise Above, en décembre 2013, et l’avait d’ailleurs conforté dans sa décision de nous signer. Et Gary a tout de suite accepté de nous rejoindre. C’est donc allé très vite. Linnéa et Johanna dans The Oath On peut revenir sur ce qui s’est passé avec Linnéa ? Et tu as écouté Grave Pleasures ?
Je ne veux pas trop rentrer dans les détails parce que je n’ai pas envie de me montrer médisante mais ça a vraiment été difficile. Quand les tensions sont apparues, j’ai vite compris que ce serait très compliqué, mais de mon côté j’ai essayé d’arrondir les angles un maximum, surtout que nous avions des projets de tournée. Je lui disais « Essayons de faire un effort, et de faire le point, c’est un groupe chouette avec de super projets en cours ! » Mais avec le recul je me rends compte que c’était impossible. Pour elle, en tout cas. Cela dit, je lui souhaite bonne chance avec Grave Pleasures, qui est un bon groupe.

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Je me souviens d’interviews où elle soulignait à quel point c’était une bénédiction de t’avoir rencontrée à son arrivée sur Berlin, toi la doomstress locale en quête d’une guitare. De la symbiose de vos deux points de vue artistiques, de votre amusante ressemblance physique…
J’ai ressenti la même chose tu sais. On a eu un coup de cœur l’une pour l’autre : en tant que compositrices, mais aussi amies. Quand on s’est rencontré, c’était incroyable. Même physiquement, on se ressemblait et les gens nous prenaient pour des sœurs ! Nous avions les mêmes gouts ! Ce fut d’abord très intense… Mais (soupir). Disons que notre amitié s’apparente à une passion amoureuse qui s’est rapidement consumée pour ne laisser que des cendres. Avec Gary, tu as retrouvé une symbiose en termes d’écriture ?
J’avais un concept pour Lucifer et le lui ai expliqué. Il ne s’agissait pas d’imiter The Oath : l’approche serait différente et je lui ai parlé du genre de compos auxquelles j’aspirais. Je lui ai cité Technical Ecstasy de Black Sabbath et les albums de Scorpions des années 70… À partir de quoi, il s’est mis à écrire des riffs. Il m’envoyait la musique en mp3 et je pouvais faire le tri : « Ce morceau tue, celui-ci me parle moins… ». Je suggérais aussi des modifications. Il opérait ces changements et me renvoyait une nouvelle version. Alors je m’asseyais chez moi à Berlin, je trouvais les lignes de chant et les paroles. Un vrai travail collaboratif en somme, mais à distance.

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C’est impressionnant la rapidité avec laquelle vous avez écrit ce disque, étant donné le processus, j’ai l’impression que le single « Anubis », date d’hier, alors qu'il est sorti en février dernier.
Oui, j’en suis la première étonnée ! [Sourire]. Mais avec The Oath, on se retrouvait en répèt, on jammait, et il y avait la pression implicite de trouver une idée sur le coup. Là, j’ai apprécié de m’asseoir chez moi, dans mon petit home-studio, de réfléchir au calme et à mon rythme pour formuler mes idées. Sans distraction aussi. J’essayais même plusieurs mélodies, et ça m’a paru plus facile. Je m’écoutais moi, sans rien ni personne pour me distraire.

Votre label semble insister sur le fait que vous dépassez les clichés des groupes « occult-rock » revival 70s à chanteuse [Jex Thot, Jess & the Ancient Ones, etc.]. Mais avec un nom comme Lucifer et des textes comme « Abracadabra » (on pense à « Sabbra Cadabra » de Black Sabbath) ou même « Sabbath », tu peux m’expliquer en quoi vous vous différenciez de ces groupes ?
Déjà j’ai du mal avec ce terme d’ « occult rock », je comprends que les gens aient besoin d’une étiquette pour parler des artistes, les comparer, les regrouper. Cela dit, au final, on ne peut pas indexer la musique : ça reste un son avant tout, irréductible aux mots et catégories. Et ce qui me gêne avec ce genre d’étiquettes, c’est aussi que les gens peuvent te soupçonner de suivre une mode et de prendre le train en marche. Alors que perso, ça fait vingt ans que je joue dans des groupes et que j’écoute ce genre de musique. Bref, ce n’est pas comme si j’avais commencé hier ! Voilà pourquoi je n’aime pas trop être associée à tout ça : j’ai peur qu’on me prenne pour une suiveuse. Chez moi, ça vient de là [elle touche son cœur], du plus profond, et j’ai toujours été très investie dans ces musiques.

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Le rapport à l’occultisme, c’est aussi une vieille obsession ?
En effet. J’ai bossé dans une librairie d’occultisme quand j’avais seize ans. Je suis quelqu’un d’assez intuitif, voire même de vaguement irrationnel [Rires]… Même si je me soigne. Disons que j’écoute vraiment mes émotions, et je n’ai pas honte de le reconnaitre. Je viens d’une famille 100% germanico-allemande, rire, mais on va dire que je ne suis pas très allemande dans ma tête. Je tiens ça de ma mère !

Tu soulignais ton « ancienneté »… Peux-tu revenir sur ton itinéraire et tes expériences que je sais multiples en matière de black et de death metal ? Est-ce qu’avec the Oath et Lucifer, tu reviens à des musiques avec lesquelles tu as grandi, du genre Curved Air, Deep Purple ou Black Sabbath ?
En effet ! Dans ma famille, on écoutait beaucoup de rock 70's. Mais en grandissant, tu te mets à considérer la musique de tes parents comme l’antithèse de ce qui est cool. Alors tu veux trouver ton propre truc, et pour moi, ce fut le metal extrême : black et death. J’ai joué de la guitare dans un premier groupe à treize ans. À quinze ans, j’ai rejoint mon 1er groupe de death-metal, baptisé Ferox. J’ai toujours la cassette demo à la maison [Rires]. Je suis ensuite passée par plusieurs formations black metal berlinoises, l’une d’entre elles s’appelait Cryogenic… On n’a sorti que des cassettes. J’étais chanteuse : en contrepoint aux frontmen qui utilisaient une voix gutturale, j’apportais des mélodies sopranes et des chœurs, ce qui était la mode dans les années 90. Je m’entrainais à l’église de mon quartier, en fréquentant leur chorale. Je m’y rendais pour pratiquer et je cachais sous mon pull la croix inversée que je portais en pendentif ! [Rires]. Pour moi c’était un cours de chant gratuit, et j’adore les églises, leur acoustique… Bref c’était un entraînement à l’œil que je mettais à profit dans mes groupes de black metal. Ce qui est drôle c’est que je viens d’une famille assez religieuse, mon grand-père était pasteur et ils sont plusieurs dans ce cas. Il était le superintendant général de l’église de Berlin et Brandebourg ! Il a d’ailleurs fait venir Martin Luther King à Berlin et d’autres trucs comme ça.

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Incroyable !
Je te jure ! Un poste à responsabilité et j’ai des oncles et des tantes très impliqués, mais dans la religion protestante, qui est plus ouverte que le catholicisme. Bref, ils sont assez libéraux et personne ne m’en a jamais voulu d’avoir les goûts que j’avais. Pendant longtemps je me suis exprimée dans le metal extrême. C’était les années 90… mais si j’en crois mon expérience, et mes amis autour de moi : quand la musique te passionne, tu passes par des phases, c’est naturel. Tu élargis tes horizons, ta passionnes pour des trucs, en renies d’autres… C’est dans l’ordre des choses. Pour ma part, j’ai fini par réaliser qu’en dépit de toute une variété de formes actuelles, le metal s’originait dans quelques grands groupes des années 70. Black Sabbath etc. Et s’ils sont considérés comme les plus grands, il y a une raison ! Je suis moi-même revenue aux racines du genre. C’est drôle parce qu’à l’adolescence, ces disques ont perdu tout intérêt à mes yeux, je ne voulais plus en entendre parler. Et maintenant, j’ai récupéré ceux de mes parents, et je les écoute moi aussi constamment. Aujourd’hui, j’y vois clair : si ces groupes sont des classiques, c’est parce qu’ils restent inégalés !

Donc tes disques préférés des 70, c’est quoi ?
Pour moi Aphrodite’s Child : 666. Le premier Black Sabbath ainsi que Technical Ecstacy. Blue Öyster Cult avec Secret Treaties. Mais d’autres trucs moins heavy comme Rumours de Fleetwood Mac, les deux premiers albums de Heart, Shocking Blue, ou encore Demons & Wizards d’Uriah Heep.

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Il y a une anecdote sur les Néerlandais de Shocking Blue que j'adore : la chanteuse Mariska Veres ne parlait pas anglais, et c’est le guitariste qui écrivait les paroles d’un point de vue féminin, des titres comme « Never Marry a Railroad Man »…
Ah ah, oui, c’est génial ! [Elle fredonne le morceau]. Mais on pourrait trouver d’autres exemples d’hommes qui composaient pour des femmes et signaient les paroles, je trouve ça cool. Ça nécessite beaucoup d’empathie, n’est-ce pas ? Et du talent ! D’arriver à te mettre comme ça à la place d’un autre…

Dans tes groupes de black metal, plus jeune, tu écrivais les paroles ?

En fait non, je les aidais à concrétiser leur idée du morceau et chantais leurs textes. Dans ces groupes-là, j’étais le

side-kick

[

Rires

]

. À l’époque d’ailleurs, les filles étaient rares dans le milieu, c’était assez macho comme univers. Mais ta réflexion sur Shocking Blue me rappelle que j’ai fait partie d’un groupe suédois produit par le bassiste d’Hypocrisy, Mikael Hedlund. Pour ce projet, je devais chanter en suédois et ils ont dû me m’apprendre phonétiquement mon texte. Ce groupe, Vinterkrig, comptait deux membres d'Amon Amarth avant qu’ils ne rejoignent Opeth : Martin Lopez et Martin Mendez, mais ce n’est jamais sorti. Un concert à Stockholm et le groupe a splitté !

Tu as beaucoup voyagé, dès ton plus jeune âge ?

J’ai grandi dans Berlin Est, avant la chute du mur. Mes parents devaient ruser pour se procurer leurs disques des Rolling Stones ou des magazines. Une vie limitée et terne jusqu’à ce qu’on déménage de l’autre côté. À partir de là, ils nous ont emmenés en voyage avec eux, et m’ont sans doute donnée la bougeotte. À l’adolescence je suis même devenue jeune fille au pair en Norvège mais je me suis virée au bout de quelques semaines parce que c’était à l’époque des incendies d’églises. Comme j’étais brune et en pleine période black metal, à commencer par mon look, ça n’est pas bien passé dans le quartier et mes employeurs ont préféré me renvoyer chez moi. J’ai aussi vécu en Californie pendant trois ans.

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Pour en revenir aux paroles de Lucifer, est-ce qu’elles abordent des expériences personnelles, et donc éventuellement ce que tu as vécu au moment du split de The Oath, ou s’agit-il de mysticisme pur ?

Déjà, je dois dire que Lucifer est encore plus mon bébé car il y avait un morceau de The Oath dont Linnéa avait signé le texte. Et aussi que cette fois, j’ai dû écrire beaucoup plus vite ! Pour te répondre, mes textes traitent toujours d’expériences personnelles : je ne sais pas faire autrement ! J’utilise des métaphores ou des symboles mais ça cache toujours des anecdotes tirées de ma vie.

Donc, même quand tu utilises des thèmes occultes ou mystiques, il y a une double lecture possible ?

Oui. Mais on touche là à l’essence même de l’occultisme : qu’est-ce la magie, sinon un outil pour arriver à appréhender et gérer ta vie ? En règle générale déjà, une chanson est souvent polysémique, à l’intérieur d’un groupe, mais aussi pour ses auditeurs. Cela dit, quand j’écris, j’ai une signification très concrète en tête, liée à des éléments de ma vie personnelle. Le titre « Izrael » par exemple fait référence à « Azrael » qui est le nom espagnol de l’ange de la mort. J’ai fait un rêve vraiment très intense, dans lequel je me suis vue en train de dormir. De ces rêves qui te semblent très vrais, et dont tu te réveilles choquée. Cette nuit-là, j’ai rêvé que l’ange de la mort se tenait au pied de mon lit et je savais que j’allais mourir bientôt.

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Souvent quand tu rêves de la mort, ça reste une peur vague et surréaliste dont tu te sais menacée, mais qui ne se concrétise jamais. Or là, c’était bien présent, de manière très personnifiée. En plus là, je dormais dans mon rêve, et je savais que cet ange venait me chercher. Je le sentais étendre ses ailes autour de moi. Et je savais qu’il allait m’emporter. Mais pour tout te dire, c’était très paisible, et beau, pas effrayant. Presque réconfortant, une figure paternelle. Je n’avais pas peur, je m’abandonnais à ce destin dans un lâcher prise total. Je me suis réveillée en et j’en ai pleuré. Il y a aussi un autre morceau : « Sabbath » qui traite

[

Sourire

]

… de l’amour de ma vie [

Instant petit biscuit : apparemment, Lee Dorrian de Cathedral et Rise Above

]. On a eu notre premier rencard à un concert de Black Sabbath.

[

Rires

]

Génial ! Un bon présage, assurément !

Donc tu vois la double lecture possible maintenant

[

Rires

]

. Quand je chante «

Take me to the Sabbath, take me to the church

»… Notre relation a commencé à un concert de Sabbath, mais l’idée c’est aussi que l’amour est quelque-chose de sacré, un temple ou un rituel que tu célèbres à deux.

C’est génial de savoir ça ! Et tu parlais de la chanson « Izrael », ta façon de placer ta voix m’a un peu rappelée Dio sur ce morceau…
Oh merci, j’adore Rainbow !

En parlant d’arc-en-ciel, parle-nous des patches sur vos vestes dans le clip…
C’est une allusion au film Lucifer Rising de Kenneth Anger. Dans le film, Kenneth Anger porte cette veste, alors j’ai demandé à une amie berlinoise de la reproduire. Et j’en ai fait faire quatre pour les membres du groupe.

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Encore une référence old-school ! D’ailleurs la production de l’album est à l’avenant…
J’ai effectivement choisi un studio berlinois qui était tenu par un collaborateur de Conny Plank, le grand producteur de krautrock allemand des années 70. Can ont par exemple enregistré avec Conny Plank, ce genre de groupes… Ce studio était rempli de matos vintage. Je voulais faire appel à quelqu’un qui ne soit pas un producteur metal, sortir de cette sphère-là et ne pas avoir le même son formaté que des tas de groupes actuels. On a donc enregistré dans une pièce, en jouant live tous ensemble. Ça nous a donné une base très organique, une piste live qui respirait l’authenticité, et qu’on a enrichie d’overdubs.

Pourquoi avoir choisi le nom de Lucifer ?
Bonne question… Ce nom m’est tout de suite venu à l’esprit mais au début je me suis censurée « Tu ne peux pas utiliser ça, les gens vont trouver ça facile et stupide » donc je le gardais pour moi. Un jour Lee m’a demandé « Alors tu as trouvé un nom ? ». Moi : « Je n’ose pas te le dire, tu vas penser que je suis débile » Mais il a réagi avec enthousiasme « Excellent, c’est un très bon nom ! ». Et c’est vrai qu’il est simple et accrocheur ! C’est étrange, quand tu y penses : plusieurs groupes se sont appelés ainsi, mais aucun de vraiment marquant ou actuel n’officie sous cette appellation. Je me la suis donc appropriée. De plus, c’est un nom à sept lettres. Et je suis vraiment obsédée par le nombre 7.

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C’est ton chiffre porte-bonheur ?
Oui… et c’est même mon nom : Johanna Claudia Sadonis. Trois fois le nombre… 7 – 7 – 7. Et je suis née le 21, qui est 3 x 7…

Comme la chanson de Danzig « Seven seven seven is my name »
Oui, je suis une grande fan de Danzig en plus ! La première fois que j’ai entendu ce morceau, je n’ai pu m’empêcher de sourire « Seven seven seven is my name ! Hey mais attends un peu ! C’est vraiment mon nom ! » Et ce nombre n’a cessé d’intervenir au cours de mon existence. Sans entrer dans les détails, un événement majeur s’est par exemple produit le 7 Juillet 1977… J’ai découvert de nombreuses occurrences de ce chiffre au cours de ma vie. Par ailleurs, je m’identifie vraiment à la figure de Lucifer : c’est un ange incompris qui se fait bannir du paradis, un être à la marge.

Quels sont les groupes récents que tu aimes ?
J’adore les Suédois de Goat… Mais tu sais j’écoute de tout, Lana Del Rey aussi [son dernier album passe en fond sonore dans le hall de l’hôtel] parce qu’elle a ce truc morbide qui me parle et ses paroles me hantent. Je suis quelqu’un de très morbide donc je peux facilement m’identifier [Rires]. Et comme je te le disais tout à l’heure, je suis quelqu’un de très émotif et elle aussi ; on la sent vraiment à fleur de peau et je ne pense pas que ce soit une pose. Bat For Lashes aussi… Je peux te trouver des groupes qui me plaisent dans tous les genres, sauf peut-être le reggae. J’aime aussi beaucoup Black Mountain par exemple.

On a surtout parlé des années 70 jusqu’ici mais s’il y a un truc que j’aime avec la musique des années 80 c’est que tu pouvais être mainstream et complètement bizarre, comme Roxy Music ou Kate Bush, développer des paroles étranges influencées par la littérature ou les légendes…
Oh oui, c’est clair ! Je suis bien d’accord avec toi.

Tu parlais de Fleetwood Mac d’ailleurs, Stevie Nicks en solo qui se la jouait gypsy ou s’inspirait d’Alice Au Pays des Merveilles, elle pouvait être kitsch par moment mais elle assure ! « Edge of Seventeen » reste un pur tube !
Mais oui ! C’est clair ! Je n’ai plus peur d’assumer mes goûts kitsh maintenant, c’est ce que j’aime, c’est ce que je suis. D’ailleurs, les gens redécouvrent ces artistes. Mais oui, j’adore Stevie Nicks, je n’ai plus le peur de le dire !

Tu envisagerais un projet pop ? De sortir des sphères metal ?
Tu sais j’ai expérimenté pas mal de choses déjà… Notamment un projet de dark indie pop qui sonnait un peu à la Ladytron. C’était quand j’ai vivais à Los Angeles car j’ai été mariée et j’ai vécu trois ans là-bas. Avec mon amie Rayshele, que je connaissais de la scène black metal, nous avons eu notre période Chicks on Speed, Ladytron, Robots In Disguise, au début des années 2000.

Je l’ignorais ! Vous tournez bientôt avec Paradise Lost, ils avaient sorti un album plus pop, presque à la Depeche Mode il y a quelques années : Symbol of Life… Tu l’as écouté ?
Ça me fait plaisir de tourner avec eux car c’est un groupe qui m’a marquée à mes débuts : ils ont été parmi les premiers à intégrer une voix féminine soprane, à l’époque de Icon et ça m’a influencée dans mes premiers groupes. Après je dois avouer que j’ai lâché un peu l’affaire quand ils ont adouci leur son comme d’autres à l’époque – Tiamat ou Type O Negative avec October Rust –, enfin je les ai écoutés ado, et ils semblent être revenus à leur son originel pour le dernier album donc j’ai hâte de voir ça sur scène et de les rencontrer.

Pour finir, le titre de l’album, Lucifer I semble annoncer une suite… Ce qui va à l’encontre des premières rumeurs qui disaient que Gary Jennings de Cathedral te filait un coup de main mais qu’il ne serait pas forcément un membre permanent du projet. Qu’en est-il ?
En effet, les choses ont changé. Je veux dire, je l’ai abordé en lui demandant « Tu veux faire un album avec moi ? » mais je ne pouvais lui en demander davantage car il avait déjà son groupe Death Penalty et je ne voulais piquer le guitariste de personne. Je me disais qu’on pourrait écrire un disque et qu’ensuite je trouverais bien des musiciens pour m’accompagner live. Mais depuis on a joué tous les concerts ensemble et on est devenu un groupe. Cela dit, secrètement je ne voulais pas me contenter d’un disque car je savais que j’étais en train de créer mon nouveau projet ! Voilà pourquoi j’ai intitulé cet album Lucifer I : tu connais la phrase latine « nomen est omen » : le nom est un présage. Et je crois que c’est vrai : si psychologiquement, tu t’attaches à une idée, ça va générer un état d’esprit propice à sa réalisation. D’ailleurs c’est comme ça que la magie fonctionne : si tu dis quelque-chose, si tu crées une poupée vaudou ou un symbole voire un rituel, tu vas indirectement préparer sa concrétisation. Pour moi le sort est psychologique et tu le jettes à toi-même. Il s’agit de bien définir ton objectif et de te mettre dans la disposition psychologique de chercher à l’atteindre, même inconsciemment. Bref, en choisissant ce titre, je voulais faire en sorte que l’histoire de The Oath ne se reproduise pas [Sourire]. Elodie Denis aime interviewer des groupes occultes mais elle ne fait pas partie de la Confrérie des Illumina-twitts.