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Music

Qui est vraiment Stitches, le rappeur désaxé auteur du single « Brick In Yo Face » ?

Un AK-47 tatoué sur la joue, plusieurs séjours en prison et de la coke à ne plus savoir quoi en faire.

Au rayon des singles qui mettent la zone d'entrée, « Brick In Yo Face » de Stitches se pose là. Véritable train de marchandises lancé à pleine vitesse, l'engin se résume à une explosion ininterrompue de 3 minutes et 12 secondes par-dessus laquelle le rappeur de Miami hurle « I LOVE SELLIN’ BLOW !!! » en boucle, tel une sirène tentant de vous attirer dans une contrée magique et maléfique, exclusivement composé de montagnes de cocaïne. Sa vidéo est tellement premier degré qu’elle en devient presque comique. Avec sa carrure de colleur de tartes, Stitches en impose, surtout lorsqu’il se met à gueuler, un flingue à la main, devant sa baraque et son bataillon de sbires. Stitches se vante de vendre de la came et montre des passages où on le voit échanger des kilos entiers contre des sacs plein de cash, et où un type avec un masque de Pinhead explose une

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brique

de poudre dans une maison délabrée, mongolo style. L’effet produit par cette vidéo équivaut à une rafale de AK-47 en pleine tête, et ça tombe plutôt bien : Stitches en a justement une tatouée sur sa joue droite.

« Je me suis fait ce tatouage parce que c’est mon flingue favori » m’a t-il dit au téléphone, de manière totalement désinvolte, comme si se tatouer un flingue semi-illégal sur le visage était le truc le plus normal du monde. « Je l’ai fait à 16 ans ». Quand je lui ai demandé comment le clip de « Brick In Yo Face » avait pu devenir aussi viral, il m'a simplement répondu que le truc était planifié depuis plusieurs semaines et qu'il « savait que ça allait devenir gros. »

Si Stitches et moi avons eu cette conversation téléphonique, c'est parce qu’Internet se demande depuis quelques semaines ce qu'il se passe au juste avec ce mec. Même s’il a donné quelques interviews par le passé, Stitches n’a, pour le moment, pas dit grand chose sur lui, peut-être pour garder une part de mystère, ou bien tout simplement parce que personne ne lui a posé les bonnes questions. Et manque total d’informations + « c'est une blague ou quoi cette merde ? » = érection massive de l'Internet. Alors d’où vient ce mec, putain ? Et comment est-il devenu si gros en si peu de temps ?

On pourrait croire que Stiches et son « Brick In Yo Face » sortent de nulle part, et pourtant, ce type traîne dans la scène rap de Miami et sur Internet depuis un moment déjà. Ses premiers morceaux, « Dirty Game » et « Love for My Haters », figuraient sur la compilation

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The Wire

, une mixtape de rap indé sortie en début d'année, et sur laquelle on trouve notamment K Camp et Young Dolph. Si je me souviens bien, « Brick in Yo Face » est apparue pour la première fois sur une compilation intitulée

Rise Of The Indy

, mais sous un nom différent : « Brock on Yo Plate ». Ces deux compiles étaient toutes deux mixées par DJ Cinemax.

Avant d’être Stitches, Stitches se faisait appeler Lil Phill, un petit dealer adolescent d eMiami, rappeur à ses heures. Un passage sur son

ancien compte Twitter

révèle que son single « Ridin’ » avait tout de même atteint 88 000 vues sur YouTube (il a depuis été retiré de la plateforme, mais vous pouvez écouter une version du morceau juste en dessous, suivie d’un autre single, « Rollin’ »).

Stitches m’a dit qu’il se démerdait tout seul depuis l’âge de 14 ans. « J’ai eu des problèmes à l’école parce que j’ai mis un pain au principal dans son bureau. Ils m’ont arrêté pour ça. Deux semaines plus tard j’avais une piaule, et j’ai commencé à dealer, et tout le reste. »

« Depuis que je le connais, il a toujours dealé » me raconte son associé, M. Deniro, que j’ai contacté via Twitter. « Pas des petites doses hein, vraiment du lourd, et ce depuis ses 14 ans. »

Ses tatouages datent, eux, de ses 16 ans. Stitches en avait tout simplement marre que des mecs le balancent. « Je faisais des aller-retour en prison quand j’étais plus jeune » m’a t-il expliqué. « Je n’ai jamais été en taule à cause d’une preuve que j’aurais pu laisser, non, j’ai toujours plongé à cause de quelqu’un d’autre. J’ai donc dû faire un truc fort pour que les gens soient au parfum. »

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M. Deniro coupe court : « On ne côtoie par les balances. [

Stitches

] est un mec vraiment humble, mais crois-moi, il ne vaut mieux pas t’aventurer vers son côté obscur. »

Le 25 mars dernier, le nom « Stitches » a été déposé comme « marque de divertissement musical ». Dans la foulée, le rappeur et son crew ont également créé une société d’édition baptisée TMI Publishing (pour « Too Much Ink »). Quand je lui ai demandé des détails sur ces marques, il m’a tout naturellement répondu : « Le nom ‘Stitches’ m’appartient. Si tu le mets sur un T-Shirt, je peux te poursuivre, c'est aussi simple que ça. »

Le 25 avril, soit un mois plus tard, la mixtape

No Snitching Is My Statement

a été postée par DJ Ace. « En fait, il m’a contacté sur Instagram en me disant qu’on pourrait faire un truc ensemble. » m’a avoué Stitches. Ace m’a confirmé au téléphone : « Habituellement, je prends 5 500 $ par rappeur, mais j’ai baissé à 2 500 $ pour lui. » Ace produit pas mal de mixtapes, mais c'est aussi et surtout le DJ live de Waka Flocka. Cette connexion peut expliquer pourquoi dans une

interview sur le site Complex

, Stitches frime à propos de futures collaborations avec 808 Mafia et Southside, deux producteurs affiliés à Waka.

D’un côté, déposer son nom, tourner une vidéo avec un très fort potentiel viral et se lier avec des figures de l’industrie musicale sur Instagram demande à priori un minimum de jugeote (ou un certain degré d'opportunisme), ce qui n'est pas le genre de qualité qu'on attribuerait forcément à un type qui se trimballe avec un AK-47 tatoué sur la joue. D’un autre côté, ce mec semble être la personnification du DIY. On vit à une époque où n’importe qui peut se servir des réseaux sociaux pour exposer son boulot, se faire des contacts, collaborer à des mixtapes et finir par sortir une vidéo complètement tarée qui vous catapulte dans le game. Si Stitches était un groupe de punk merdique qui utilisait Internet pour parvenir à obtenir trois lignes sur Pitchfork, on ne prendrait pas la peine d’en parler. Mais il s'avère que c'est un gamin cinglé avec des tatouages de cicatrices et de fusils d’assaut sur la tronche à la recherche d'un deal sur une major. Beaucoup voient en lui un pur produit de l’industrie musicale, une invention, alors que c’est juste un type malin qui a été éduqué à la dure et qui essaye de s’en sortir en donnant le meilleur de lui-même. « J’ai fait toute cette merde seul, négro » ajoute-t-il. « Je n’ai reçu l’aide de personne. Ni de mon père, ni de ma mère, de personne. » Alors, c'est qui Stitches ? C’est juste le gars d’en bas, le mec qui zone dans le coin. Vous posez pas plus de questions que ça.

Drew Millard est rédacteur chez Noisey USA. Il est sur Twitter - @drewmillard