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Music

Joel Gion ne déconne pas avec la sape

L'ex-préposé au tambourin du Brian Jonestown Massacre nous parle chiffons, récupération, punk/hardcore et Scott Walker.

Impossible de stopper le membre le plus mystérieux du Brian Jonestown Massacre, qui a sorti cette année Apple Bonkers, son premier album solo, enregistré avec plusieurs membres du groupe. De ses interventions extravagantes dans le docu légendaire Dig!, qui a réussi à faire croire à tout le monde que le BJM et les Dandy Warhols ne pouvaient pas se saquer, à sa dégaine clairement je-m'en-foutiste (que ça soit sur scène ou dans la vie de tous les jours), ça été toujours un peu compliqué de cerner Joel Gion : rires gênés, questionnement sur son utilité au sein du groupe ou totale idolâtrie, il a déclenché un panel extra-large de réactions chez les gens. Loin du mélange passif-agressif + visage décomposé de son collègue Anton Newcombe, Gion ressemble beaucoup plus à la bouffée d'air frais qu'est sa musique: distingué et charmant, mais souvent avec une substance quelconque dans le système, à l'image de son tout premier clip. On a profité d'être enfoncé dans un canapé en sa compagnie pour lui demander son avis sur Scott Walker, les poseurs et le hardcore dans les années 80. Noisey : Ça fait un moment que la musique psychédélique a de plus en plus de succès. Tu vois beaucoup de poseurs qui débarquent avec ce regain de popularité ?
Joel Gion : Ben, d'un côté il y a beaucoup de groupes géniaux qui font plein de nouvelles choses, des trucs un peu différents auxquels je m'attendais pas forcément, c'est top, mais d'un autre côté, c'est fastoche d'acheter une guitare Vox, des pantalons moulants, des vieux amplis, et de faire une musique avec une vibe psychédélique, mais il y a zéro travail de composition. Je veux dire, c'est cool que tu aimes Spacemen 3 mais bon…

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J'ai toujours trouvé que tu étais le seul membre du Brian Jonestown Massacre avec un peu de style.
Merci !

Tu trouves pas que certains mecs se déguisent un peu? Ils mettent des pattes d'eph' et s'y croient à fond.

C'est marrant, on a joué pour une release party à Los Angeles il y a quelques jours, et il y avait un mec qui avait le même chapeau que moi, les mêmes pompes que moi, des rouflaquettes comme moi, et il est venu me causer, l'air innocent [

Rires

]. J'étais là « ok, tout roule, mec ? ». Mais ouais, surtout à Frisco, il y a quelques mecs qui me ressemblent, c'est comme un compliment. Je dois admettre que quand j'étais au lycée, Jesus & Mary Chain sortaient pas mal de trucs, et j'ai essayé de leur ressembler. Je pige l'idée, les gens essayent de se trouver un style, et si ils m'utilisent comme exemple, très bien.

C'est plutôt flatteur.

Carrément.

Tu penses qu'il faut avoir un peu de classe pour incarner ta musique ? Que la manière dont tu t'habilles est liée à ta musique ?

À l'époque où je grandissais, quand tu voyais quelqu'un, tu pigeais qui il était rien qu'en regardant ses fringues. Du genre

«

on est dans la même équipe, toi et moi, je sais que je peux traîner avec toi et parler des mêmes trucs ». Et ça me manque ! Tout est si homogénéisé dans la société moderne, on dirait que tout le monde bosse pour Urban Outfitters ou Gap. Super pour toi si tu trouves ça confortable, mais c'est incroyablement chiant

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[

Rires

]

. C'est beaucoup plus intéressant, à mon avis, de montrer ton individualité et de dire

«

voilà qui je suis

»

, et de le faire autant que possible.

Mais il y a aussi le risque de surjouer tout ça et de t'habiller comme quelqu'un que tu n'es pas.
Ouais, je sais plus quelle marque a sorti une gamme entière de fringues psyché, avec des vestes, des chapeaux larges et tout le bordel. Ça devient un uniforme, et je pense que c'est inévitable: déjà dans les années 60, Sears avait une collection psyché dans son catalogue.

Quand je te vois, j'ai l'impression que tu mélanges pas mal d'influences, j'ai raison?
Complètement. Ouais, j'ai pas envie d'être un de ces mecs déguisés. Pour moi, tu dois exprimer ton individualité, donc tu prends un truc ici ou là, des trucs qui te plaisent, et tu fais ton propre style avec. Ça devient TON truc.

Je sais qu'Anton (Newcombe) est à fond sur les chaussures David Preston. Tu en as une paire aussi ?
Oui! Il me les a offert [Rires]. C'était très sympa. Apparemment lui et David Preston s'entendent bien, David avait un showroom à Londres, on est allé y faire un tour, à cette époque il était à fond sur ces bottes australiennes, je me rappelle plus le nom de la marque, je crois que c'était Wallabee, je me souviens plus exactement. Avec une boucle élastique, arrondie, de couleur brune. Un genre de botte d'ouvrier mais avec un truc un peu Beatles, sans la pointe. Il les adorait. Mais ouais, il a fini par m'acheter une paire de DP bordeaux.

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Celles-là sont super classes.
Ouais ouais ouais !! Il m'a demandé quelle était ma pointure, je me suis douté de quelque chose. Ils m'ont envoyé une paire. Anton aime avoir l'air relax, il aime avoir la classe mais pas non plus se la jouer -sauf quand c'est pour des concerts importants.

Tu préfères une botte pointue ou arrondie?
Pointue. J'avais une paire de Frye, une chaussure classique de bohémien, comme ça. J'aime une belle paire paire de bottes. J'en ai eu dieu sait combien. Celles-là sont des Beatwear, la qualité est nickel, je les porte en tournée, je fais n'importe quoi avec et elles sont toujours bien.

J'en ai une paire, c'est méga-solide.
Ce sont probablement mes favorites. Le zip monte super haut, c'est un peu la botte ultime. Difficile de faire plus haut que ça.

Il y en a qui montent jusqu'au genou, je trouve ça super gênant.
Ouais, c'est un peu too much. Le seul détail que j'aimerais sur celles-ci, c'est une fermeture éclair argenté. C'est le seul truc que je changerais.

Tu achètes des sapes sur-mesure, parfois?
Mec, on gagne pas suffisament [Rires]. Avec un peu de chance, l'album va marcher et je pourrais m'offrir quelque chose. J'aimerais vraiment designer mes propres fringues. Je veux dire, où est-ce que je vais trouver des Hounds Shoes en daim? Personne n'en fait.

Tu as des endroits favoris pour acheter des fringues, dans ta ville?
Carrément ! Haight Ashbury était vraiment monstrueux à une époque, avant Internet. Maintenant tout le monde veut vendre des trucs sur eBay et veut se faire de la thune sur ton dos donc c'est devenu super tendu de trouver quoi que ce soit. Il y un magasin qui s'appelle Static où j'ai acheté mon blouson. Je suis un fan de friperies, tu peux y trouver des invendus, des vrais, bons pattes d'eph, par exemple.

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Photo - Donnie Ka Et en tournée, t'arrives à te démerder?
Généralement, je regarde sur le net et je profite de la tournée pour les récupérer.

Sur Craigslist, ce genre de trucs?
Ben en fait, je cherche des trucs sur Google ou bien sur Yelp.

Tu traînes sur Etsy?
Oh putain, tout le temps.

Tu as des marques préférées?
Lee et Wrangler !

L'aspect visuel de ton groupe est important aussi ?
Absolument. Encore une fois, j'ai grandi avec de la musique faite par des mecs qui ressemblaient à ce qu'ils jouaient. Les gens achètent un ticket pour écouter de la musique, mais ils sont obligés de te regarder, donc autant…

Autant être bien habillé.
Ouais, c'est un show, c'est pas seulement un show d'ailleurs, c'est TON show. C'est pas genre « oh, je fais ce concert, je vais mettre ce chouette costume » et blablabla. Perso, je m'habille pareil quand je sors dans la rue. Le Velvet Underground savaient s'habiller. Ils avaient tout pigé.

Tu étais impressionné par d'autres groupes?
Le Jesus & Mary Chain, surtout. Aujourd'hui, certains ont du style mais rien de transcendant. Dans les nineties c'était différent, tu écoutais des groupes de Creation Records et ils étaient plus ou moins tous bien habillés. C'est de la créativité, et il faut absolument être créatif.

Ça t'intègre directement à une tribu spécifique, souvent. C'est rude pour ceux qui écoutent de tout.
Encore une fois, c'est le problème du déguisement. Tu dois avoir conscience que la culture t'intéresse en premier lieu. Je pense que les médias ont fourni un travail énorme pour détourner les gens de ce genre de choses. Du coup, quand tu marches dans la rue et que tu es fier de ta manière de t'habiller, que tu l'as fait pour toi-même, les gens pensent toujours que tu te donnes en spectacle, que tu veux leur en mettre plein la vue, alors que non : si je vivais sur une île déserte, je porterais exactement la même chose [Rires]. C'est juste moi !

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Ton groupe s'appelle les Primary Colors. Tu es inspiré par l'art quand tu composes ? Le cinéma ?
L'un de mes groupes, oui. Le line-up de ce soir, c'est moi en solo accompagné de membres du BJM, vu qu'on a enregistré l'album ensemble, mais j'ai formé un autre groupe pour les lives qui s'appellent les Primary Colors et… Euh, c'était quoi la question?

Tes influences.
Oui, oui, je suis à fond dans le cinéma. Le cinéma influence définitivement ma façon d'écrire, euh, j'essaye d'approcher les chansons sous un angle différent à chaque fois. J'ai grandi avec la musique des 80s et des 90s, quand j'étais gosse j'ai découvert la musique avec celle des 60s, la collection de disques de mes vieux. Tout ça se entre en jeu sur l'album, chaque morceau est basé sur un genre, il y a le post-punk expérimental, l'acid folk, le psyché, j'ai essayé d'incorporer toutes les périodes de ma vie, un morceau va être inspiré de l'année 1994, etc. Je sais pas si c'est juste moi, mais j'adore Scott Walker, et il était fan de cinéma, il a écrit des trucs sur une partie d'échecs avec la mort comme dans le Septième Sceau. Parfois si je cherche de l'inspiration, je vais mettre un film, j'écoute pas les dialogues, je regarde juste les images, je vais voir une voiture garée sur le bord de la route, il pleut, il y a des feuilles mortes qui tombent, je vais prendre ça et écrire ma propre histoire à partir de là. J'aime principalement le cinéma de la fin des années 50 à la fin des années 70. Je pourrais regarder n'importe quoi des années 60, juste pour les fringues ou les bagnoles.

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À propos de Scott Walker, tu as vu qu'il sortait un album avec Sunn O)))?
Ouais, j'en ai entendu parler. Tu l'as écouté?

Ouais.
Il est comment?

Chiant.
Ses derniers albums sont à un niveau tellement élevé, tellement intéressant, je suis bluffé à chaque fois par le fait qu'il soit resté intéressant d'ailleurs. Genre, dans les années 60, ces grandes chansons mélodramatiques avec ces accords dissonnants, c'était déjà complètement louf aux yeux du monde entier. Il l'est toujours autant d'une certaine manière, tu peux pas écouter ça et faire autre chose. Tu dois t'assoir et y prêter attention. Je pense que c'est toujours l'un des artistes les plus intéressants. Mais je préfère quand même ses vieux trucs.

Là, c'est vraiment juste Sunn avec Scott Walker qui marmonne par-dessus.
Ouais, bon. Je m'en fous un peu de Sunn.

Comment ça se fait qu'en grandissant dans les années 80, tu sois jamais devenu fan de hardcore?
J'aimais que Echo and The Bunnymen, The Smiths. Jesus & Mary Chain a été la plus grosse révélation de ma vie. Mais mon grand frère était un skatepunk, il avait du Black Flag, du Dead Kennedys, du Circle Jerks, on entendait ça dans ma maison constamment. J'ai de grosses affinités avec cette musique, c'est très californien. C'est pas ce que j'achetais mais j'aime quand même.

Tu as fait du skate?
Non, non. Tu sais, mon frangin m'appellait… « la tarlouze artiste » [Rires]. Il était le voyou punk, moi j'avais du gel dans les cheveux, du maquillage, je traînais dans les cimetières avec une bouteille de vin. Les années 80, quoi. Donnie Ka ne rigole pas avec la sape. Ni au bureau, ni ailleurs. Il est sur Twitter - @shjjjtlizard