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Musique

Marie Davidson sur son adieu à la vie nocturne

L'artiste montréalaise nous parle de son nouvel album et du spectacle qu'elle ne présentera qu'une seule fois.
Photo : Corinne Schiavone

Malgré un succès marqué en Europe, les beats électros de Marie Davidson sont toujours relativement méconnus au Québec. Son troisième album solo, Adieux au dancefloor, a pourtant été encensé par les critiques, qui ne tarissent pas d'éloges sur la poésie bilingue et les rythmes percutants de la jeune artiste.

Une puriste du hardware, Davidson crée entièrement ses mélodies à partir de séquenceurs et de synthétiseurs analogiques, une rareté dans le milieu de la musique électronique moderne.

VICE l'a rencontrée à son studio quelques semaines avant son départ en tournée européenne pour lui parler du spectacle qu'elle a préparé avec le photographe John Londono et des perceptions erronées au sujet de la musique électronique.


VICE : Tu prépares présentement un spectacle pour le festival Phénoména à Montréal ce soir. En quoi consiste-t-il?
Le spectacle s'appelle Bullshit Threshhold, un spectacle de chansons noise en dix tableaux qui abordent les thèmes du nightlife, des relations humaines, d'angoisse existentielle, mais avec une touche d'humour. C'est un peu un genre de journal personnel, un commentaire sur la vie que j'ai vécue dans les dernières années. C'est aussi une collaboration avec le photographe John Londono, donc il va y avoir des projections live qui sont faites aussi.

J'ai composé une heure de musique inédite, donc ça va être juste du nouveau matériel, puis ça va être un spectacle plus théâtral, plus impliquant. C'est un show qui demande énormément de travail, pis je le fais juste une fois, c'est vraiment un « one shot deal ».

Ce sont un peu les mêmes thèmes que tu abordes sur ton nouvel album Adieux au dancefloor?
Oui, la plupart des textes que j'ai écrits sont inspirés de ma vie personnelle. Donc « I dedicate my life », c'est un genre de mantra : I dedicate my life (à la musique). « Naive to the bone », c'est une toune d'humour noir, où je me déclare ouvertement naïve et je parle du fait que je m'en fous, que ce n'est pas un problème pour moi d'être vulnérable, que j'ai assez confiance en moi pour ne pas avoir besoin d'un front. C'est la pièce la plus dance de l'album. Adieux au dancefloor, la pièce qui clôt l'album, est un commentaire sur le monde de la nuit, les clubs, ma relation avec le nightlife.

La femme écarlate, c'est un ami à moi qui a écrit le texte, Damien Blass Bouchard, un jeune auteur montréalais. C'est un super beau texte basé sur des concepts de la Bible. C'est à propos de la représentation de la prostituée dans la Bible, mais aussi tout ce qu'elle implique, donc le côté charnel.

Qu'est-ce qui se passait dans ta vie quand tu produisais cet album, qu'est-ce qui t'a influencée?
Quand j'ai trouvé le titre de l'album, je quittais Berlin où j'avais passé l'été 2015. Adieux au dancefloor, c'est un peu comme un haut-le-coeur de faire le party, de faire des shows. Pour moi ça n'avait plus de sens. C'est un album qui est cathartique...

Et c'est le début d'une relation avec un nouveau label pour toi?
Oui, il est sorti sur le label Cititrax, qui est la portion moderne de Minimal Waves, le label de Veronica Vasicka. Je suis super fière d'être sur ce label-là, parce que c'est elle qui fait tout le travail : elle fait les pochettes, elle travaille avec les artistes, elle fait le mastering des albums aussi, ce qui est rare.

Comment est-ce que vous vous êtes trouvées?
J'ai rencontré Veronica l'année passée quand j'ai joué à la soirée Equinox de Never Apart, en septembre dernier. Le lendemain, on faisait un panel et c'était nous deux qui étions interviewées. Je lui ai donné mon album précédent, pis j'imagine qu'elle a vraiment aimé parce qu'elle m'a contactée après pour voir si j'avais des morceaux à lui envoyer. Je n'avais rien de prêt, alors j'ai dû travailler comme une folle pendant trois mois. On a fini le mixage au mois de janvier, puis là, il vient de sortir.

Est-ce que la réception critique de ton album est différente en Europe par rapport au Québec?
Mon meilleur public est en Europe et aux États-Unis, mais j'ai quand même un bon fan base à Montréal. Le milieu québécois est très limité pour la musique expérimentale, ce n'est pas par hasard que je m'en vais travailler trois mois et demi en Europe. Il y a une bonne scène musicale à Montréal, mais c'est dur de cesser d'être considérée underground. J'ai l'impression que les médias s'intéressent un peu toujours aux mêmes choses, soit la chanson et l'électro, mais l'électro vraiment gentil formaté « pop ». Pour ce que je fais, les médias ne sont peut-être pas encore rendus là.

Tu as commencé dans la musique en jouant du violon. Comment as-tu fait la transition d'un instrument traditionnel à des consoles?
J'ai étudié le violon classique de 10 à 16 ans. C'était vraiment un truc imposé par mes parents, mais c'était pour le mieux, ça a développé mon oreille musicale. De 17 à 19 ans, j'ai pas mal arrêté la musique pour étudier en théâtre, je voulais devenir comédienne. Ça aussi, ça m'a été super utile, je l'ai ramené avec moi sur scène. Je me suis mise à la musique électronique quand j'ai découvert les synthétiseurs.

Au début, je faisais un peu n'importe quoi, je faisais juste faire des sons. J'ai ressorti mon violon, mais je l'ai branché dans des pédales d'effet. C'est quand j'ai découvert les séquenceurs que j'ai arrêté de jouer du violon. C'est devenu ma passion. J'aime programmer des mélodies, c'est là que je me sens à mon meilleur.

As-tu l'impression que beaucoup de gens pensent que la musique techno, c'est à partir d'un laptop qu'on fait ça?
Oui, tout le monde à qui je parle – sauf les musiciens et les programmateurs – me demande : « Ah, t'es DJ? » Non. Je n'avais pas d'ordinateur jusqu'à il y a trois semaines, j'ai vécu sans ordinateur pendant quatre ans. J'aime travailler avec du hardware, j'aime toucher les choses, sentir les commandes sous mes mains, les faders. C'est ça mon trip.

En spectacle, tout est live, c'est ça qui est le fun. Mais c'est aussi dangereux, parce qu'il n'y a pas de backup.

Je dois pratiquer beaucoup, ce qui n'est pas la norme. Beaucoup de gens utilisent un ordinateur maintenant. Je n'ai rien contre ça, je viens d'en acheter un parce que ça m'intéresse, y a plein de choses que tu peux faire dans Ableton que tu ne peux pas faire live, mais il y a plein de choses que tu peux faire avec du hardware que tu ne peux pas recréer dans une session Ableton.

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