Les drug awards 2017
Photo - Peter Beste, extraite de son livre Houston Rap

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Les drug awards 2017

Retour sur les grandes tendances narcotiques de l'année dans le rap, du Percocet à la Lean en passant par le Xanax et, bien sûr, l'indétrônable weed.

En 2017, plus que jamais, la drogue fait partie intégrante du processus créatif des artistes rap. Si c’était largement admis, voire accepté (voire limite encouragé) dans d’autres styles de musique comme le rock ou l’électro, cela a été un poil plus long et compliqué dans le hip hop -mais heureusement, tout ça fait partie du passé. Aujourd’hui, les barrières ont volé en éclats et les rappeurs sont des rockstars comme les autres. La seule question qui se pose désormais, c’est : quelle est la drogue hip hop de choix en 2017 ? Quelle est celle qui a créé la surprise ? Et laquelle sera la valeur montante de demain ? Pour répondre à toutes ces questions, voici la toute première édition des Drug Awards.

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Révélation de l’année : le Percocet

« Percocets, Molly, Percocets. » Il aura suffit d’un seul morceau de Future pour hisser directement le roi des analgésiques au sommet de la pyramide de cette année. Avec « Mask Off », le Percocet a enfin touché le grand public et s’est immédiatement fait adopter par auditeurs et spectateurs. Une success story sans précédent qui fait rêver mais a également suscité pas mal de jalousie.

Drogue de l’année : MDMA

Le Molly avait a priori autant de chances que son rival Percocet, mais il ne bénéficiait pas du tout du même effet de surprise et souffre malheureusement toujours des retombées de la très mauvaise utilisation de Rick Ross il y a plusieurs années quand il avait rappé qu’il utilisait ça pour baiser des filles inconscientes. Les risques du métier que le Molly avait assumé avec brio, revenant en force dans tous les textes de trap et de mumble rap du moment, mais il est trop tard pour être considéré comme un rookie. L’Académie a longuement hésité avant de décider de ne pas les mettre ex aequo mais le refrain de Future a tranché : Percocet est répété deux fois, et Molly une seule. Victoire aux points.

Félicitations du jury : la Lean

Pour la première fois depuis les années 2010, contre toute attente, la lean a donc enfin cédé sa première place. Lassitude, mais aussi le sentiment que ce mélange de soda, codéine et/ou promethazine s’est un peu reposé sur ses lauriers ces derniers temps, sans chercher à surprendre son public. Plus d’overdose de star du rap de Houston, plus d’hymne à sa gloire, les gobelets remplis de liquide violet sont simplement devenus un élément de décor comme un autre dans un clip de rap banal. Sans parler du fait que Gucci Mane est devenu sobre, ce qui a fait chuter la côte d’au moins 50 %.

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Cette grosse baisse de régime aurait pu être sauvée par Lil Wayne qui a eu plusieurs attaques mais déception : c’était juste dû à ses crises d’épilepsie, rien à voir avec la boisson.

Heureusement le vétéran Juicy J était là pour sauver l’honneur et parler de sa boisson préférée sur la bien nommée mixtape Highly Intoxicated. On peut également citer des allusions directes de Future, qui décidément s’entoure toujours des meilleurs.

On aurait cependant tort d’enterrer trop vite la lean, et c’est pourquoi le jury a tenu à l’encourager. En effet le cocktail séduit de plus en plus à l’international ! Notamment en France et en Belgique : après tant d’années d’inertie où la codéine était avant tout vue comme « un truc de shlag qui a pas eu sa dose d’héro » pour citer des autochtones, le produit est désormais très prisé par les jeunes, et pas seulement les fans de rap américain. Au point que le site très sérieux 1001 cocktails l’a intégré dans sa liste de fins connaisseurs, ce qui dans le pays de la gastronomie, n’est pas rien. Mieux encore : des jeunes français en sont morts, c’est une première pour le pays et un grand pas pour le purple drank. Pour fêter ça, de très nombreux rappeurs ont oublié leurs complexes et sorti leurs plus beaux name-droppings, comme Siboy, Damso, Hamza, et à peu près tous les jeunes rappeurs qui veulent être cools.

Award de la collaboration de l’année : Percocet et MDMA

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Tout va bien, la MD et le Percocet restent bons amis, la preuve, ils décrochent également l’Award de la collaboration de l’année, toujours grâce à « Mask Off ». La concurrence était pourtant rude. En 2017, ils étaient opposés à deux autres featurings de taille : lean, marijuana, cocaïne et vente de crack sur « Bad & Boujee » des Migos avec Lil Uzi Vert, mais aussi percocet, lean et cocaïne sur « Loss 4 Wrdz » de Gucci avec Rick Ross. On espère que personne ne se vexera car c’est quand tout le monde s’associe que l’on obtient les meilleurs résultats.

Award d’honneur : la Cocaïne

Même si elle est moins présente qu’avant, la mode étant plutôt aux drogues apaisantes et planantes plutôt qu’excitantes, il fallait saluer le parcours de cette substance, à la base très connotée eighties mais qui a su se réinventer encore et encore jusqu’à aujourd’hui. Sans oublier de conserver son sens inné du spectacle : il n’y a qu’à regarder le comportement de Kanye West tout au long de l’année, ils ont tout donné. Même les rappeurs les plus sérieux n’oublient jamais une occasion de lui placer une dédicace, à l’instar de Kendrick Lamar qui parle de sa famille de dealers (« cocaine quarter piece, got war and peace inside my DNA ») avec fierté sur son single DNA.

Il faut également remercier Eminem qui, depuis qu’il est devenu sobre, est devenu tellement triste et transparent qu’il fait, en creux, une formidable publicité pour son ex-produit préféré.

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Award de la meilleure carrière : la Marijuana

Le old timer ne lâche rien face aux rookies et est toujours aussi respecté. Encore cette année, Kodak Black et Young Thug ont continué de donner de leur personne en subissant chacun une arrestation pour quelques dizaines de grammes. Nous avons eu également droit au retour de l’ambassadeur officiel Snoop Dogg avec l’album Neva Left, qui a rappelé à tout le monde que même sans forcément parler de fumette sur tous les morceaux, Snoop reste la meilleure pub vivante pour elle. Autre point positif : Wiz Khalifa qui à l’inverse est la pire représentation que la weed ait jamais eue, n’a presque rien sorti cette année. La jeune génération a quant à elle continué de multiplier les rimes qui affirment leur consommation ici et là, comme chaque année depuis maintenant 30 ans. De notre côté de l’atlantique, Alkpote a fièrement porté le flambeau et Booba malgré son grand âge s’est acharné à poster des photos et vidéos de lui avec des joints sur Instagram. Bref, tout va pour le mieux.

Award du premier décès : le Xanax

Grosse année pour le Xanax et plus généralement les antidépresseurs, qui ont désormais eux aussi des morts à leur tableau de chasse ! C’était un peu le baptême du feu, tout le monde les attendait sur ce terrain jusqu’ici inconnu pour ces produits avant tout médicamenteux. C’est désormais chose faite et tel un rappeur qui décroche son premier disque de platine, le Xanax n’a plus à rougir devant personne : c’est lui qui a tué Lil Peep. Les détracteurs souligneront sans doute le côté peu connu du rappeur en question, mais c’est un excellent début. Gros regret malgré tout devant la réaction de Lil Uzi Vert qui a affirmé que cette mort l’avait convaincu d’arrêter de toucher à ce produit, jetant du même coup un froid immédiat dans tout le drug game. Les fans espèrent toujours que l’auteur du fameux « 3 Pills » revienne sur sa décision.

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Award de la meilleure production : l’Alcool

Côté français, nous avons eu le regret d’apprendre que Guizmo, valeur sûre jusqu’ici, avait décidé de passer la main en arrêtant l’alcool fort et en diminuant drastiquement sa consommation journalière. Pire, il a même donné une interview où on le voit en train de manger une pizza sans vomir et boire de l’eau parfum melon (attention, ces images peuvent choquer). Heureusement de son côté Booba a pris les choses en main en lançant sa propre marque de whisky D.U.C. Une première en France qui on l’espère en inspirera d’autres derrière lui.

Côté US, la marque Tequila Avión a finalement rappelé à Jeezy qui bossait pour eux depuis 4 ans qu'il serait temps de foutre des bouteilles partout dans son nouveau clip pour le bonheur de petits et grands.

Diddy a une nouvelle fois étendu son empire en multipliant les placements de produit de son mondialement célèbre Ciroc et en ajoutant de nouvelles saveurs. D’ailleurs le Ciroc est a priori la seule marque d’alcool au monde à avoir un mini-clip plein de guests de l’industrie juste pour annoncer un parfum Vanille.

Nous arrivons à présent au moment où la cérémonie se doit de rendre hommage à ceux qui nous ont quittés définitivement cette année. Nous vous demanderons bien entendu de ne pas applaudir.

In Memoriam : le Crack

Grand champion incontesté toutes catégories durant l’intégralité des années 80, 90 et début 2000, c’est avec une grande émotion que nous avons tous observé, impuissants, le Crack perdre du terrain lentement mais sûrement jusqu’à sa disparition. De moins en moins d’allusions dans les textes, de moins en moins d’overdoses de stars en lien avec ça, et enfin la crise de trop : suite à la Querelle des Anciens et des Modernes du rap américain cette année, de nombreux jeunes rappeurs ont été forcés de contre-argumenter face à leurs aînés qui leur reprochaient de faire une musique moins qualitative qu’à l’époque, uniquement portée par la fête et les nouvelles drogues. Certains comme 21 Savage ont rétorqué qu’ils ne faisaient que décrire un mode de vie et un quotidien peu reluisant, exactement comme les vieux qui parlaient du crack dans l’ancien temps. Le mot était lâché, et le dommage bien que collatéral fut irréparable : le Crack appartenait officiellement au passé pour la nouvelle génération. Le fait que Gucci Mane parle désormais de son expérience au passé (« I’m an ex-drug dealer, nigga how about you ? ») n’a pas aidé, il faut le reconnaître. L’expression crack music qui désignait du rap tellement fort qu’il en devenait addictif est également tombée en désuétude… Désormais il ne nous reste plus qu’à nous consoler en se rappelant ses meilleurs moments, que ce soit aux côtés d’Old Dirty Bastard, de Joey Starr, de DMX et tant d’autres.

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Certains continueront malgré tout d’honorer sa mémoire jusqu’à la fin des temps, comme Cam’ron qui se remémore son business avec tendresse sur un sample classique du « Time after Time » de Cindy Lauper, autrement dit l’hommage le plus évident qu’il était possible de faire. On vous met au défi de ne pas être émus jusqu’aux larmes en écoutant le rappeur de Harlem évoquer ses jeunes années de hustler du coin de la rue face aux camés en manque.

En France on peut également compter sur Kekra qui tire son pseudo du disparu ; il nous avait déclaré en interview pour qualifier sa musique « c’est du crack ma gueule, première dose accro […] mais le nom est rincé, si j’avais su que ça allait être mon nom de scène définitif j’aurais pas pris celui-là ». Sans doute sa façon à lui de rester pudique et ne pas montrer son chagrin.

Bref, pour reprendre les mots touchants de Michel Drucker, « vous savez dans ma carrière, c’est long déjà, j’ai vu partir beaucoup de copains, mais lui c’était spécial. Je sais que nous nous reverrons un jour ou l’autre. Salut mon pote ».

Award de l’outsider : l’Héroïne

Comme chaque année, l’héroïne arrive bonne dernière. Aucun effort n’a été fait et avec pareille absence de renouvellement on comprend aisément qu’elle peine à séduire un nouveau public.

On ne peut pas non plus compter sur la France où même lorsqu’un rappeur se fait arrêter avec quelques grammes sur lui, il ne communique pas dessus, alors qu’une punchline de Gradur aurait été d’une grande aide à l’international l’année dernière.

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Sur le marché européen, seul la Grande-Bretagne a répondu présent. D’abord avec Saf One, artiste Grime qui est enfin parvenu à se faire interpeller pour trafic d’héroïne. Il a malheureusement nié les faits, et rappelons que c’est exactement ce genre de fausse modestie qui fait du tort à la marque. Ensuite le rappeur de Portsmouth, Big Face Dolla, s’est vanté de vendre de la brune dans un clip en début d’année, avant de se faire arrêter quelques mois plus tard. Beaucoup l’ont traité de « rappeur le plus stupide que le pays ait jamais connu » mais ne vous y trompez pas, il a fait ça pour la cause.

Alors pourquoi l’Académie a-t-elle en dépit de tous ces éléments négatifs, a-t-elle décidé cette année d’accorder le prix de l’outsider à cette drogue si décevante ?

Nos espoirs se basent essentiellement sur Peanut, alias Brian Brown, producteur à la tête d’un label de Détroit soupçonné de diriger tout un réseau de trafic et blanchiment d’argent, une sorte de Gustavo Fring mais avec des albums de rap à la place du poulet frit. Peanut serait un visionnaire qui a carrément popularisé une nouvelle forme d’héro coupée au Fentanyl. On espère donc qu’il va transformer l’essai et rentrer dans la légende mais nous n’aurons aucune confirmation avant l’année prochaine.

En outre, certaines études US récentes montrent que suite à la hausse des prix des médicaments et la baisse voire l’absence de prise en charge (healthcare, etc), une majorité d’américains accros aux antidouleurs n’auront apparemment plus du tout les moyens de se les payer et préféreront donc passer à l’héroïne, plus abordable et rentable pour leur maigre pécule. Ce serait là une occasion à saisir pour l’Héroïne qui pourrait enfin revenir à son top niveau d’antan sur tout un pays et qui sait, relancer une mode internationale : on croise les doigts. Yérim Sar est totalement sobre sur Noisey.