FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

L'homme-araignée : le jour où Vjeran Tomic a pillé le Musée d'Art Moderne de Paris

Chaque semaine, on revient pour vous sur les plus grands vols de l'Histoire de l'art.

Ils n'ont pas tout à fait le charisme de James Bond ni même la classe de Fantômas, mais un culot bien à eux qui les a élevés au rang des cambrioleurs de musée les plus célèbres de l'Histoire de l'art.

Ses coordonnées sont inconnues, mais quelque part sur cette planète se trouve peut-être le plus légendaire musée qui soit. On pourrait y voir 38 tableaux de Renoir, une quinzaine de Monet et autant de Matisse, des Van Gogh, des Rembrandt, des Goya… et des œuvres de tous ceux que l'Histoire a élevés au rang de virtuoses. Ce musée est celui des œuvres volées. Vjeran Tomic est l'un de ses contributeurs notoires.

Publicité

Il est entré, il s'est servi, et il est parti. C'est ni plus ni moins ce qu'a fait cet électricien de 49 ans cette nuit de mai 2010 dans le Musée d'Art Moderne de Paris. Bon, il a quand même escaladé la façade du bâtiment à mains nues et désossé la baie vitrée avant de pénétrer dans le musée endormi… Un détail notable qui lui vaudra le surnom de « l'homme-araignée » dans les journaux, mais pas tout de suite. D'abord, la nuit passe sans esclandres.

Les gardiens effarés ne se rendent compte du casse que le lendemain matin. Pourquoi l'alarme n'a t-elle pas sonné ? Facile, elle n'était pas branchée. Un argument balayé par la procureure Anaïs Trubuilt qui sera sans pitié lors du procès qui aura lieu sept ans après les faits : « Les prévenus ont porté une atteinte irrémédiable au patrimoine de l'humanité. Les failles de sécurité du musée ne changent rien. »

Vous l'avez compris, Vjeran Tomic s'est donc fait attraper. Il a été arrêté en 2011 et accusé de la plus grosse razzia d'œuvres d'art en France de ces 25 dernières années : le vol de cinq tableaux de maîtres estimés à environ 100 millions d'euros. À la base, Tomic cherchait à voler un tableau de Fernand Léger, une commande pour laquelle il a reçu 40 000 euros. Et puis une fois à l'intérieur, il a croisé un Picasso, un Matisse, un Braque et un Modigliani. Et ils étaient franchement pas mal, du coup il est parti avec…

Amedeo Modigliani, Femme à l'éventail, 1919 / Pablo Picasso, Le Pigeon aux petits pois, 1911 / Fernand Léger, Nature morte au chandelier, 1922 / Henri Matisse, La Pastorale, 1905

Vjeran Tomic ressemble un peu à Vladimir Poutine. Les yeux clairs, la mâchoire carrée, une calvitie qui s'installe gentiment et un faux air de monsieur tout-le-monde qui disparaît aussitôt quand le mec enlève son t-shirt… C'est seulement là tu remarques les 1,90 m et le physique d'un soldat de la Légion étrangère. Le parfait combo en fait : tête passe-partout et abdos insoupçonnés. Tomic est né à Paris dans une famille très pauvre qui l'a envoyé vivre chez ses grands-parents en Bosnie-Herzégovine. C'est là qu'il a appris l'escalade… et le vol. Quand il rentre à Paris à 11 ans, il a trouvé sa vocation. Les années passent et son attrait pour le « fric-frac-grimpette » ne va pas en s'arrangeant. Avant son inculpation pour le casse au Musée d'Art moderne, il avait déjà cumulé treize condamnations pour vol par escalade et passé plus de quinze ans en prison.

Autant dire que vues les casseroles, le président du tribunal M. Ghaleh-Marzban n'y est pas allé avec le dos de la cuillère le jour du procès. Tomic a été condamné à huit ans de prison et à 200 000 euros d'amende. À ses côtés ce jour-là dans la XIVe chambre correctionnelle du tribunal de Paris, l'impassible Jean-Michel Corvez, vieil antiquaire véreux commanditaire du vol, et Yonathan Birn, spécialiste en montres anciennes jugé pour son rôle de receleur.

À l'audience, Birn a affirmé en sanglotant que, dans un accès de panique, il s'était débarrassé des tableaux après avoir été mis en garde à vue… Poubelle ! Même la Femme à l'éventail de Modigliani, devant lequel il était tombé en émoi au point de la cacher dans le coffre d'une banque. Évidemment, personne ne sait si les tableaux ont réellement été détruits ou simplement cachés. Le temps les verra peut-être réapparaitre, à moins qu'ils n'ornent déjà les murs du musée imaginaire. On préfère croire ça.

Lucie Etchebers-Sola enquête en ligne et sur Twitter.