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Voici la plus grosse simulation de l'univers de tous les temps

Ces 22 milliards de galaxies peuplées de 2 billions de particules vont nous aider à calibrer le satellite Euclide, qui se lance sur les traces de la matière noire.

Des chercheurs de l'Université de Zurich ont réalisé le plus grand univers virtuel de tous les temps grâce à un supercalculateur extrêmement puissant. Et si cette phrase est bourrée de superlatifs, ce n'est même pas pour le plaisir de l'excès.

La simulation fait tourner 15 milliards de galaxies générées à partir de 2 billions de particules, ni plus ni moins. Évidemment, la conception d'un univers aussi complexe a un but un peu plus noble que de produire des communiqués de presse ronflants : elle permettra de calibrer Euclide, un satellite développé par l'Agence spatiale européenne. Ce dernier sera déployé en 2020, année où on le chargera d'une enquête périlleuse pour retrouver la trace de la matière noire et de l'énergie noire dans l'univers, et aider les cosmologistes à mieux comprendre leur nature.

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Cette simulation est l'apogée de trois années de labeur sur du code ingrat. Une fois que celui-ci a été parfaitement au point, il a été donné en pâture à Piz Daint, le supercalculateur suisse le plus puissant au monde, 80 heures durant.

L'univers simulé, qui représente les concentrations de matière noire sous forme de "halos" dont on pense qu'ils enveloppent la plupart des galaxies, possède un niveau de détail sans précédent. Comme les chercheurs l'expliquent dans leur article publié dans Computational Astrophysics and Cosmology, le défi était de représenter des halos de matière noire extrêmement petits - un dixième de la taille de la Voie Lactée à peine - dans un volume de la taille de l'univers observable. Ce ne fut pas une mince affaire, mais il était absolument nécessaire de calibrer Euclide correctement : le satellite européen observera des objets similaires, bien réels ceux-là, dès 2020.

Les cosmologistes pensent que la matière et l'énergie noires représentent respectivement 23% et 72% de l'univers. Pourtant, elles demeurent parmi les substances les plus mystérieuses étudiées en astrophysique.

Image : ESA/C. Carreau

« La nature de l'énergie noire reste l'un des principaux casse-têtes de la science moderne », explique Romain Teyssier, astrophysicien à l'Université de Zurich. En effet, comme leur nom l'indique, la matière noire et l'énergie noire ne peuvent être observées directement : leur présence ne nous est connue qu'à partir de leurs interactions avec la matière baryonique, ou matière visible.

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Pour cette raison, la recherche sur l'énergie noire connait actuellement un boom à même de révolutionner la cosmologie, grâce à l'utilisation de supercalculateurs permettant de modéliser les différents aspects de la matière noire et de l'énergie sombre. Jusqu'à présent, aucune de ces simulations n'avaient permis de représenter un niveau de complexité et de détail à même de concurrencer la simulation de Zurich, qui a cela d'unique qu'elle permettra de mettre au point une véritable mission spatiale.

« Ces simulations sont en train de bouleverser la manière dont on utilise nos théories pour effectuer des mesures cosmologiques, » expliquent les chercheurs dans leur article. « Pour la première fois, des simulations seront utilisées pour aider pour mieux comprendre les phénomènes étudiés et faire des prédictions, mais également pour extraire des paramètres physiques fondamentaux à partir des données qui seront produites par la future mission. Les simulations feront désormais partie intégrante de l'analyse de données physiques. »

Au cours de sa mission de six ans, Euclide jettera un regard rétrospectif sur 10 milliards d'années d'histoire de l'univers afin d'aider les cosmologistes à mieux comprendre le rôle de la matière et de l'énergie noire dans la formation de l'univers et des galaxies qui le peuplent.

Le satellite examinera la lumière diffusée par des milliards de galaxies, et mesurera ses plus minces distorsions. Ces dernières seront le symptôme d'un phénomène fascinant : la lumière qui traverse notre univers est influencée par une masse invisible - la matière noire.

Quant à l'expansion accélérée de notre univers, généralement attribuée à l'énergie noire, on commence tout juste à en comprendre les mécanismes. En mesurant la façon dont la lumière varie tandis que les sources lumineuses s'éloignent d'Euclide (un phénomène de décalage vers les grandes longueurs d'onde connu sous le nom de "décalage vers le rouge"), les cosmologistes espèrent mieux comprendre le rôle que joue l'énergie sombre dans l'univers en expansion.