Sur la route avec les Higher Brothers, espoir XXL du rap chinois
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Sur la route avec les Higher Brothers, espoir XXL du rap chinois

Ils retournent tous sur leur passage, ils s'apprêtent à débarquer aux USA et ils sont le premier groupe de rap chinois capable d'exploser sur la scène internationale. Nous les avons suivi l'été dernier sur une tournée chinoise à guichets fermés.

S'il y a bien une ville qui incarne l'extraordinaire développement de la Chine, c'est Shenzhen. Il y a quarante ans, ce n'était qu'un banal village de pêcheurs de la côte cantonaise. Aujourd'hui, c'est une mégalopole tentaculaire dans laquelle vivent 11 millions de personnes, où fleurissent laboratoires de pointe spécialisés en intelligence artificielle et galeries marchandes labyrinthiques hypermodernes, et où 300 jeunes chinois font la queue, sous la chaleur écrasante du mois d'août, arborant Dunks et casquettes New Era, pour voir le premier groupe hip-hop du pays à bénéficier d'une renommée internationale : Higher Brothers. Crew de quatre rappeurs originaires de Chengdu, dans le sud-ouest de la Chine, les Higher Brothers – Masiwei, Psy. P, Melo et DZ Know – ont été repérés en 2016 par 88rising, label et société de production new-yorkais dédiée aux artistes asiatiques, qui a sorti le clip de leur morceau « Black Cab ». Un an plus tard, ils enchaînaient les pubs pour Adidas et Beats By Dre, et décrochaient un deal pour une campagne Air Jordan en Chine avec Russel Westbrook. Dans une vidéo produite par 88rising l'été dernier, on pouvait voir Migos, Lil Yachty et Playboy Carti péter les plombs en écoutant le plus gros single du groupe, « Made In China ». Les Higher Brothers avaient capté l'attention de l'Amérique.

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Je les ai rencontrés l'été dernier, alors qu'ils donnaient une série de concerts sold-out aux quatre coins de la Chine, pour défendre leur premier album studio, Black Cab – poussant jusqu'à la province renégate de Taïwan et la cité séparatiste de Hong Kong, où les relations avec le continent sont plus tendues qu'elles ne l'ont été depuis des années. Fin 2017, ils ont tourné à travers l'Asie aux côtés de Rich Brian (alias Rich Chigga) et Joji, eux aussi signés sur 88rising, dans des villes comme Séoul, Bangkok, Kuala Lumpur et Jakarta. Au printemps 2018, ils entameront leur première tournée US, Journey To The West. En mars, ils seront à Austin, pour le festival South By Southwest. Et après plusieurs jours avec les Higher Brothers, je reste hantée par les questions qui m'ont assaillies un an plus tôt, lorsqu'un ami m'a envoyé le clip de « Black Cab », une ode trap aux chauffeurs de taxi illégaux de Chengdy, rappée dans leur dialecte du Sichuan : D'où sont-ils sortis ? Comment en sont-ils arrivés là ? Et, plus globalement : Qui sont ces mecs, bordel ?
Au cours des années que j'ai passé en Chine – d'abord comme prof d'anglais dans un lycée, ensuite en tant qu'étudiante en Master à l'université de Nankin, et aujourd'hui comme journaliste – j'ai rencontré des centaines de jeunes chinois et chinoises. Et jusqu'à très récemment, aucun d'entre eux n'avait témoigné d'un réel intérêt pour le hip-hop. Contrairement à leur pendants américains, les jeunes chinois ne sont pas saturés par le hip-hop. On n'en entend pas dans les taxis, ni au supermarché, ni dans les pubs à la télé - et c'était encore plus le cas il y a 10 ans, quand les Higher Brothers, jeunes ados à l'époque, se sont mis à en écouter.

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Mais en Chine, tout va très vite et le hip-hop a fini par devenir une musique mainstream comme partout ailleurs. Principalement grâce à The Rap Of China, une émission de battles de rap claquée sur le modèle de The Voice, dont le premier épisode est paru sur le site de vidéos iQiyi en juillet, et qui cumule aujourd'hui 2,5 milliards de vues. Le succès de l'émission est en partie du à la présence de son présentateur-star, Wu Yifan, alias Kris Wu, ancien membre du boys band sino-coréen Exo, qui demeure très populaire en Chine. Au début de l'émission, le rap ne représentait qu'une minuscule sous-culture. À mon retour à Pékin en septembre, après un mois passé aux États-Unis, on entendait du rap chinois dans les bars et les restaurants. Le phénomène a en fait pris une telle ampleur que le gouvernement chinois a récemment interdit la « culture hip-hop et les tatouages » à la télévision. Les Higher Brothers sont tombés amoureux du hip-hop bien avant qu'il ne devienne énorme en Chine. Aujourd'hui encore, la musique chinoise sonne comme une copie stérile de tout ce qui est populaire à l'étranger, que ce soit le rock, la K-Pop ou le rap. Mais les Higher Brothers sont différents. La première fois que j'ai vu « Black Cab », j'ai senti que j'entendais un truc original.
Tout comme Sean Miyashiro, le fondateur de 88rising, qui a découvert le groupe via un de ses employés. « Je n'avais jamais entendu quoi que ce soit de réellement valable en rap chinois », m'a-t-il confié. Pour des artistes chinois, la réaction qu'ont provoqué les Higher Brothers chez les fans et les acteurs de la scène rap US est sans précédent. Bizarrement, les Higher Brothers incarnent ce dont le président Hu Jintao parlait, en 2007, lorsqu'il déclarait que « le grand rajeunissement de la nation chinoise serait assurément accompagné par le plein épanouissement de sa culture. » Et pourtant, malgré les dizaines de milliards de dollars dépensés chaque année en tentatives de séduction forcée à l'attention de l'opinion publique américaine, ainsi que les efforts déployés pour fabriquer de toutes pièces une pop star du cru, la Chine n'a pas réussi à s'imposer, musicalement, à l'échelle mondiale. Mais les Higher Brothers pourraient bien changer la donne.

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Ding Zhen, zhi dao?

DZ Know vient de Nankin, la capitale de la province du Jiangsu, à l'est du pays. Masiwei est de Chengdu, capitale de la province du Sichuan, au sud-ouest. Ils se sont rencontrés en 2015, par le biais de la communauté hip-hop sur Weibo, un réseau social chinois. En novembre de cette année-là, DZ, représentant en assurances, a déménagé à Chengdu pour rejoindre Masiwei, et se consacrer à la musique.

Forte de 14,5 millions d'habitants, Chengdu est célèbre pour sa cuisine épicée, sa réserve de pandas géants et, de plus en plus, sa scène hip-hop, qui gravite autour d'un collectif du nom de Chengdu Shuochang Huiguan, ou CDC, fondé en 2008 ( Shuochang – littéralement, « parlé-chanté » – est un des noms chinois du rap ; huiguan est un mot désuet qui désigne les espaces de rencontres axés sur le commerce que l'on pouvait trouver dans les villes chinoises jusqu'à la fin de l'époque impériale). Masiwei a rejoint le collectif quand il était étudiant à la fac, et c'est là qu'il a fait la rencontre des futurs Higher Brothers, Psy. P et Melo.

Psy. P (Yang Junyi) et Melo (Xie Yujie), 23 ans tous les deux, sont moins mis en avant que Masiwei et DZ Know, mais ils ont aussi leurs fans. Psy. P est grand, l'air perpétuellement renfrogné et porte de longues dreads. C'est un parolier talentueux, mais il se démarque par sa voix, avec laquelle il alterne sans effort murmure rauque et puissantes envolées. Melo, à l'inverse, est le plus insouciant du groupe. Il est aussi celui qui ressemble à la star du cinéma hongkongais Tony Leung - suffisament en tout cas pour qu'une trentaine de fans lui fassent remarquer à chacun de ses post sur Instagram. C'est peu de temps après l'emménagement de DZ à Chengdu que commence l'histoire des Higher Brothers. En décembre 2015, DZ publie un morceau sur lequel apparaissaient Masiwei et Psy. P, titré « Haier Xiongdi », ou « Haier Brothers » en anglais, qui alliait un beat de trap menaçant avec des paroles absurdes à propos d'électroménager (Haier est une grande marque d'électroménager chinois). Les fans et les rappeurs chinois avec lesquels j'ai pu discuter dans mon périple avec le groupe m'ont tous dit que ce morceau avait été pour eux une révélation.

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Après l'accueil très positif reçu par « Haier Xiongdi », ils décidèrent de former un crew du même nom. À l'exception de Melo, pilier de la scène de Chengdu récemment intégré au groupe, ils emménagent tous ensemble dans un appartement, où ils dorment dans des lits superposés et travaillent à leur musique sans relâche. Sur différents beats de trap, certains produits par leurs soins, d'autres piqués sur YouTube, ils rappent sur les magasins 7-Eleven et l'application de messagerie chinoise WeChat.

La mixtape éponyme qui en a résulté, sortie en mars 2016, a été très bien reçue dans la scène hip-hop chinoise, et tout particulièrement à Chengdu, où leurs concerts ont commencé à être complets. Mais sorti de la sous-culture rap chinoise, personne ne connaissait les Higher Brothers. Il faudra attendre la sortie de « Black Cab » sur 88rising, en septembre 2016. « Black Cab » a été, à de nombreux égards, un hit inattendu. Le morceau est presque entièrement rappé en dialecte du Sichuan, ce qui rend les paroles non seulement inintelligibles pour les étrangers, mais aussi pour la plupart des chinois. Selon le groupe, les textes ont été inspirés par les expressions que les chauffeurs de taxis sans licences utilisent pour racoler les clients à la sortie des stations de métro, notamment par la phrase « cha yi wei », « Il reste encore une place ! ». Dans le dialecte nasillard de la région, cela se prononce « tsaieeway », expression dont la sonorité a plu aux Brothers et qu'ils ont ensuite déployée sur des roulements de snare et un synthé caverneux pour créer le hook du morceau. Une inspiration très locale qui a trouvé un écho profond chez les jeunes auditeurs du pays, enthousiasmés de pouvoir écouter du rap à la fois convaincant musicalement et chinois jusqu'à l'os. Côté international, en revanche, on restait perplexe. « Tout le monde nous disait la même chose : on ne peut pas rapper en chinois », m'a expliqué Masiwei. Et c'est ainsi qu'est né le morceau le plus célèbre des Higher Brothers à ce jour, « Made In China ». Le hook, que Masiwei débite de sa voix traînante en anglais, est à prendre comme un défi lancé aux stéréotypes américains sur son pays : « My chain, new gold watch, made in China / We play ping-pong ball, made in China » [« Ma chaîne, ma nouvelle montre en or, made in China / On joue au ping-pong, made in China]. Dans le clip du morceau, que Masiwei a réalisé lui-même, on voit les membres du groupe, pimpés à mort dans des survêtements rouges, en train de faire les cons sur un plateau qui semble sorti de l'époque de la dynastie Qing, faire des mouvements de Kung Fu bidons, et jouer au mah-jong. Du côté de New York, 88rising a mis le paquet en confiant la prod à Richie Souf, célèbre producteur d'Atlanta et un calant un feat. de Famoux Dex. « Made In China » était à la fois un manifeste et un appel au public international. Au moment où j'écris ces lignes, la vidéo de « Made In China » affiche plus de 8 millions de vues sur YouTube.

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« Le message que je voulais faire passer, c'est que tout ce qu'on a vient de Chine », raconte Masiwei à propos du morceau. « Si tu dis que tu ne m'aimes pas, tu mens, parce que tout ce que tu possèdes est fabriqué en Chine. La trap music que tu kiffes est made in China. »

Pour la plupart de mes amis chinois, la vie est encadrée par un discours largement accepté, mais qui ne va pas sans son lot de ressentiment, selon lequel il n'y a pas de salut hors de l'ascension sociale. Cela commence dès le collège, quand les écoliers entrent dans une compétition brutale pour assurer leur entrée au lycée, puis à la fac. Être accepté dans une bonne université est fondamental pour trouver un emploi de bureau, secteur complètement saturé en Chine, puis pour trouver un conjoint sur l'impitoyable « marché du mariage » du pays. Une fois que ces cases ont été cochées, il faut se reproduire au plus vite – mes collègues, dont la plupart sont enfants uniques, m'ont expliqué qu'ils subissent une pression énorme de la part de leurs parents pour perpétuer la lignée familiale – et commencer à préparer sa progéniture à suivre le même parcours que soi.

Il m'a toujours semblé évident que ce n'est pas la censure, mais plutôt cette suite d'attentes déprimantes qui était responsable du repli de la Chine et de son incapacité à produire quoi que ce soit de cool. Mais depuis quelques années, de jeunes chinois ayant suivi point par point le programme imposé commencent à ressentir une certaine désillusion. Les salaires de début de carrière pour un emploi de bureau sont tellement bas qu'il devient plus profitable de bosser dans le bâtiment. Et comme les prix de l'immobilier dans les grandes villes continuent à s'envoler, l'espoir de devenir propriétaire – longtemps considéré comme un prérequis au mariage – semble de plus en plus hors d'atteinte. Cette situation a fait naître un sentiment de morosité croissant chez les jeunes urbains, qui se demandent si leurs perspectives d'avenir ont la moindre chance d'être un tant soi peu brillantes un jour.

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Pourtant, quand j'interroge les Higher Brothers quant à leurs espoirs pour l'avenir, Melo répond, « Higher and Higher ! » [Toujours plus haut !] et les trois autres ricanent bêtement. Melo ne parle pas de weed. Le mot anglais « high », quand on l'utilise dans une phrase chinoise, est utilisé, depuis quelques années, pour décrire un certain état de surexcitation : physique, émotionnel, chimique. Monter au sommet d'une montagne, c'est high. Se bourrer la gueule, c'est high. Enregistrer et faire des concerts de rap, c'est extrêmement high.

Par leur parcours, les Higher Brothers ont montré à leurs fans une nouvelle vision de ce que la vie peut être. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est cette déviation du trajet tout tracé qui leur vaut un tel succès en Chine. Ils ont choisi de créer. Il ont choisi de s'amuser. Et beaucoup de gens peuvent aujourd'hui s'identifier à ça.

Quelques semaines après le concert de Shenzhen, j'ai pris un avion pour Chengdu, dans le but de voir les Higher Brothers en tête d'affiche de la deuxième grosse teuf annuelle du CDC. La soirée devait avoir lieu dans un club en plein air, presque à l'extérieur de la ville, doté d'une piscine, mais ce plan étant tombé à l'eau, les concerts ont du être relocalisés sous terre, littéralement, dans un immense club en sous-sol, sur deux étages.

Photo - Lauren Teixeira

Backstage, je discute avec un rappeur tibétain de 19 ans du nom de Young13Dbaby, dernière recrue de CDC, qui a fait ses premiers pas la veille, à l'occasion d'un concert de moindre envergure. Pour 13D, originaire de Maqu, dans la région tibétaine du sud de la province du Gansu, donner un concert avec le collectif CDC, c'est littéralement réaliser un rêve. Il m'a raconté avoir potassé le gaokao et rempli ses papiers d'inscription à la fac dans l'intention d'être accepté dans un université de Chengdu, simplement pour pouvoir rejoindre le CDC. Un an auparavant, il assistait à son premier concert CDC, exactement dans le même club où il est monté sur scène la nuit dernière. « Je n'étais qu'un fan à l'époque », m'a-t-il dit.

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Quand les billets ont été mis en vente, la jauge maximale de 600 personnes à été atteinte en moins d'une heure ; cela promettait d'être le plus gros concert du collectif à ce jour. En fait, les seuls artistes, en loge, qui semblaient un tant soi peu calmes, c'était les Higher Brothers, qui feront des allers-retours sur scène toute la nuit, pour assurer des featurings sur les morceaux des autres rappeurs du CDC.

Jusque là, les apparitions scéniques des Brothers étaient parfaitement fluides, et parsemées de gimmicks exécutés sans efforts, comme leur swing de golf coordonné, sur « Young Master ». Mais pendant le set principal de la soirée, le moment le plus mémorable, et de loin, a eu lieu pendant un morceau issu de Black Cab, « Wudidong », ou « Puit sans Fond ». Quand les notes métalliques de l'intro ont commencé à se faire entendre, le public s'est mis à rugir d'excitation. D'un coup, la musique s'est arrêtée. Les Higher Brothers se sont alignés sur le bord de la scène, et ont demandé aux gens de dégager un petit espace au centre de la salle. Quand cela a été fait, la musique a repris, et une machine à fumée a plongé le club dans un brouillard épais. Pendant leurs couplets respectifs, les différents membres du groupe sont descendus tour à tour dans le public, torse-nu.

Photo - Lauren Teixeira

La tournée aux U.S.A à venir, et leur apparition au South By Southwest sera la première du groupe aux États-Unis (et en dehors de l'Asie, d'ailleurs). En terme de talent pur, je dirais qu'ils ont tout ce qu'il faut pour se défendre, où que ce soit. Mais ce que je crains, c'est qu'en Amérique, leur charme souffre du syndrome « lost in translation ». Est-ce que les foules américaines seront capable de reprendre la partie en chinois du hook de « Made In China » ? Comment fait-on pour expliquer à un public qui ne parle pas sa langue qu'il doit ménager un espace au milieu du dancefloor ?

Ayant accédé à la notoriété au moment exact où leur pays découvrait le hip-hop à large échelle, les Higher Brothers ont essentiellement eu la chance de pouvoir définir le genre en leurs propres termes. Mais en Amérique, ils seront confrontés à un public blasé par plusieurs décennies de rap. En gros, je me demande s'ils seront pris au sérieux. « Made In China », leur morceau le plus remarqué aux U.S.A., s'approche dangereusement du morceau-blague et ils pourraient devenir une de ces sensations internet bénéficiant d'un énorme buzz avant de disparaître à tout jamais. J'ai demandé à Masiwei s'il partageait mes inquiétudes. Quand je lui demandé si certaines choses le préoccupaient, quant à leur venue aux États-Unis, il m'a répondu, « Peut-être que je vais me faire tabasser en sautant dans la foule », avant de se fendre d'un grand sourire.

Malgré toutes les barrière culturelles auxquelles les Highers Brothers sont susceptibles de se heurter, il faut aussi considérer que leur tournée coïncide avec une époque d'ouverture sans précédent aux nouvelles sonorités dans le hip-hop. Ces dernières années, des rappeurs découverts sur Soundcloup comme Smokepurpp et Lil Pump ont transcendé leur statut de bizarreries internet et entamé des carrières légitimes. La « meme-ification » du rap peut avoir un mauvais côté, mais elle a également donné naissance à un nouveau point d'entrée pour des artistes nouveaux et excitants. Si les américains arrivent à accepter ce nouvel arrivage ininterrompu d'ados à dreads roses, pourquoi pas quatre chinois ? L'inintelligibilité semble également être un problème moindre, à en croire l'immense succès rencontré par les « mumble rappers » comme Young Thug et Lil Uzi Vert.

Après le concert, j'accompagne Masiwei et son entourage dans leur sprint vers l'espace VIP, à travers une nuée de fans transis. Un garçon qui semble avoir à peine 14 ans fait passer un carnet à travers les barrières à Masiwei pour avoir un autographe. Je me retrouve assise à côté d'un homme élégant, de petite taille, que j'avais déjà aperçu en backstage à plusieurs reprises. C'est la tatoueur officiel des mecs du CDC. Il est propriétaire d'un studio sur deux étages, qui sert, techniquement, de quartier général au crew. Il m'explique qu'il a grandi avec Masiwei à Pixian, une localité située aux abords de Chengdu, célèbre pour sa production de pâte de haricots fermentés. Alors que tout le monde autour de la table se met à danser sur « Cut It », de O.T. Genesis, il semble lire dans mes pensées et me déclare, à brûle-pourpoint : « On ne veut pas trouver de travail, ni se marier. Je crois que l'heure est venue de choisir nos propres vies. » Lauren Teixeira est sur Twitter.