Sur le « DAMN Tour » de Kendrick Lamar
Photo - Jason Bergman

FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Sur le « DAMN Tour » de Kendrick Lamar

En exprimant ouvertement ses doutes et en affrontant le public sans aucune barrière, le rappeur de Compton prouve qu'il est désormais imbattable sur scène.

Dans un halo de lumière verdâtre, un homme est assis en tailleur, dans ce qui semble être une sorte de temple. Devant lui, un jeune garçon enchaîne une série de mouvements de combat face au soleil levant. Kung Fu Kenny s'apprête à livrer un combat décisif. L'homme assis lui annonce qu'il est « l'élu ». Sa taille démultipliée par l'écran géant, Kenny fixe un point à l'horizon alors qu'un tambour se met à résonner.

Publicité

Soudain, Kenny bondit au centre de la scène. L'éclairage est d'une telle intensité qu'on sent la chaleur des projecteurs à plusieurs dizaines de mètres. Les enceintes crachent un « I got, I got, I got » qui déclenche instantanément l'hystérie dans la salle. Kendrick Lamar vient de démarrer son show par « DNA », le deuxième single de son album DAMN. Il enchaîne sans le moindre temps mort avec « Element », un des titres préférés des fans. Alors qu'il rappe « If I gotta slap a pussy ass nigga I'ma make it look sexy », les lights virent au rouge et l'ambiance se fait plus sensuelle. Puis la furie repart de plus belle sur « King Kunta », noyé sous les néons et les stroboscopes. En trois titres à peine, sur une des deux dates new-yorkaises du Damn Tour au Barclays Center de Brooklyn, Kendrick Lamar prouve qu'il a le magnétisme, le charisme et la force nécessaires à tenir un public de 20 000 personnes dans le creux de sa main.

On est désormais à des lieues du Kendrick qu'on a connu sur scène à l'époque de To Pimp A Butterfly, celui qui était accompagné par un groupe dans une ambiance cotonneuse et intime, rappelant celle d'un club de jazz. C'était alors l'option parfaite pour lui - elle lui permettait de s'exposer et d'échanger avec son public, tout en mettant en avant l'instrumentation et la complexité de ses morceaux. Mais le voir aujourd'hui jouer les mêmes titres seul sur scène, sans le moindre musicien, devant un public cinq à dix fois plus nombreux, a de quoi sérieusement impressionner. Désormais, quand le saxophone de « Untitled 02 » résonne dans la salle, il est au service du titre, il le souligne, le sublime, mais ce n'est plus l'élément central de la performance. Plutôt que de continuer à s'appuyer sur un groupe -choix qui aurait été nettement plus confortable pour lui- Kendrick a préféré faire table rase et a pris la direction inverse. Et c'est précisément ce qui rend son parcours aussi fascinant.

Publicité

Le meilleur moment du concert a été celui où Kendrick a enchaîné quelques-uns de ses tous premiers tubes. Il a commencé par son couplet sur « Collard Greens », le méga-hit de Schoolboy Q sorti en 2013, avant de s'attaquer à « Swimming Pools » et « Backseat Freestyle », deux moments de bravoure de good kid, m.A.A.d. City. Après avoir remercié le public new-yorkais pour sa fidélité, il lui envoie un « Loyalty » tonitruant en guise de remerciement.

Ponctué par des images de combats de kung-fu et un « Ain't nobody praying for me » murmuré en boucle comme un mantra, le show semble raconter une histoire - celle du combat entre un artiste et son image, celle qui est au coeur de DAMN et qui prend sur scène une nouvelle dimension. Tout au long de sa prestation, Kendrick pose ouvertement deux questions : est-ce que je mérite vraiment ma place et mon succès ? Et comment puis-je venir en aide aux autres alors que je ne suis même pas en mesure de m'aider moi-même ?

Dans le dernier combat diffusé sur l'écran géant, Kendrick se mesure à une femme qui, alors qu'elle est sur le point de lui succomber, lance : « Tu crois que tu peux sauver le monde ? » sur un ton laissant penser que la réponse sera forcément négative. Mais Kenny, lui, choisit de l'interpréter autrement, car c'est sur ses titres les plus enthousiastes et victorieux qu'il va conclure le show, faisant exploser le Barclays Center avec « Alright » et « Humble » - qu'il jouera deux fois avant de quitter la scène. Enfin, pas totalement, puisqu'il reviendra pour un unique rappel. Et pas n'importe lequel - « God » extrait de DAMN. Après deux heures d'une performance qui a vu l'un des meilleurs rappeurs au monde douter, se questionner et montrer qu'il était plus que jamais capable de se battre, de surmonter l'adversité et de se remettre totalement en question, que pouvait-on espérer de mieux que de voir 20 000 personnes hurler en choeur « This what God feel like? » ? Rien. Absolument rien.

Jason Bergman est sur Instagram.

Lawrence Burney est sur Twitter.