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Culture

On a parlé aux Montréalaises derrière Girl’s Club

« Nous sommes une étiquette anti-cis-hétéro-patriarcat qui veut apparaître sur le dos de votre ordinateur portable, sur votre sac fourre-tout. »

Pour le tournage du vidéoclip de Heavens Mouth, June Moon, alias Forever, s'est retrouvée nue dans la douche des parents d'une amie, entourée d'un petit groupe de complices. « Je n'arrêtais pas de faire passer la douche à froid pour éviter que la vitre s'embue », raconte Emmett Rose, la réalisatrice du clip et cofondatrice, avec Moon, du Girl's Club. « June hurlait et nous, nous hurlions de rire. » (Rose a produit le clip en équipe avec Béatrice Scharf-Pierzchala, Katherine Dydyk et Charlotte Dion.) Le clip est un regard éthéré sur l'été montréalais : il s'ouvre sur une image d'une pomme grenade éclatée à côté d'un cendrier rempli de mégots Pall Mall et se poursuit avec des images alternantes de Moon dans la douche, dans le métro, ainsi que des gros plans sur d'autres fruits qui se désintègrent. Il y a aussi des mouches à fruits, des fenêtres ouvertes et deux mains avec de jolis faux ongles qui écrasent, pressent et enfoncent un gâteau et une pêche.

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« La vidéo est très sensuelle », dit Moon, avant d'ajouter que de travailler avec une équipe de femmes a créé un environnement confortable et sans pression. « C'est ce qui a fait que la vision a été traduite à l'écran. Sans vouloir abuser des mots comme "espace sécurisant", mais c'est vraiment ce que c'était », explique-t-elle.

Fondé en 2015, Girl's Club est un collectif formé d'artistes, de stylistes et de musiciennes installées à Montréal. Rose et Moon l'ont conçu lorsqu'elles sont débarquées de Vancouver et qu'elles ont constaté que la scène artistique montréalaise était surtout représentée par des hommes hétéros. Un boys club, enfin. Elles se disaient, blaguant à moitié, « qu'ils ne sauront pas ce qui les a frappés quand le Girl's Club arrivera ». « C'était juste une blague, au début, mais je suis devenue tellement frustrée que j'ai voulu le mettre sur un t-shirt », dit Rose, qui ajoute avoir voulu diversifier la foule des événements auxquels elle participait. « J'ai envie d'être entourée de gens de couleur, de personnes trans, de femmes. Je veux que les gens sur la piste de danse autour de moi soient des gens qui me soutiennent. » Girl's Club s'est approprié une des caractéristiques des cercles d'hommes branchés et de streetwear pour faire sa place : la marque. Elles ont créé un simple logo rose en lettres attachées et l'ont mis sur des t-shirts, des sacs à main en toile et des autocollants, qui, modelés par leurs amis sur Instagram, sont devenus populaires. Le collectif compte désormais un auditoire de 11 000 abonnés sur Instagram. « Nous jouons le jeu de la culture du consommateur avec notre propre marque. […] Girl's Club est une marque qui utilise son logo pour réclamer cet espace », affirme Rose. « Nous sommes une étiquette anti-cis-hétéro-patriarcat qui veut apparaître sur le dos de votre ordinateur portable, sur votre sac fourre-tout, et faire savoir aux gens que nous existons et que nous sommes présentes. » Alors que Girl's Club commençait, les projets personnels de ses cofondatrices décollaient eux aussi. Les mèmes féministes intersectionnels de Goth Shakira, une des collaboratrices de Girl's Club, sont devenus viraux et ont mené au développement d'un mouvement de ces mèmes féministes sur les médias sociaux. Rose, une peintre et artiste d'installation, entre autres disciplines, est responsable de l'initiative Votes4Nudes, qui durant la dernière élection fédérale, encourageait les gens à voter en leur proposant en échange des photos osées.

Le début de Girl's Club était aussi l'ébauche de la carrière musicale de Moon. « J'enregistrais les voix pour mon EP alors qu'on partait Girl's Club, donc tout s'est un peu produit en même temps », dit la musicienne.

« Je crois que les femmes sont en train de prendre de la place dans la société comme elles ne l'ont jamais pu, dit Rose. Nous avons tellement à apprendre les unes des autres. Et je crois que c'est un des principaux problèmes liés au fait d'être une femme, historiquement, c'est que la société nous a un peu gardées isolées pour nous laisser hors du pouvoir. » Pour ce qui est du succès du collectif, Rose l'attribue à l'approche cool qu'elles ont adoptée. « Les gens comprennent et font des efforts pour comprendre, dit-elle. Le féminisme n'a pas besoin d'être sans goût, d'être plate. »