On a soumis notre « questionnaire connard » à Damso

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On a soumis notre « questionnaire connard » à Damso

Booba, l'accent belge, Disiz La Peste, « Tintin au Congo », le perfectionnisme : on est allés cuisiner le rappeur Bruxellois sur les sujets qui fâchent.

Le nouvel album de Damso, la recrue belge du 92i, est sorti après plusieurs teasings un poil plus mystérieux qu'à l'accoutumée : aucun extrait officiel d'Ipséité n'a été diffusé avant la sortie mais des sons inédits étaient lâchés sur les réseaux sociaux, puis deux clips ont été diffusés le jour J, bref le Bruxellois n'en fait qu'à sa tête. Même chose sur le disque où le rappeur a apparemment eu la liberté de faire ce qu'il voulait, quitte à expérimenter des nouvelles formules assez inattendues, qui ne laissaient d'ailleurs la place à aucun featuring (si l'on excepte Youri, chanteur-guitariste). En parallèle, le bonhomme est déjà sur son troisième projet et il s'apprête à lancer sa marque de vêtements, Rosemark.

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Après un petit temps d'acclimatation (« ah ouais c'est vraiment des questions comme ça… ok »), l'artiste s'est prêté à notre petit exercice avec l'autodérision qui le caractérise. Ses rapports avec Booba, son accent, sa place dans le label, son côté perfectionniste qui vire à l'obsession : on a tout abordé. Prêts ? Top départ.

Noisey : Tu as dit : « J'ai le soutien de pas mal de chroniqueurs, ils savent que quand j'écris je ne fais pas semblant » Mais t'es au courant que les mecs de la Sauce sont payés par Booba à la base ?
Damso : C'est pas à eux que je pensais. C'est plutôt une phrase pour Rap Genius en fait. On s'était vus, et j'avais kiffé leur démarche, parce qu'on s'était vraiment calés là-dessus, ils avaient décortiqué pas mal de phases, les punchlines etc. Ils posaient pas mal de questions précises. J'avais même dit que Rap Genius allait engager parce que dans le prochain album ils auront beaucoup de boulot, c'est à eux que je pensais.

Tu réalises que tant que tu prononceras « depuis » « depouis » on te prendra jamais vraiment au sérieux ?
Bah franchement j'emmerde les gens, et je vais tellement prononcer « depouis » dans mes titres que finalement, ils vont le prononcer aussi comme ça avec moi. J'ai vu que y'avait moyen quand j'ai entendu des mecs reprendre mes paroles, que ce soit en concert ou ailleurs, je me suis dit « c'est bon, vous êtes rentrés dedans »… [Il éclate de rire] Ah, les questions de connard !

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Tu as lancé ta marque de sapes Rosemarck…
En fait je ne l'ai pas encore lancée, juste teasée, pour l'instant il n'y a que moi qui en porte en fait. Je vais prendre mon temps.

Tu attends que Unkut se casse la gueule, c'est habile.
[Rires] Ouaaah, t'es fou ! Ahah, non, pas du tout. J'attends vraiment d'avoir la qualité que je veux et pour ça il faut tout maîtriser en vrai. Impossible que ce soit raté et après deux lavages le truc déteint et c'est fini. Je dois tout contrôler, depuis la production, jusqu'aux tailles, il faut que je connaisse tout. Comme pour ma musique.

Tu sais que « Lové » si on enlève ta voix, c'est un tube dancefloor des années 90 ?
[Rires] C'est un beatmaker hollandais qui m'a fait une prod que j'aimais bien et qui m'a fait écouter d'autres sons à lui, pas prévus pour que je pose dessus, c'est clair. Sauf que quand j'ai écouté celle-là, j'ai dit « non non non, c'est ça que je veux dans le projet ! » Je voulais tester un truc, poser des flows que j'avais en réserve, mais non, là je devais écrire, et c'était à la fois un défi et un kiff. J'aimais trop la prod. J'ai essayé de casser les codes du beat. Moi j'ai kiffé, mais je sais pas ce que les gens vont en penser.

Quand Vald t'a invité tu t'es dit « c'est le moment de conquérir le public blanc » ?
[Il éclate de rire] Loin de là, je connaissais « Bonjour », mais je ne savais pas trop ce qu'il faisait d'autre, donc pas de stratégie, j'ai appris à apprécier son travail en le rencontrant.

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Tu as moins de phases sur la sodo mais beaucoup plus sur les éjacs faciales. C'est un genre de thématique que tu te fixes sur chaque projet ?
Hmm non… Je m'en suis pas du tout rendu compte, mais disons que le visage, c'est quelque chose que tu retiens plus facilement quand même, ça doit venir de là. Même si ça reste inconscient. On voit quand même plus le visage que le cul à la base.

Dans le même temps, tu as un équilibre un peu schizo avec d'un côté le macho total et de l'autre le fuckboy tristounet…
Franchement j'avais même pas remarqué. Je pense que les autres, ceux qui sont uniquement dans le macho total, mentent un peu, parce qu'on a tous connu les deux côtés. C'est la vérité, et ça me dérange pas de le dire. C'est naturel. Les autres sont peut-être plus dans un personnage, on n'écrit pas pour les mêmes choses, je veux plutôt te raconter un truc qui te marque, que ce soit drôle ou non. Si ça m'est arrivé, je vois de souci à le raconter. Les phrases comme « je la prends dans le noir pour ne pas voir ses cornes » c'est pareil que sur « Peur d'être sobre » quand je dis que l'alcool permet d'oublier la laideur de la meuf [Rires], parce que des fois, tu te dis merde, c'est dégueu, c'est le vice en personne…

De la même façon, sur certains sons où tu te mets en avant, tu casses tout en lâchant des détails sur tes moments de galère… L'egotrip réaliste, c'est pas un peu paradoxal ?
« Egotrip réaliste », totalement, t'as compris. Sur « Que du saal vie », surtout. J'avais des trucs à dire sur ce projet là…. Bien vu, je l'avais pas noté comme ça. C'est vrai que j'aime beaucoup : faire un son qui serait censé être pour les meufs mais déconner exprès dans les lyrics qu'il y a dedans ; mettre de la mélancolie dans un egotrip, des blagues dans une ambiance sérieuse. Parce que je peux écrire un même texte mais dans plusieurs moments, plusieurs ambiances. Le début du couplet et la fin peuvent être écrits à plusieurs jours d'intervalle, je vais pas penser pareil donc ça joue.

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Niveau sorties 92i, il y a eu Benash, puis toi, puis ce sera Siboy, tout ça est très rapproché. Tu dirais que c'est la preuve que le label ne croit pas du tout à votre potentiel sur le long terme ?
Han mais t'es mauvais [Rires]. Je pense que le label sait très bien ce qu'il fait, après je ne connais pas leur stratégie marketing et tout… C'est vrai que c'est très rapproché mais ce sont des projets très différents malgré tout, l'un ne va pas bouffer l'autre. Je crois que c'est ça.

Une âme pour deux : c'était un défi pour tous ceux qui avaient été choqués par « Amnésie » genre « vous savez je peux faire encore pire que ça » ?
Non, je l'ai écrit avant, en 2013, c'est juste que le mix de l'époque ne m'allait pas du tout. Toute la structure, les bruitages, fallait les respecter. C'est tout un concept élaboré, avec quelqu'un qui essaie de prendre mon âme, c'est comme un film.

Mais tu as conscience que tout ce que les gens vont retenir c'est le passage viol et inceste ?
Bon, si les gens ne comprennent pas, pas grave, mais pour ceux qui ont capté, y'a peut-être même moyen de faire une suite, pour moi c'est vraiment un film. D'ailleurs j'ai un autre truc dans le genre d'écrit, mais je ne sais pas encore où le caser.

Les phrases « à son haleine j'ai su qu'elle était moche » et « c'est souvent les plus moches qui sucent le mieux » sont dans deux morceaux différents mais on est d'accord que c'est lié ?
Ces phrases sont effectivement très liées. J'avais écrit les textes un peu en même temps… Ouais tu connais [Rires]… C'est un rapport de cause à effet carrément.

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C'est vrai que Disiz voulait s'incruster sur ton album et tu as dit « faut ptêt pas déconner » ?
[Rires] C'est pas comme ça que ça s'est passé, pas du tout. Merde… Non en fait j'avais dit dans ton interview que je kiffais ce qu'il faisait, que ça m'avait influencé, et c'était remonté jusqu'à lui, il a apprécié. Il m'a contacté, on a parlé, on s'est vus, etc.

Si tu continues de progresser, tu penses que tu vas devenir un danger pour Booba ? Au point qu'il va devoir te virer, te clasher et probablement envoyer Benash te casser la gueule ?
Aucune chance. Sinon il ne m'aiderait pas à niquer le game. C'est pas dans ses projets. [Rires]

A notre dernière rencontre, tu m'avais promis que tu allais insulter Hergé sur ton prochain projet…
Je t'avais promis que j'allais insulter Hergé ?!

Pour Tintin au Congo. Du coup je suis très déçu parce que c'est pas le cas.
Je t'avais dit « ça va arriver », mais j'avais pas dit sur quel projet. Non, non… Je sais ce que je dis, je fais attention, t'inquiètes, tu m'auras pas comme ça [Rires].

Tu rappes « Damso charo comme Matuidi » façon Niska, tu taffes avec Double X qui a fait Tchoin pour Kaaris, et avec Nk.F l'ingé son de PNL. Tout ça dans un album dont le titre signifie « ce qui fait qu'une personne est unique et absolument distincte d'une autre ». Tu te foutrais pas un peu de la gueule du monde ?
[Rires] Non, j'ai pas fait ça pour leur voler un truc à chacun. Matuidi, et le délire charo, j'avais bien kiffé le concept de Niska. Ce délire là n'est pas très loin de « Débrouillard », je me suis reconnu dedans. PNL c'est différent : on m'a fait écouter un morceau d'eux, j'ai vu le mix et j'ai dit putain, c'est ça qu'il faut pour « Une âme pour deux ». C'est de là que c'est parti. C'est « Une âme pour deux » qu'il a mixé en premier. J'attendais depuis 4 ans de trouver un mec comme ça quand même ! Double X c'est eux qui m'ont envoyé des prods quand j'ai fait un appel, avec mon mail spécial pour ça, quand j'en cherchais. C'est eux qui sont venus à moi.

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Mais attends, quand tu as choisi de bosser avec Nk.F, ton ingé son habituel, qui est ton pote, il ne s'est pas senti abandonné ? C'est pas super classe.
Non non [Rires]. En fait il est dans la même optique que moi, on est toujours deux dans le studio, je mixe avec lui, vraiment. Dès qu'il a entendu le mix, il s'est pris la même claque que moi. Lui aussi est chaud, il a même automatiquement demandé s'il pouvait faire un stage avec l'autre. Il est dans cette démarche de progression, pareil que moi, pas de jalousie possible sur le travail d'un autre.

Je vais te poser la même question qu'à Siboy : lors des sessions studio 92i, qui a essayé de draguer Shay et qui s'est pris un vent ?
Ahaha, nan, on était dans une démarche très très positive.

Cette phrase ne veut strictement rien dire.
Haha, mais c'est vrai, c'était ça l'ambiance, professionnelle à fond. Ambiance positive de studio parce que tout le monde était à l'aise. Chacun apportait sa touche sur le son des autres, c'est un bon souvenir.

Quand Booba t'a dit que tu avais un côté MC Solaar, sachant qu'il a déjà rappé que Solaar « c'est de l'antiquité », tu as flippé ?
Non parce qu'à la base, il m'a dit « un Solaar, mais très dark », donc il n'y avait rien de péjoratif.

Tu as écrit 200 morceaux pour en garder moins de 15 au final. La rentabilité c'est pas un concept qui te parle ?
[Sourire] Ce n'est jamais perdu, c'est de l'entraînement, comme quand tu tapes des coups francs, tu peux en faire des centaines, pendant le match tu n'en auras peut-être qu'un seul. C'est la même chose pour les textes, je vois toujours ça comme ça.

Ton côté perfectionniste, il ne saoule pas ton équipe ?
Ah… [Il soupire en souriant] Ils n'en peuvent plus de moi, je les fatigue ! Pour chaque track il y a au moins 7 versions avant que je valide, sans compter les pré-mix. Et je fais aussi chier les gens pour le mastering. Ils doivent en avoir marre de moi. Mais bon, ils commencent à me connaître, ils savent que c'est pour le bien des morceaux au final.

Mais tu sais qu'une partie de ton public va juste écouter ça sur un smartphone avant de supprimer la moitié des morceaux ?
Hmm… Le mode de consommation actuel est très frustrant, pour moi. C'est chiant. Je sens très bien que des gens savent pas du tout où je veux en venir, ils me demandent pourquoi je me prends la tête autant sur les mix, pourquoi je balance pas plus de morceaux à la pelle… Qu'est-ce que tu veux répondre à ça ? Pour moi c'est juste normal. Yérim Sar écoute les albums en intégralité sur des enceintes de la taille d'un jeune adolescent, confortablement installé dans son salon, en chaussons. Il est sur Twitter.