« La nouvelle génération criminelle pense que c’est bête de vivre très longtemps. Vieillir, c’est quelque chose d’horrible. Vivre longtemps, c’est en quelque sorte un gâchis d’énergie. Cela veut dire vivre uniquement dans l’instant présent. Et ces jeunes ont une théorie là-dessus : ils disent que le passé appartient aux vieux, et que l’avenir appartient aux losers. Seul le présent appartient aux gagnants ». En livrant cette description abrupte de la réalité des jeunes mafieux napolitains, Roberto Saviano ne pensait certainement pas à celle d’ex-dealers de Seine Saint-Denis devenus rappeurs. Pourtant, peu de mots pourraient décrire 13 Block avec autant de justesse, tant leur ancrage dans le présent les caractérise.
Publicité
« J'suis que de passage »
Publicité
Diversité des flows, addictivité des refrains, efficacité des gimmicks, maîtrise des schémas de rimes : à chaque projet, 13 Block s’améliore sur chacun des plans, et tout semble toujours plus abouti. Peu de discographies peuvent se targuer de suivre une telle courbe de croissance, les schémas classiques ayant tendance à toucher les sommets sur un grand classique, avant de redescendre inévitablement ou de suivre une trajectoire en dents de scie. Si 13 Block parvient à franchir une telle marche à chaque fois, c’est bien parce que personne, dans le groupe, ne semble jamais se poser la question de l’étape suivante. On ne se demande pas comment aller plus haut, comment faire mieux, comment dépasser ce qui a déjà été fait. L’ancrage du groupe dans le présent l'astreint à l’efficacité immédiate.
Retour au terrain
Publicité
Ce train-train quotidien, finalement pas si éloigné du métro-boulot-dodo parisien, avait partiellement disparu des thématiques abordées par les rappeurs pendant la première moitié des années 2010. L’explosion de la trap à la française avait imposé une surenchère toujours plus spectaculaire dans les textes, reniant en partie l’héritage du rap de rue des années 2000, très ancré dans le ter-ter. À l’époque, une frange importante du rap indépendant s’attachait à décrire la rue avec un souci du détail parfois très poussé - on se souvient par exemple de Salif, qui évoquait son « moule-bite sous le caleçon, le détail entre la boule gauche et la boule droite ».Sous l’impulsion de 13 Block - mais aussi d’autres, dans l’actualité récente, on peut par exemple citer Koba LaD, et surtout PNL-, le rap français effectue un vrai retour au terrain, à ces halls dont la fonction première n’est plus d’accueillir l’habitant mais bien de servir le client, et où le dealer en question ne claque pas son bénéfice chez Philippe Plein ou Gucci, mais chez Kipsta et Quechua, s’autorisant une folie chez Fila ou Nike les bons jours. Nul besoin de superflu onéreux pour que la dégaine soit jdid. L’habillage musical est lui aussi minimaliste : l’ensemble est bien produit, évidemment - surtout quand Ikaz Boï met la main à la pâte - mais la partie instrumentale ne constitue généralement chez 13 Block qu’un simple support. L’épaisseur vient de l'interprétation des quatre trappeurs, et particulièrement de leur science presque exacte des placements, des silences, et des répétitions.
Publicité
« Bonjour Stavo, au revoir Desté »
Publicité
Ce qui occupe donc 13 Block aujourd’hui, c’est la sortie de BLO. Particulièrement attendu après les excellents retours critiques sur Triple S, cet album ne représente ni l’aboutissement des cinq années de travail du groupe, ni la première pierre d’un avenir dont personne ne connaît rien. Rois de la trap jusqu’à présent, Zefor, Zed, Sidikeey et Stavo n’ont même pas le temps de se laisser couronner : s’assoir sur le trône signifierait prendre le temps de se remémorer le chemin parcouru, puis songer aux perspectives d’avenir, pour conserver la couronne jusqu’au bout. « Le passé appartient aux vieux, et l’avenir appartient aux losers », disait Roberto Saviano . Le présent, pour 13 Block, c’est BLO.Le premier album de 13 Block, BLO, sort le 26 avril sur Warner Music / Elektra.Genono est sur Twitter.Noisey est sur Facebook, Twitter et Flipboard.