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Culture

Avec Kevin Devine, un des derniers troubadours de l’alternatif

Entre paternité, sobriété et tournée, le chanteur de Brooklyn nous explique comment rester pertinent.

Kevin Devine, c’est en quelque sorte le Elliott Smith de la scène alternative. Beaucoup l’ont connu dans la deuxième moitié des années 2000, alors qu’il côtoyait des bands de tous les styles, du emo au hardcore. Avec ses textes profondément personnels, tantôt tristes et tantôt politiques, il s’est attiré un public qui lui rend un culte.

Après avoir mis en suspens sa carrière solo afin de rejoindre les rangs de Brand New brièvement l’an dernier en tant que guitariste, il s’est vite ravisé lorsque son bon ami et chanteur du groupe, Jesse Lacey, s’est vu publiquement accusé d’inconduite sexuelle.

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Papa depuis bientôt deux ans, Devine a récemment annoncé la sortie prochaine de nouveaux ajouts à sa série de collaboration, les Devinyl Splits, des singles pressés en quantité limitée, où il apparaît autant aux côtés de légendes comme Mike Kinsella (d’American Football) que de jeunes de la relève, comme Tigers Jaw.

Alors qu’il repart en tournée, Kevin a pris le temps de nous parler de ses responsabilités de papa, de son côté politique et de ses moyens de rester pertinent.

VICE : Salut Kevin! Cela fait quelques fois que je te vois en spectacle, et tes chansons changent un peu chaque fois. Est-ce pour briser ta routine ou parce que tu considères tes chansons comme étant constamment en mutation?
Je crois que c’est un peu des deux. Je dois avoir fait près de 2000 concerts dans ma vie, donc c’est toujours intéressant pour moi de changer de petites choses ici et là. C’est aussi une récompense pour les spectateurs, j’imagine, de pouvoir se dire : « Je l’ai vu en concert huit fois et ç’a été différent chaque fois. »

Je crois aussi que mes chansons ne devraient pas rester statiques, donc, lorsque je le peux, j’essaie de les mettre à jour, afin de m’assurer que mes chansons et moi restions pertinents.

Tu es devenu papa dans les dernières années. Comment est-ce que cela a changé ta vie de tournée?
C’est certain que ça a absolument tout changé. Alors qu’avant je pouvais partir des mois à la fois, maintenant j’essaie de découper mes tournées en bloc de deux semaines, afin de pouvoir rentrer à New York et voir ma fille, qui aura d’ailleurs deux ans cette fin de semaine. Je ne suis pas certain si elle comprend encore tout à fait que le job de son papa inclut souvent ne pas être à la maison. Mais la dernière fois que je suis parti en tournée, elle a compris que je devais prendre un avion.

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Heureusement, on vit dans une ère de l’histoire humaine où on est plus connectés que jamais, donc elle sait que chaque soir à 18 heures, on pourra se parler sur FaceTime. Lors de la dernière tournée, je lui avais préparé d’avance des lettres que sa mère lui lisait chaque matin, où je lui disais dans quelle ville j’étais et ce que j’y faisais. Par contre, je comprends aussi que rien ne peut remplacer ma présence physique à la maison, surtout que sa mère travaille aussi, et pour moi ce serait injuste de la laisser s’occuper de tout.

Tu as aussi arrêté de boire il y a un bon moment, comment est-ce que ce changement de vie a affecté ta carrière, comparativement à la naissance de ta fille?
Ça m’a pris près de trois ans pour complètement arrêter de boire et de prendre de la drogue. C’était par contre au début de ma vie de tournée. Et c’est vrai que pendant longtemps je me suis demandé si je serais capable de continuer à faire des tournées, car j’en suis venu à réaliser que l’industrie du spectacle est, souvent, une manière de vendre de l’alcool.

Mais je me suis rendu compte qu’au final, mes dépendances n’étaient pas ce qui me définissait, et j’ai depuis été capable de tenir mon pari. Après, je ne sais pas comment cela se compare à devenir père, mais je dois dire que je suis très content de savoir que ma fille ne me verra probablement jamais saoul. Bien entendu, je sais que je ne serai pas un père parfait, parce que je suis humain et ça fait partie du deal, mais au moins, si je ne la FaceTime pas à 18 heures, ce ne sera pas parce que j’aurai fait le cave et que je me cache d’elle parce que j’aurai passé la nuit à faire de la coke.

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Parle-moi un peu de ta série de collaborations, les Devinyl Splits.
J’ai une carrière assez longue et j’ai eu la chance de me produire avec une foule de gens différents. J’ai aussi cette habitude de ne pas m’accrocher à un style, donc je fais un peu de rock, pop, indie, emo, punk, hardcore, peu importe. Moi, ça me convient, mais c’est un peu chiant pour les gens dont le travail est de mettre en marché ma musique. Cela fait que j’ai pu collaborer et jouer avec des artistes variés, de Perfect Pussy à Brand New à Nada Surf à KD Tunstall.

Avec ces collaborations, l’idée était de pouvoir travailler avec un tas de personnes que j’admire et dont les styles sont souvent complètement différents des miens, et on presse environ 1000 vinyles de chaque œuvre. On a fait la première série en 2015, et là on est en plein dans la sortie des nouvelles collaborations, dont celle avec Matthew Finn, de The Hold Steady, la semaine dernière.

Tes chansons ont toujours été quelque peu politiques, mais j’ai l’impression que tu y es allé all in avec Instigator . As-tu eu des craintes, en faisant cela?

C’est drôle, parce que, personnellement, je trouve que mon album Bubblegum était plus ouvertement politique. La seule chanson sur laquelle j’ai eu des doutes a été Freddy Gray Blues, à cause des enjeux possibles [La chanson fait référence à Freddy Gray, un jeune afro-américain tué par des policiers de Baltimore, NDLR]. Je suis un homme, hétéro, blanc et américain qui parle de race. Mais j’ai écrit cette chanson avec en tête mon expérience familiale, et tu ne peux pas écrire une chanson de ce genre sans complètement te mouiller.

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Et si tu veux écrire quelque chose du genre afin de pontifier à propos des enjeux raciaux avec la perspective de privilège reçu, ça serait de très mauvais goût. J’essaie d’être un poète et un journaliste à la fois, et cela demande de l’empathie. La culture progresse rapidement, donc on verra, peut-être que, d’ici quelques années, c’est le genre de chanson que je me dirai qu’il aurait valu mieux ne pas sortir, mais, pour l’instant, je l’assume complètement.

Je n’ai pas remarqué d’autres noms sur les posters de ta tournée, seras-tu en solo?
Oui, complètement seul, en fait. Ce ne sera que moi et ma voiture. Je m’occuperai d’absolument tout, que ce soit de vendre mon merch, dealer avec les promoteurs, faire ma technique et tout ça.

As-tu déjà fait ça dans le passé?
Plusieurs fois! J’ai souvent été mis dans des situations où des imprévus sont arrivés et j’ai finalement dû le faire, et, pour être honnête, j’aime ça et je le fais bien. Je sais assez bien compter donc je peux vendre mes t-shirts, je suis bien organisé donc faire ma propre technique ne me dérange pas, et je n’ai pas peur de parler aux gens. En plus, j’aime bien conduire.

Kevin Devine sera en concert à Montréal le 6 avril prochain, au Bar le Ritz PDB.

Billy Eff est sur internet ici et .