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Music

Tour de France : Marseille

De P38 à Danton Eeprom en passant par Husbands, Crapoulet, Lollipop, Slow Porn, Holy Fröst, Jul, Djel et Martin Dupont.

Parce qu'à une époque où les supermarchés vendent des bananes en sachet individuel, il est important de renouer avec ses valeurs et ses racines, nous avons proposé à des contributeurs Noisey et des invités de nous présenter une playlist exclusivement constituée d'artistes de leur ville d'origine, dans le cadre d'une rubrique intelligemment baptisée « Tour de France ». Après Bayonne, La Rochelle,Reims, Brest, Lyon, Tours, Poitiers, Rouen, Bordeaux, Toulon, Pau, Angers,Montréal, Le Mans, La Réunion, Rennes, Malestroit, Limoges, Fontainebleau, Nice, Caen Lille et Nantes, voici Marseille présenté par notre contributeur Théophile Pillault.

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HUSBANDS

Ne cherchez pas, la crème du terroir local s'appelle Husbands. Husbands, la première signature du label de Laurent Garnier, Sounds Like Yeah ! et un all-star band pop de taille : Oh! Tiger Moutain, Kid Francescoli et French 79 – ces deux derniers officiant d'ailleurs chez Nasser –… Comme dans un Cassavettes, le casting du groupe a la classe au cul. Vous pouvez les entendre ici chanter tous les trois sur « You, Me, Cellphones », méta-tube mis en image par le duo Cauboyz, leurs clippeurs attitrés, sûrement le duo de video makers le plus excitant actuellement en France. Alors bordel : pourquoi tout ce beau monde n'est-il pas encore célèbre ? Parce qu'ils empestent la Provence ? L'incompréhension est totale et l'injustice règne : bienvenue à Marseille.

TCHEAZ / DIAPOSITIVE

La plate-forme en-ligne de ce label marseillais est juste l'audioguide ultime pour découvrir la scène électronique locale, dans ses meilleures expressions. Des heures de podcast du terroir (Dj Djel, Poborsk, Tambour Battant, Aline, Dubmood, Dj Oil, Amine Edge), des remixes ainsi que des releases régulières et carrées (Diapositive, Dj Steef, Nasser)… Tcheaz constitue une des plus grosses équipe de providers sonores à Marseille. Une équipe asociale, minutieuse, une équipe de musiciens surtout : ses fondateurs, les frères Pernaud, French 79 ou l'inénarrable Anticlimax, désorganisateur bien connu des dancefloors azuréens se trimballent en ville depuis assez longtemps pour faire kiffer les fonds de clubs avec du groove poisseux, plutôt que de céder aux diktats de la minimale glaciale ou la grosse artillerie cachetonnée. Ici, ça signifie beaucoup. Aux prémices de l'hiver méditerranéen, Tcheaz libérera une compilation vinyle, annoncée comme « une sélection bizarre et dansable, pour des séances d'écoutes autant domestique que dancefloor » dixit Anticlimax himself. Vous pouvez soutenir l'electronic local scene ici.

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P38

Alors que la reformation de R.A.S. est prétexte à vendre des tote bags, que les Warrior Kids se sont reconvertis dans la country, il est toujours utile de se replonger dans le vaste buffet-campagnard qu'était la scène skunk hexagonale des années 90-2000. Un étalage de bouchées paysannes au premier rang duquel les Marseillais de P38 occupaient une place de choix, pour amateurs de riffs rustiques et de sing-alongs traditionnels et frustes. Tout simplement oi!, mais tous unis.

DANTON EEPROM

N'est pas Marseillais qui veut. À l'inverse, se défaire de sa ville d'origine n'a rien de simple. Après une dizaine d'année d'exil à Londres, le DJ producteur Danton Eeprom revient larder sa ville natale de coups de cutter. Porté, lui aussi, par l'actuelle ébullition de l'underground local, le Pete Doherty phocéen récidive donc à domicile, saisi d'une poussée créative – comme toujours – aussi riche qu'anarchique : travail de production musicale en profondeur par l'entremise de son label Fondation Records, incartades sur les dancefloors du centre ville, nouveau LP en préparation, le tout flanqué d'une émission mensuelle sur la radio en ligne phocéenne CaveCarliRadio. Mauvaise foi, panache et musique décentrée en écoute illimitée par ici.

UNFIT (2 LIFE)

Vous en avez vraiment quelque chose à foutre de Wax Taylor ? Passez votre chemin et remballez par la même occasion vos albums de Chinese Man, leur terrible équivalent phocéen. Dans un Marseille idéal, jadis dominé par le label Disagree Records, l'ordre réclamerait même quelques soirées en stage de rééducation intensive avec un combo de hardcore metal local badass à souhait. Non, ni Eths, ni Dagoba. Au hasard et sans forcer : Unfit.

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MUNK

Au tournant des années 2010, Mathias Modica a déménagé une partie des locaux de Gomma Records (Rodion, The Glimmers, DFA, Cosmo Vitelli, Moullinex) au coeur de Marseille. Résultat ? On pouvait alors tomber sur des DJ sets de Munk gratos, dès le mardi soir, dans les disco bars les plus racés de la capitale sudiste, Feu-La Dame Noir en tête de liste. La plaisanterie a duré une petite poignée d'années, puis Munk a pris la meilleure décision possible pour un phocéen d'adoption : il est reparti s'installer à Berlin. « Rue de Rome » est son baiser d'adieu ému à la ville de Marseille, dont il détient toujours les clefs d'honneur.

LOLLIPOP / NEUROTIC SWINGERS

Cowboys from Outerspace, Gasolheads, Exxon Valdez, Bushmen, Dialtones… L'âge d'or du garage s'est imprimé des années durant sur des galettes 45 tours, toutes siglées Lollipop Records. Aujourd'hui le sillon vibre toujours, puisque Lollipop continue d'être un disquaire physique, solidement campé boulevard Théodore Thurner, dans le 6ème arrondissement. Le music store a ouvert il y a dix piges, en pleine crise du disque, sur les cendres de la regrettée boutique parisienne Sonic Machine. Et continue de livrer les dernières charretées discographiques – pures à 90 % d'acétate de vinyle – de Sacred Bones, Fat Possum, Alternative Tentacles ou DFA. Côté scène locale, c'est chez Lollipop qu'il faut se fournir en billetterie garageuse pour les shows réguliers ici des Keith Richards Overdose, Departure Kids, The Pleasure, des Qúetzal Snåkes ou de la reformation des Neurotic Swingers dont le frontman n'est autre qu'un des deux tauliers du précieux Store.

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CRAPOULET RECORDS

Crapoulet est au hardcore punk DIY ce que les Langmann sont au cinéma français : son nom traîne partout. Partant du principe qu'une bonne co-prod vaut mieux qu'un seul label qui prend tous les risques, Crapoulet a co-soutenu à ce jour plus de deux cents projets. Ed Warner, le split Sévère Gouine x Estreme Bamboule, Thrashington DC, Governement Issue, Agent Attitude, les regrettés By My Fists et même un EP des Burning Heads… Une participation volontaire, internationale et sans oeillères qui fait du label – également promoteur actif – une des distros mailorder les plus fleuries de l'hexagone. Vous croiserez le Dischord marseillais dans le ventre de la Salle Gueule, un sous-sol non-profit avec plein de concerts souples et rieurs dedans, qui tiennent dans les pages papier ou online de Vortex, l'agenda des musiques survivalistes et souterraines à Marseille.

CONGER ! CONGER ! - « AWA »

De discorde il sera également question si je glisse dans le même billet Ed Mudshi, Conger! Conger! ou Post-Coïtum, mais au diable les puristes de l'étiquetage. Pour moi, ce sont les groupes de la scène post-hardcore de Marseille et puisqu'on nage dans le namedropping facile, sâchez que vous pourrez croiser ces types et leur public au coeur de l'indétrônable Machine à Coudre, à l'Embobineuse, chez DATA,  à l'excellent cinéma indépendant Vidéodrome ou durant le festival Reevox.

LA DAME NOIR / SLOW PORN

Guests à la pelle, cantine japonaise au fond d'un disco bar, teufs aussi dangereuses que racées et ce dès le mardi soir… Après avoir innové des années durant pour le clubbing marseillais, la Dame Noir semble s'être replié sur son dancing, partagé dans l'enceinte du très commercial Trolleybus. Côté prod, la griffe phocéenne se déploie en remixes et releases originales (Copyshop, Date With Elvis, Pete Hebert, Danton Eeprom, Did, Amevicious, Amine Edge & DANCE) et attendant la sortie de la compilation Slow Porn, curatée par Phred Noir, D.A. original de la La Dame Noir épaulé par Remain, le fondateur de Meant Records. Ladite compilation sera elle libérée chez les Canadiens de My Favorite Robot.

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MARTIN DUPONT

« On a pondu des tonnes de morceaux qui n'ont été enregistrés que sur K7, histoire de faire écouter aux copains » confiait il y a quelques années Alain Seghir à propos de son groupe culte Martin Dupont. Deux albums au pochettes expressionistes allemandes – chez les aixois de Facteurs d'Ambiance puis chez les ricains de Minimal Wave – et de nombreuses rééditions plus tard, Martin Dupont continue d'exercer une fascination sans-limite sur sa descendance, qu'il s'agisse de Kanye, Tricky ou Theophilus London, qui les ont samplé ou repris. L'intro de Just Because devance de plus de trois décades celle de Sphynx la Femme. La musique est bien faite.

HOLY FRÖST

Des backpatchs avec des cadavre de cerfs, des mini-shorts, des orgies de donuts vegan et des trema sur toutes les voyelles : Holy Fröst égrenne l'esprit dark crüst dans les rues de Marseille, pour tous les d-beateux qui n'ont pas l'occase d'aller communier deux fois par an sur le parvis de Rigaer Straße à Berlin. La horde compte parmi ses membres Brunö, fondateur et gérant collectiviste de Counteract Recordings (Dödläge, Link ou Sisterhood Issue) ainsi que Vietnam Veteran, à qui l'on doit les orgas à Marseille de Rvivr ou Ghostlimb. Portland-Marseille-Luleå : un nouvel axe powerviolence assombrit le ciel, il est solide, déterminé et garanti dolphin free.

MESRIME aka MUGE KNIGHT

Iam, FF, Bouga, Psy4… Durant son âge d'or, le rap marseillais tendance canal historique aurait vendu plus de 10 millions d'albums. Enfin, c'est ce que raconte cette nécrologie du mouvement local. Après deux décennies d'un naufrage mental aussi long que gênant, que reste-t-il aujourd'hui de ce vaste merdier sudiste ? L'embarrassante carrière solo de Freeman ? Keny Arkana ? Trois tocards au fond des bars de la Plaine qui mythonnent sur leur barbecue de dimanche dernier avec Faf Larage ? Aujourd'hui, choisir son rappeur phocéen, c'est choisir son garçon coiffeur, Aubagne lissé ou Saint-Jean décoloré. En développement de patrimoine, on parle de gestion ruineuse. Et c'est généralement le dirigeant de société qui engage sa responsabilité. À savoir : Akhenaton.

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IAM

Au début des années 80. Philippe Fragione n'est pas encore Akh mais juste Chill Phil. Il décide de se laisser pousser la moustache et d'éveiller les jeunes de sa ville à l'histoire et la puissance de leur origines – souvent africaines. Pour ça, il va falloir frapper fort et vulgariser un max. Devançant Stargate de dix ans, le jeune marseillais va mettre au point un mélange inattendu mais efficace moitié rap, moitié égyptologie. De l'invocation de dieux antiques pour rallumer les lumières panafricaines dans le coeur de la jeunesse marseillaise. La formule n'est pas conne et fonctionnera un temps. Mais n'aurait jamais dû être prise pour une recette déclinable à toutes les sauces. Des pharaons, IAM et leurs potes jetteront pêle-mêle leur dévolu sur le western, puis Star Wars, puis Louis de Funès. C'est sa propre bouillie thématique qui a étouffé IAM, vautré dans les sirènes cathodiques au détriments de ses précieuses « vibrations des tam-tams de l'Afrique ».

DJ DJEL feat. DON CHOA & SAT

Comme LIM, haïssons-le tous pour cette trahison. En attendant une vraie relève crossover, capable de mettre d'accord charbonneurs des quartiers nord, puristes d'Endoume et collégiennes à smartphone. Verdict possible dans un an, samedi 7 octobre 2017, au Vélodrome.

ALONZO, JUL & SCH

Concluons sur une note positive. Marseille va mieux. Déjà, Gaudin semble avoir définitivement renoncé à transformer la Villa Méditerranée en casino. Ensuite, l'horrible Hall de l'avenue Saint-Just va elle, pour les mois à venir, devenir un délicieux Dôme du Tonnerre grâce aux shows annoncés d'Alonzo le 26 novembre, JUL le 18 décembre et Sch le 12 janvier 2017. Trois rappeurs entrent, un seul sort.

Théo Pillault est à Marseille et sur Twitter.