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J'ai passé un après-midi avec une légende française des réseaux sociaux

Chaque jour, 50 000 personnes suivent les pitreries de Zaki19 sur Snapchat.

Zaki et son épicier préféré

Un jour, alors que je prenais un verre avec des potes, ils se sont mis à hurler « SALUT, SALUT MES PETITS CORNICHONS » tout en mettant deux doigts devant leurs yeux. Avant ce jour, je ne connaissais pas Zaki. L'un de mes amis a alors sorti son téléphone et ouvert Snapchat. J'ai tout de suite compris. On pouvait voir sur l'écran un type en voiture hurler par la fenêtre « HEY, HEY, INTERNET IL MARCHE OU IL MARCHE PAS ? » à un passant innocent. Depuis, j'ai passé pas mal de temps à regarder les vidéos de Zaki. L'homme en publie chaque jour de nouvelles sur Snapchat et a déjà rassemblé plus de 50 000 abonnés. Un public qui regarde sa story comme une série, avec ses personnages récurrents et ses codes. C'est une évolution intéressante de l'application, passée d'un outil pour envoyer discrètement ses photos de cul à une messagerie instantanée de selfies, pour arriver aujourd'hui à une sorte de petite télévision.

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Zaki est un mec du 19ème arrondissement de Paris. Tout son quartier le connaît – que ce soit en tant qu'Amine, le gamin turbulent, ou en tant que Zaki, la petite star. Il n'est pas évident de décrire ses vidéos. En gros, on le suit dans sa journée, en bas de chez lui, au travail, au réveil, en soirée ou au resto avec ses potes. Plusieurs personnages récurrents apparaissent : sa bande de potes, son épicier (qu'il surnomme « moul hanoute », le « mec du magasin » en arabe), les clochards de sa rue, des voisins… Zaki a un langage, qu'on adopte très vite. Ses phrases sont reprises en coeur par tous ses fans – le « Salut, salut mon petit cornichon » qu'il utilise à l'excès en est le meilleur exemple. Chez lui, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Pakistanais s'appelle « Internet il marche pas ». Les Asiatiques se voient affublés du surnom « Feng », et s'ensuit souvent une petite chanson « Feng ! Feng ! Fengeli ! ».

« T'es rouge fluo, c'est pas tous les jours qu'on voit des mecs sapés comme ça dans le quartier ! »

Cet humour, à moitié offensant si on le prend au premier degré, s'inscrit dans une certaine tradition, celle des mecs qui ont grandi entourés de minorités. Il se repose sur des codes et des stéréotypes poussés à l'extrême : les noirs ont un accent prononcé, les asiatiques parlent très peu français, etc. Des blagues qui passeraient difficilement dans la bouche d'un blanc, d'autant plus que beaucoup de mots arabes sont utilisés. Un humour de mec de cité ou de banlieue qui a cependant évolué, passant du Jamel Comedy Club à ces nouveaux humoristes qui se font connaître sur les réseaux sociaux. En partant de cette base, leurs ressorts comiques se sont développés en s'axant plus sur la performance, la situation, et sur l'absurde.

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Parce que suivre Zaki, sur Snapchat comme dans la vraie vie, c'est aussi s'exposer à quelques moments d'embarras. Alors que je venais d'arriver devant l'épicerie où il tourne une grande partie de ses vidéos, une voiture a déboulé à toute vitesse. « C'est vous le journaliste de VICE ? Vas-y, monte », son portable à la main, prêt à se filmer. « Donc, programme de la soirée : on est avec un journaliste, et là on est devant MOUL HANOUUUUUTE », s'est-il exclamé devant sa caméra, avant d'entrer en hurlant dans l'épicerie. Ses potes restés dans la voiture semblaient tous trouver ça tout à fait normal. Enfin, on s'est tous dirigés vers un studio d'enregistrement de la cité Curial-Cambrai. Zaki devait poser sur l'outro d'un morceau de ses potes. Une fois au calme, j'ai pu lui poser quelques questions.

VICE : Pourquoi as-tu commencé à te filmer ?
Zaki : J'ai au moins dix ans de compteur. En fait, je fais des blagues depuis tout petit et je fais des caméras cachées depuis cinq ou six ans. Déjà gamin je voulais filmer mes délires. Après, je me suis mis sur Snapchat simplement car une meuf me l'avait demandé. J'envoyais vite fait des trucs à des potes. Ça a vraiment explosé quand on a pu rajouter tout son répertoire d'un coup – j'avais au moins 1 300 contacts. Du coup, j'ai commencé à envoyer mes délires à tout le monde. Le nombre d'abonnés a ensuite monté progressivement.

D'où viennent tes blagues et tes personnages ?
C'est ma vie qui est comme ça. Rien n'est inventé. Ces personnages existent tous. C'est mon quartier, je ne fais rien de spécial et je filme. Même avant Snapchat je foutais le bordel !

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Quel est ton public ?
Il y a de tout ; c'est ça qui est fou. J'ai des jeunes, des vieux, des enfants, des noirs, des arabes, des blancs, des juifs, des keufs, des pompiers… Vu l'endroit dans lequel j'ai grandi, je ne fais pas de différence. Mon message est positif. J'essaie de faire rire tout le monde et les gens le voient – c'est pour ça que tout le monde regarde mes vidéos. Même la fille de Sophie Favier ! Samy Naceri m'a même appelé pour me dire que ses filles me regardaient et qu'il aimait bien ce que je faisais.

Tu viens de sortir un single « Salut, salut mes petits cornichons ». Tu vends aussi des t-shirts et tu es booké dans des clubs un peu partout. Comment gères-tu tout ce succès grandissant ? Aimerais-tu en vivre ?
C'est un délire, à la base. J'ai un travail d'opticien. J'ai d'ailleurs déjà dû dire à mes fans d'arrêter de venir dans ma boutique. Je ne suis pas contre le fait de monétiser mes vidéos, si c'est avec une marque que j'aime bien. Concernant les t-shirts, j'ai juste répondu à la demande des fans. Un ami m'en avait fait un et les gens en ont tout de suite voulu. Mais je veux pas forcément faire ça de ma vie. Je voudrais plutôt jouer dans des films. Je ne fais pas de castings, car on se prend tout le temps des refus. « On vient de la rue nous, pas des cours Florent ! », comme disait Rim-K.

Tu t'es déjà fait embrouiller dans la rue suite à une vidéo ?
Non, jamais. On est respectueux. Les gens savent qu'on déconne. On vanne, on fait n'importe quoi, mais on ne blesse jamais personne. Récemment, je me suis fait engueuler par moul hanoute. Je suis aussitôt allé me réconcilier avec lui. Je fais attention. Plein de petits me suivent ; j'essaie d'être une bonne image pour eux.

Vous pouvez suivre Zaki sur Facebook, Instagram, et sur Snapchat c'est zakiiiiiiii19

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