Une discussion sur le succès, l'amour et Final Fantasy VI avec Cigarettes After Sex

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Une discussion sur le succès, l'amour et Final Fantasy VI avec Cigarettes After Sex

Rencontre avec le phénomène Texan qui a mis YouTube à feu et à sang avec sa folk irréelle et intimiste, à quelques jours de la sortie de son premier album.

Les musiciens qui chantent la romance et jouent la carte de l'intime, disons-le franchement, ça a tendance à, sinon agacer, du moins masquer une démarche narcissique et une évidente mise en scène. Greg Gonzalez, leader, chanteur et seul membre permanent du quatuor Cigarettes After Sex, déballe certes quelques évidences en interview (« mes chansons sont un peu les comptes rendus de mes ruptures », « cet album est comme un long-métrage introspectif »), mais il évite le piège démagogue à merveille. Lui, c'est un songwriter discret (enfin, sauf sur YouTube où il cumule les dizaines de millions de vues), qui conte les (més)aventures d'un homme empêtré dans le souvenir de ses histoires d'amour passées avec un mysticisme et un sens du storytelling envoûtants.

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On l'a rencontré, à quelques jours de la sortie de son premier album, pour en savoir plus sur son rapport au sexe, au cinéma et au succès.

Noisey : Je sais que tu as grandi au Texas. Que tu peux me dire sur ton enfance là-bas ?Greg Gonzalez : Ça va faire désordre avec ce que disent les musiciens habituellement, mais je n'ai pas du tout à me plaindre de mon enfance. J'étais proche du désert, de la forêt, j'avais pas mal d'amis, une piscine pour profiter du soleil et mes parents m'ont vite laissé jouer de la musique. C'était une bonne enfance, je n'en garde que de bons souvenirs.

Tu penses que ces conditions de vie ont influencé ta musique ?
Oui, bien sûr, mais surtout parce que le songwriting est une pratique très autobiographique. En tout cas, chez moi… Ça l'a d'ailleurs toujours été : il y a quelques années, par exemple, l'histoire racontée dans « Nothing's Gonna Hurt You Baby » prenait place dans la maison de mon enfance. C'est comme ça que je fonctionne, je construis mes morceaux sur la base de mes souvenirs, que ce soit des souvenirs d'enfance au Texas ou des moments plus récents. C'est donc logique que les conditions dans lesquelles je vis aient un impact sur ma musique.

Ton nom de scène, c'est aussi une référence autobiographique ?
Oui, l'idée m'est venue alors que je voyais une pote de façon un peu plus intime. C'était du genre sexe entre amis… Comme elle fumait systématiquement après avoir fait l'amour, ça m'est resté et j'ai choisi de garder ce nom.

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Tu le prends mal si quelqu'un fume avant de faire l'amour, désormais ?
[Rires] Non non, ça me va aussi !

Puisqu'on parle de sexe, est-ce que tu peux me dire quel est ton rapport à l'amour ?
Pour moi, l'amour, c'est juste le sentiment le plus intense que l'on peut connaître. Il peut procurer une joie immense comme la peine la plus forte que vous pourrez expérimenter. C'est dans cette optique que j'ai composé ce disque. Je voulais qu'il accompagne les personnes qui ont connu des peines de cœur, comme celles pour qui tout va bien en amour. Je peux me tromper, mais j'ai l'impression qu'il n'y a pas tant d'albums que ça qui traitent ce sujet de bout en bout. Là, pour le coup, je n'ai fait aucun écart.

C'était important de composer un album plus long que les deux derniers ? Ou tu as simplement compris que c'était le meilleur moyen de gagner de l'argent grâce au streaming ?
[Rires] Non, c'est juste que c'était important pour moi d'aller plus loin dans ma démarche, de me prouver que j'étais moi aussi capable d'enregistrer un vrai album de pop romantique, comme Mazzy Star ou Cocteau Twins ont pu le faire. C'est venu de façon très naturelle, comme un aboutissement après plusieurs publications.

Tu penses que tes précédents EPs n'étaient pas aboutis ?
Si, bien sûr. Mais j'ai également conscience de la nécessité de se renouveler pour ne lasser l'auditeur. Cet album est très proche de ce que j'ai pu faire par le passé, que ce soit sur « Affection » ou autre, mais j'avais besoin de pousser les choses encore plus loin, aussi loin que je le pouvais. J'ai l'impression de mieux gérer certains sentiments avec le temps, et ça se ressent sans doute à l'écoute de mes nouveaux morceaux. Les textes bénéficient probablement de plus de distance, ils sont moins directs, moins frontaux. Un peu comme mes dernières relations, d'ailleurs. C'est difficile de s'investir à fond dans une relation quand on est en permanence sur la route. On apprend à gérer ce détachement, cette distance.

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Un de tes morceaux s'appelle « John Wayne » et je sais que tu es très influencé par le cinéma. Ça ne te dérange pas que l'on compare souvent tes morceaux à ceux réalisés par Angelo Badalementi pour les BO de David Lynch ?
C'est vrai que j'ai lu ça à plusieurs reprises. Forcément, ça me flatte. D'autant que David Lynch fait partie de mes cinéastes favoris et que j'aime beaucoup écouter les bandes-originales, que ce soit celles des films de Kubrick ou certains morceaux des Chariots de feu ou de Barry Lindon. J'aime cette façon d'arranger des compositions que l'on n'entend que peu ailleurs. C'est aussi pour ça qu'une bande-son comme Final Fantasy VI, celle de Nobuo Uematsu, me fascine encore aujourd'hui.

Tu aimerais composer une bande-originale ?
Oh oui, ce serait l'un des rêves de ma vie. Mais plus pour quelque chose d'un peu surréel, pas forcément pour une romance. Tu sais, j'aime les ambiances assez lentes, planantes, finalement plus proches de ce que l'on peut trouver dans le cinéma français ou italien que dans les films américains. Il me faudrait un bel objet esthétique, en quelque sorte.

Perso, je trouve que ta musique ressemble parfois à celle de Galaxie 500. Tu connais ?
Oui, bien sûr, et c'est super cool d'être comparé à un tel groupe. C'est une vraie influence chez moi, que l'on remarque généralement peu… Pour tout te dire, j'adore l'album On Fire, il m'a souvent accompagné en hiver.

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J'ai lu aussi que tu aimais beaucoup Françoise Hardy. Pourquoi ?
[Rires] À la façon dont tu poses cette question, on dirait que ça te déçoit…

Non non, du tout. Je veux juste savoir d'où vient cette passion.
Oh, elle est apparut de façon naturelle. J'ai entendu « Où va la chance » un jour et ça été le coup de foudre. J'ai découvert le reste de sa discographie et, selon moi, ses premiers albums ont fait d'elle l'artiste romantique par excellence. C'est celle que je préfère en tout cas. Elle a même collaboré avec Blur, c'est dire à quel point elle fascine.

Tu connais d'autres artistes français ?
Oui, dans des styles très différents, d'ailleurs. Ça va d'Erik Satie, mon compositeur préféré, et de loin, à un mec comme Serge Gainsbourg. Je ne connais pas forcément les artistes actuels, mais ces mecs-là me fascinent. Par leur talent, mais aussi par leur popularité.

Tu es pas mal de ce point de vue là, également. Je crois que « Nothing's Gonna Hurt You Baby » a dépassé les 40 millions de vues sur YouTube… C'est quelque chose que tu prends en compte ?
YouTube a clairement fait la différence. En 2012, quand tout a commencé à se concrétiser, personne ne faisait attention à notre musique. Par contre, ça m'a rapidement permis d'établir un lien avec ceux qui nous écoutaient. Il m'arrivait de recevoir des mails d'auditeurs me disant à quel point mes morceaux avaient changé leur vie. Ça m'a touché et ça a surtout motivés certaines de ces personnes à mettre mes morceaux sur YouTube, ce que je n'avais jamais réellement fait… « Affection » a tout déclenché, et le reste suit le même rythme depuis. C'est assez dingue, je ne suis même pas capable de te l'expliquer.

Tu penses que le buzz peut durer encore longtemps ?
Je ne suis pas le mieux placé pour répondre à ça. Ce qui est sûr, c'est que je rencontre des admirateurs venus de tous les pays du monde et que je continuerai ce que je fais quoiqu'il arrive. Le plus dur, finalement, c'est de devoir élever en permanence le niveau. Ce succès sur le web m'a rendu encore plus pointilleux, c'est devenu difficile d'être satisfait après un tel succès. Le premier album de Cigarettes After Sex est sorti le vendredi 9 juin sur Partisan Records.