Comme le résumait David Foster Wallace dans son remarquable essai Shipping Out : « Il y a dans une Croisière Luxe ciblant le marché de masse quelque chose d'insupportablement triste. » C'est un fait : tout le monde est déprimé à l'idée de voir des personnes âgées excessivement riches se faire choyer par des êtres formés pour répondre à chacun de leurs caprices. Mais qu'en pensent ces derniers, justement ?
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À l'instar de celui des invités, le quotidien des employés de croisières de luxe a quelque chose d'irréel – tous évoluent dans un monde fait de promiscuité, d'alcool à volonté et de débauches en tous genres. « Les invités pensent être des fêtards invétérés », remarque Garrett*, qui a officié sur des croisières de luxe pendant sept ans pour le compte d'une compagnie dont il préfère taire le nom. « Ils n'ont aucune idée de ce qu'il se passe chez nous. On pourrait comparer ça à un internat : chaque employé se pointe au boulot avec la gueule de bois et se moque des invités dès qu'il en a l'occasion. Mais ce qui m'a vraiment frappé, c'est le fait que tout le monde couche avec tout le monde. Et le lendemain, tout le monde agit comme s'il ne s'était rien passé. »Aux États-Unis, le marché des croisières représente 38 milliards de dollars par an et près de 314 000 employés. L'année dernière, environ 574 000 Français ont embarqué sur un paquebot. Pour en savoir plus sur les coulisses de ces séjours placés sous le signe de l'absurdité de la condition humaine, on a demandé à des employés de nous livrer leurs pires souvenirs.On venait de me désigner un nouveau colocataire qui officiait en tant qu'ingénieur du son sur le bateau – et j'étais plutôt content, puisque son rôle à responsabilités impliquait que je déménage dans une plus grande cabine. Quand on a installé nos affaires, il m'a dit : « Hey, ma fiancée va venir le mois prochain. Ça t'embête pas qu'elle reste dormir quelques nuits ? » Bien entendu, j'ai dit oui – et il m'a gentiment dit que mes invités seraient aussi les bienvenus. Le soir même, on est allés boire des coups au bar. Quand je suis revenu dans la cabine, il y avait une employée du casino dans son lit. Sur le coup, je me suis dit que ça ne me regardait absolument pas. Sauf qu'elle est revenue le lendemain, puis le surlendemain, et a passé presque trois semaines chez nous. J'imagine qu'ils pensaient être discrets et que j'étais déjà endormi. Dans un premier temps, je n'ai rien dit.Puis un soir, j'en ai eu marre. J'essayais de dormir, comme d'habitude, quand je l'ai entendue dire : « Frappe-moi. » Mon coloc a décliné, mais elle a insisté. « Allez, frappe-moi. J'aime ça. » Il a fini par céder et lui donner une toute petite claque. Elle a renchéri : « Non. Frappe-moi plus fort. » Il se sentait clairement de plus en plus mal à l'aise. « Allez, frappe-moi vraiment. » « Non, je n'ai pas envie. » « Si, frappe-moi ! » « J'ai vraiment, vraiment pas envie. » « Allez. » Excédé, j'ai fini par hurler : « MAIS FRAPPE-LA PUTAIN ! »
Norm, 31 ans, machiniste
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Je les ai entendus gigoter puis ils ont fait semblant de dormir. La semaine suivante, la fiancée de mon coloc est arrivée. Et je n'ai jamais abordé le sujet.
Garrett, 25 ans, secouriste
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