« Paris is burning ». La chaîne américaine Fox News n’y est pas allée de main morte pour décrire les débordements liés aux manifestations dite des « gilets jaunes » dans la capitale. Durant le week-end, la police a procédé à près de 400 interpellations en rapport avec les affrontements et les dégradations de l’ouest parisien. La justice a voulu aller vite : les premiers interpellés ont été jugés en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Paris lundi et mardi. Pour la plupart, les accusés sont des provinciaux aux casiers judiciaires vierges, montés à Paris pour manifester, et pris par la patrouille pour un pavé lancé ou un barrage outrepassé.
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Un avocat résume le sentiment global de ces audiences précipitées : « On a l’impression que l’on a pas les bonnes personnes, mais plutôt des gens qui se trouvaient là avec un bonnet ou une écharpe qui laissent à penser qu’ils seraient impliqués. » En ressort l’impression étrange que la plupart des accusés jugés lundi et mardi étaient surtout des opportunistes, profitant souvent du chaos pour commettre pour la première fois des délits plus ou moins graves. La plupart de ces gilets jaunes s’en sortent avec de peines de sursis. On en a tout de même retenu quelques histoires marquantes.Antoine a 28 ans. Ce barbu au physique filiforme et aux cheveux frisés très noirs, semble regretter d’être venu à Paris derrière ses larges lunettes rondes. Ce ne sera pas le dernier à se faire la réflexion. Samedi 1er décembre, ce Bordelais raconte qu’il attend patiemment dans une rue adjacente vers le plateau de l’Étoile, aux alentours de 19 heures. En contrôlant Antoine, on trouve sur lui un pavé assez imposant – « enroulé autour d’une écharpe au fond de mon sac », précisera-t-il – mais aussi près de 7 grammes de coke et 662 euros en liquide. Pour justifier la quantité de coke, il invoque sa « consommation personnelle ». Pour le liquide, c’est à cause de sa « carte qui a été avalée la veille ». « Que faisiez-vous ici à ce moment-là », demande la présidente. « Je suis venu manifester pour l’égalité mondiale », répond avec engagement l’accusé.Il se lance ensuite dans une diatribe politique inattendue : « Madame, on ne peut pas gagner des millions au foot et voir les gens crever de faim à côté ». La présidente exprime des doutes quant à son utilisation du pavé. L’avait-il à la main ? « Regardez les caméras », propose Antoine. « Les caméras, beaucoup ont été détruites samedi monsieur », cingle la présidente. À l’image de beaucoup de « gilets jaunes », Antoine jouit d’un train de vie assez faible. Il loge seul dans un T2 en province. Dispose d’une formation de menuisier, touche le chômage. Mille euros d’allocations qui lui permettent, selon son propre aveu, de consommer près d’« un gramme » de cocaïne par jour. Il écopera de quelques mois de sursis et d’une interdiction temporaire de se rendre à Paris. Avant un dernier avertissement de la présidente : « Ne venez pas tenter le diable samedi prochain. »
Celui qui avait un pavé et 7 grammes de coke sur lui
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Celui qui avait deux pétards
Celui qui venait « prendre des photos » armé d’un couteau
« Voyez, je ne pouvais pas utiliser mon couteau directement, car ma veste était fermée. »
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Mais il y a un hic : Kevin portait un couteau coincé entre sa ceinture et son pantalon. « Une habitude », justifie-t-il. Ce conseiller-vente en menuiserie jouit d’une situation professionnelle stable à Paris. Il est cependant décrit comme « fragile psychologiquement » par l’un de ses collègues depuis un accident de travail qui lui a fait perdre un doigt. En guise de dernier mot, il ouvre sa large doudoune noire : « Voyez, je ne pouvais pas utiliser mon couteau directement, car ma veste était fermée, si j’avais voulu l’utiliser, il aurait fallu l’ouvrir comme ça. Mais là, j’avais froid. » Un léger frisson parcourt la salle.
Celui qui voulait « juste ramener un pavé en souvenir »
Au fur et à mesure de la journée, les circonstances d’interpellations des « gilets jaunes » se montreront de plus en plus improbables. Vers 1 heures du matin, après une journée de manifestation harassante, Bryan cherche sa voiture près de la place de l’Étoile. Un long trajet l’attend : habitant d’une petite ville ardéchoise, il doit retourner à son travail d’intérimaire dans une usine. Mais sa tenue et sa démarche interrogent des policiers en patrouille dans le secteur. Un peu hagard, Bryan tient une bouteille de whisky d’une main, et maintient le pavé dissimulé sous sa parka de l’autre. Il possède également un gilet jaune et une paire de lunettes de ski. Les policiers qui l’interpellent mentionnent qu’il « sent très fort le gaz lacrymogène ». Ses gants ont une odeur de « fumée de combustion ». Dans le box, l’accusé agite ses dreadlocks. Il a réponse à tout. Il indique d’abord avoir voulu ramener le pavé « en souvenir ». « Ma grand-mère a fait pareil en 1986 ». Pour les gants, il admet avoir « ramassé des bonbonnes de gaz », mais c’était simplement « pour les éteindre dans des flaques d’eau ». Bryan a (une fois de plus) un casier vierge. Son avocat justifie sa présence : « Il voulait simplement manifester contre la précarisation et le risque de subir une violence sociale ».
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Celui qui comptait faire ses achats de Noël
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Celui qui a jeté un œuf
Celui qui avait un marteau et un burin, sans trop savoir pourquoi
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