Cuisiner avec le seul cuistot black metal végétarien

OK, je le reconnais – depuis le scandale de la viande de cheval, j’ai déjà songé à devenir végétarien. Non pas que je sois contre la viande de cheval, mais je préfère jouer la carte de la sûreté au cas ou le hachis parmentier que je m’achète toutes les semaines venait à contenir de malencontreux morceaux de chair humaine. Le problème, c’est que je considère la bouffe végétarienne de la même manière que je considère les burgers de marque Charal ou la bouillie pour bébé : des trucs dégueulasses que d’autres êtres humains mangent pour des raisons qui m’échappent. Vous imaginez donc ma stupéfaction quand je suis tombé sur un cuisinier adepte de black metal et – comme si ça ne suffisait pas – végétarien.

Ça fait quelques années que Brian Manowitz a transformé sa cuisine en donjon médiéval ; il se couvre de peinture corporelle et enfile sa plus belle armure pour son émission de cuisine végétarienne mensuelle sur YouTube. Il a jusqu’à présent tourné 12 épisodes, gribouillé des pentagrammes sur ses plans de travail, et c’est sur un fond sonore uniquement composé de black metal (enregistré par ses soins) qu’il nous livre ses recettes maléfiques. Je l’ai appelé pour savoir si le fait d’être végétarien représentait un obstacle au règne de Satan sur le monde.

VICE : Hey Brian, pourquoi avoir choisi le black metal pour accompagner tes émissions de cuisine végétarienne ?
Brian : Ah ! Eh bien honnêtement, c’est juste pour allier mes deux passions. J’ai un groupe de black metal que je vais relancer cette année et qui s’appelle Forever Dawn. Le black metal c’est mon truc, et puis, j’avais envie de faire une émission de cuisine qui donne envie d’être regardée.

Tu insinues que les émissions de cuisine classiques sont systématiquement nulles à chier ?
Exactement. Ça fait un bout de temps que je cuisine – et plus encore que je suis musicien. Je cuisine depuis que je suis devenu végétarien, ça fait 14 ans. Quand j’ai appris à faire la bouffe, je me suis dit, « mec, c’est la meilleure bouffe du monde, tout le monde devrait savoir faire ça ! » Et quand m’est venue l’idée d’en faire une émission sur le net, j’ai pensé, « mec, ce sera foutrement chiant. Les émissions de cuisine me donnent toutes envie de pioncer. » C’est comme ça que mon idée de combiner cuisine et black metal est née. C’était aussi à l’époque où je pondais des plats et des morceaux pas trop mauvais – du coup je me suis lancé.

Pour toi le végétarisme relève du choix moral ou c’est une question de santé ?
Plus tu t’investis, et plus tu as à gagner. C’est d’abord un choix moral ; je suis contre l’exploitation des animaux, comme beaucoup de gens. Dans l’industrie animale, la mort des animaux est sûrement le meilleur moment de leur triste existence – qui se résume à une longue torture. La plupart des gens ne réalisent pas à quel point ce qu’ils vivent est monstrueux. Heureusement, c’est simple de ne pas y participer. Et puis, même d’un point de vue environnemental : ils injectent un taux considérable d’hormones et d’antibiotiques aux animaux et la nourriture pour les faire grossir est peu rentable quand on voit ce que l’on tire d’eux – les entreprises ne détruisent pas les forêts tropicales pour nourrir les hommes, mais pour nourrir les animaux !

C’est vrai. Le truc relou, c’est que la plupart des végétariens que j’ai rencontrés sont d’insupportables moralisateurs incapables de faire une blague.
Oui. Les gens savent ça, mais tu ne peux pas leur dire ce qu’ils ne doivent pas faire, il faut leur dire quoi faire. C’est un mode opératoire bien plus efficace. Les gens doivent se nourrir, donc ils ont besoin de bouffe mais on doit leur montrer quelle bouffe.

Ça te prend combien de temps pour réaliser et monter une vidéo ?
Ça me prend au moins un mois, parfois plus. L’enregistrement vidéo ne prend qu’une nuit, mais filmer le processus de cuisine prend bien plus de temps que la cuisine en elle-même. Le simple fait d’endosser l’armure et de se maquiller me prend une heure et demi, voire deux ! La post-prod s’étend sur genre, une semaine, et la création de la bande sonore prend plus de trois semaines. En plus de tous les trucs à changer ci et là.

Tu t’occupes de la musique dans son intégralité ?
Ouais, je fais tout. Sauf la batterie, qui est préenregistrée.

C’est une vraie côte de maille que tu portes dans les vidéos ?
Tout à fait, et c’est super lourd. L’armurerie est poncée avec un revêtement métallique qui la rend encore plus belle.

OK. C’est vrai cette histoire selon laquelle tu prévoirais de faire un truc avec MTV ?
C’était y’a longtemps, quand la première vidéo est sortie… Pour faire bref, quelques trucs n’ont pas marché entre nous, donc ça ne s’est pas fait.

Merde. C’est quoi l’alternative végétarienne au fameux sacrifice d’agneau ?
Ah, ah ! Les végétariens peuvent être en communion directe avec Satan, sans avoir à tuer de pauvres chèvres pour ça.

D’ailleurs, comment a réagi la communauté black metal à ton émission ? Ils t’ont supporté, ou est-ce qu’ils te haïssent aujourd’hui ?
Si quiconque de la communauté black metal se mettait à supporter quelque chose – dans ce monde ou dans l’autre, et surtout un autre groupe de black metal – alors il ne ferait pas vraiment partie de la communauté. Plus ils continueront de tout détester, mieux ils se porteront.

Ouais. Tu as dit que le pentagramme gravé sur ton plan de travail était essentiel pour « gorger tes plats de l’essence de Satan ». Ça veut dire quoi ?
C’est hyper bon.

C’est tout ? L’essence de Satan est simplement « bonne » ?
Ouais, tu devrais essayer, c’est super bon.

OK. Certaines rumeurs disent que lorsque Dead, le premier chanteur de Mayhem s’est suicidé, Euronymous aurait mangé un bout de sa cervelle. Dans ce genre de situations, tu aurais fais la même chose ou ton végétarisme aurait pris le dessus sur ton amour pour le black metal ?
Ah, ah ! C’est une bonne question. J’aurais sans doute trouvé ça marrant. La seule manière de le savoir, c’est d’être mis devant le fait accompli. Ce n’est pas le genre de truc auquel je réfléchis, mais je pourrais céder.

Blague a part, c’est une vraie question – tes principes reposent principalement sur les conditions des animaux et celles de l’environnement ; bouffer la cervelle de quelqu’un qui vient de se tuer, c’est OK non ?
Mmh, ça relèverait plus de la morale pour être franc.

C’est ce qu’il me semblait. Je me demandais aussi, en Norvège, les mecs du black metal sont connus pour avoir incendié de vieilles églises en bois. T’as déjà voulu brûler un abattoir ou un truc du genre ?
Parfois t’en as envie mais malheureusement, peu importe le nombre d’abattoirs ou d’églises que tu brûleras, non seulement les assurances vont payer, mais d’autres seront reconstruites, plus vite, et en plus grand nombre. Je préfèrerais brûler l’âme et le cœur des gens.

Si tu devais brûler un bâtiment ayant sa part de responsabilité dans la torture animale – un fast-food, une usine de fourrure ou que sais-je – ce serait quoi ?
Ah, ah. Cette question est compliquée, je ne sais pas. Une part de moi aimerait toutes les brûler, mais l’autre partie, plus rationnelle, voudrait empêcher quiconque d’y aller pour qu’ils se foutent le feu eux-mêmes.

Bien dit. Bonne chance, Brian !

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