Comment j'ai accepté ma sexsomnie
Photo: Kayla Kandrozza/Flickr

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Comment j'ai accepté ma sexsomnie

Au fil du temps, les choses s'arrangent. Au moins pour moi et ma femme.

Stephen Klinck est un écrivain basé à New York. En 2014, il avait écrit un article pour Motherboard concernant la sexsomnie, une maladie rare dont souffre Stephen et qui pousse ceux qui en sont atteints à avoir des comportements sexuels pendant leur sommeil. Nous avons voulu savoir où en était Stephen.

Je n'en avais jamais entendu parler. Je ne savais même pas que ça existait, et encore moins que c'était un authentique diagnostic médical. Je savais seulement qu'il m'arrivait parfois de me montrer un peu tactile, voire entreprenant, avec ma femme alors que je dormais profondément. Ce qui n'est clairement pas normal. Mais mon sommeil ne l'a jamais été.

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Ce n'était que le dernier développement d'une longue liste de problèmes dont j'ai dû m'accommoder au fil du temps. Avant ça, j'avais eu quelques épisodes de somnambulisme, des terreurs nocturnes, et des crises d'insomnie. Mais contrairement à mes autres problèmes de sommeil, ma tendance à tripoter ma partenaire pendant la nuit était plus complexe que véritablement inquiétante.

Ma femme connaît bien mes troubles du sommeil. Le plus souvent, elle accueillait avec bienveillance mes tentatives de séduction pour le moins maladroites, étant à moitié assoupie elle-même, et nous nous laissions aller à quelques câlins. Parfois, il lui arrivait d'être simplement amusée, peut-être même un peu agacée, et elle déclinait mes avances ; nous nous en tenions alors là. Nous en riions souvent le lendemain matin. Au final, nous avons même fini par partager l'absurdité de cette situation avec nos amis, qui en riaient aussi. L'un d'entre eux identifia même le problème, et lança le terme « sexsomnie ».

« Sexsomnie ». Ça ressemblait un peu trop à un mot à la mode, une tendance du moment. C'était un peu trop parfait, trop accrocheur. Et pourtant, malgré cela, c'est un diagnostic bien réel, qui désigne un comportement sexuel survenant durant le sommeil. Cela peut aller d'une simple main baladeuse à un rapport sexuel complet, et peut tout à fait pourrir une relation jusqu'au divorce ou à la plainte pour viol.

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Inquiétant ? La question ne se posait même pas.

Depuis mon premier article, je ressens quelque chose d'inédit après une crise : la honte

Je suis donc allé voir un médecin, qui m'a recommandé de faire une étude du sommeil. Drôle de monde que le nôtre, où l'on étudie sa propre vie pour tenter d'y comprendre quelque chose. Mais je me suis servi de mes visites chez le médecin et de cette fameuse étude du sommeil pour en apprendre davantage sur la sexsomnie, à la fois pour moi mais aussi pour ceux qui m'entourent. Et j'ai fini par tirer un article de mes recherches.

Pour faire simple, un épisode de sexsomnie résulte de signaux électriques défectueux à l'intérieur du cerveau. Quand vous dormez, votre cortex préfrontal se met en veille. En gros, c'est la partie du cerveau qui se charge de prendre des décisions et de déterminer si une action est bonne ou mauvaise. Ailleurs, au plus profond du cerveau, on trouve le réseau locomoteur spinal, qui gère les comportements les plus primaux nécessaires à la survie : fuir ou se battre, manger, et évidemment, le sexe.

Il est intéressant de noter que ce réseau locomoteur spinal se trouve très près de la région du cerveau qui contrôle les fonctions de sommeil et d'éveil. Et comme on peut s'y attendre, c'est de là que vient le problème. Pour une personne sujette à la sexsomnie, il suffit d'être dérangé pendant une phase de sommeil profond pour qu'un signal électrique supposé vous réveiller vous dise subitement qu'il est plutôt temps de procréer.

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C'est une chose de savoir comment ça marche, mais c'en est une autre encore de savoir exactement ce qui cause ce problème. C'est là que la science cale. Il faudra encore bien des études avant de savoir si la sexsomnie a une origine génétique, ou si elle est liée, par exemple, au genre. Pour l'instant, tout ce que l'on sait, c'est ce qui est susceptible de provoquer des crises.

Outre le fait de souffrir de somnambulisme, de terreurs nocturnes ou d'autres types de parasomnies, on sait que trois autres facteurs favorisent les crises de sexsomnie. Le manque de sommeil en fait partie. Vous avez plus de chances de dormir d'un sommeil profond, et d'en être réveillé brutalement, quand vous manquez de sommeil. L'alcool est un autre facteur. C'est l'une des causes majeures de troubles du sommeil. Et le dernier facteur majeur, c'est le stress, sans doute le plus difficile à éviter. Mais je me suis aperçu que si j'arrivais à maîtriser ces facteurs, mes crises de sexsomnie tendaient à disparaître.

Après mon étude du sommeil, mon médecin m'a aussi prescrit du Klonopin. Le Klonopin est un sédatif anxiolytique connu pour traiter les problèmes de sexsomnie dans 70% des cas. Mais je ne l'ai pas pris. Je suis toujours méfiant envers les médicaments, surtout quand il s'agit d'un sédatif que je devrais théoriquement prendre tous les jours sans savoir jusqu'à quand. J'ai fait quelques recherches concernant le Klonopin sur Google, et visiblement, de très nombreuses personnes ont eu une expérience très positive avec ce genre de médicaments et ont été soulagées de leurs problèmes. Mais j'ai choisi un autre chemin.

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Au lieu de prendre des médicaments, j'ai préféré prendre du temps pour méditer et faire du sport afin de combattre le stress. J'ai réduit ma consommation d'alcool, ne buvant que pour des occasions particulières. J'ai aussi fait en sorte de dormir sept à huit heures par nuit, comme recommandé, ce qui n'était pas simple pour quelqu'un comme moi. Puis je me suis attaqué à mon hygiène du sommeil. C'est une manière un peu ampoulée d'évaluer dans quelle mesure votre sommeil est tranquille et non perturbé par la technologie. Par exemple, la pire chose à faire, c'est de garder votre téléphone près de votre lit, ou d'avoir une télé dans votre chambre. Pour ma part, j'ai banni mon téléphone de la pièce, mais je n'ai pas encore réussi à renoncer à ma télé. Tout comme la recherche sur la sexsomnie, je progresse lentement. Mais je progresse quand même.

Photo: Shutterstock

Cela fait officiellement un an et quatre mois que j'ai écrit pour la première fois sur ma sexsomnie. Depuis, je peux compter mes crises sur les doigts d'une main. Mais, si j'ai réussi à les éviter mieux que jamais, ma réaction à chaque crise a beaucoup changé.

C'est peut-être parce que j'en sais bien plus qu'avant sur le sujet, mais depuis mon premier article, je ressens quelque chose d'inédit après une crise : la honte. Même si je sais très bien que c'est juste une histoire de signaux électriques détraqués dans mon cerveau. Même si je sais très bien ce qui est approprié ou non quand je suis éveillé. Même si je sais pertinemment que je ne pourrai jamais éradiquer totalement mon problème. Même si je sais que je ne me suis jamais montré violent ou agressif au cours d'une de mes crises. Malgré tout cela, il reste très déconcertant d'y être sujet, surtout quand j'entends les récits des victimes et les comptes-rendus de procès, qui me font penser que ça ne devrait pas m'arriver à moi.

Moi, j'ai pu en rire avec ma femme et mes amis, mais ce n'est pas le cas de toutes les personnes atteintes de sexsomnie. Il existe actuellement de nombreux procès en cours pour tentative de viol, qui posent des questions très complexes et pourraient créer de dangereux précédents.

Hélas, il y a de bonnes chances que ce soit pour cette raison que les gens entendront parler de la sexsomnie, sauf si la science avance rapidement.