Conversation directe et détendue avec un gendarme fan de rap hardcore

FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Conversation directe et détendue avec un gendarme fan de rap hardcore

« Être insulté par Nekfeu ou Sneazzy, c'est très insultant. Leur dernière confrontation avec les forces de l'ordre, ça devait être en primaire pour l’opération permis piéton. »

En 2017, le rap a plus que jamais envahi la France et n’est plus cantonné à un public étiqueté « jeune » ou « de quartier » ou, pire, « jeune de quartier ». À peu près tout le monde en écoute ou en a écouté à une période de sa vie. Malgré cette démocratisation galopante, il reste des catégories de population ou des corps de métier où l'on imagine que le phénomène a un peu moins pris, comme par exemple dans la police et la gendarmerie. Il faut dire qu'avec les procureurs, ce sont qui ceux qui se font le plus régulièrement et le plus copieusement insulter par les rappeurs. On a donc du mal à les imaginer s’ambiancer sur le dernier Kalash Criminel. Après plusieurs mois de recherche, on en a pourtant trouvé un, qui s'est avéré être un vrai passionné doublé d'un fin connaisseur. On est allés passer un moment avec lui pour essayer de comprendre comment il était passé du côté obscur. Pour des raisons évidentes, il a souhaité rester anonyme, on lui ai donc donné, en référence à un autre gendarme célèbre, le nom de Ludovic Cruchot.

Publicité

Noisey : Commençons par le commencement : résume-moi ton parcours pro. Comment tout a basculé ?
Ludovic Cruchot : Après le Bac, j'ai fait une licence de langues. Que je n'ai pas terminée. J'ai alors passé plusieurs concours de la fonction publique. Je suis rentré en gendarmerie par la petite porte, en tant que gendarme adjoint volontaire. J'avais réussi d'autres concours, pour des postes plus importants, mais c'est le travail d' enquêteur qui m'intéressait. Ça m'a permis d'avoir une vision du métier, avec la possibilité de faire autre chose si jamais ça ne me plaisait pas. J'ai fait un an de formation, puis j'ai été affecté en brigade. Actuellement je suis chef. Toujours en brigade.

Ça consiste en quoi ?
Je vais pas rentrer dans les détails me concernant mais je peux te décrire le fonctionnement général. En brigade, le travail s' articule autour de trois grands services : le planton, celui qui est à l'accueil, répond au téléphone, reçoit les gens, prend les plaintes, etc. Ensuite, il y a les services extérieurs, qui gèrent les événements, les interventions. Ça va de la divagation d'animaux à l'homicide. La majorité des interventions sont quand même à caractère social, pour des différends familiaux - qui impliquent souvent une consommation d'alcool plus ou moins importante. Beaucoup de cambriolages et de vols à l'étalage, aussi. Et le troisième service, c'est le service de rédaction de procédures, c'est quand tu es au bureau et que tu traites tes enquêtes, qui découlent, si tu as bien suivi, des plaintes récoltées par le planton et des interventions gérées par les services extérieurs.

Publicité

Après, il y’a plein de services particuliers, plus rares, comme les services de prévention dans les écoles (contre la drogue, les dangers d'internet), des contrôles avec le véhicule radar embarqué, des transferts, des escortes, des autopsies…

Tu écoutes du rap depuis quand ?
Depuis 1998. J'ai découvert en écoutant Skyrock. Mon premier CD de rap acheté, c'était le 2 titres de Manau « La Tribu de Dana », mais sinon pour l'anecdote ma toute première écoute rap c'était IAM, « Je danse le Mia », en 1993, quand j'étais en Afrique. Il y avait alors une seule chaîne francophone, CFI, qui aurait fait passer TV5 Monde pour un gros truc de déconneurs. Le seul truc bien de cette chaîne c'était Pif & Hercule, le matin. Et ils avaient diffusé le clip de IAM. Sinon en 1998 j'aimais bien Doc Gyneco, Mc Solaar (le single « Les Temps Changent ») , Passi (« Je Zappe Et Je Mate »), Menelik (« Bye Bye »), l'album éponyme de NTM, le single de Puff Daddy pour le film Godzilla, « Come With Me ». J' avais acheté tous les CD 2 titres. J'écoutais Modern Talking aussi, pas très rap ni très street cred, mais dans la reprise d'un de leurs morceaux « You’re my heat, you’re my soul » il y avait un rappeur en carton qui faisait des couplets rap…

C'est vraiment devenu ma musique favorite en 2000, avec les albums de Neg Marrons, 113 (Princes de la ville), du Rat Luciano (Mode de vie béton style) et Disiz la Peste (Le Poisson Rouge). En rap US l'album de Dre (2001), celui d'Eminem (Marshall Mathers LP), celui de The Roots… L' album d'Outkast, dont le single « Mrs Jackson » était martelé à la radio, pour moi c'est une pierre angulaire aussi. À cette époque là, je ne connaissais le rap que par Skyrock, rien d' autre. Je ne connaissais donc pas Lunatic, 45 Scientific, La Cliqua… Par contre en 2000, à l'internat un mec nous avait fait découvrir la Scred Connexion, il avait plusieurs CD dont Scred Selexion. J'avais trouvé ça très bon.

Publicité

Tu as des artistes favoris aujourd’hui ?
En musique, à part le rap, j'adore les B.O. de film, notamment celles de Hans Zimmer, Danny Elfman, Cliff Martinez, les BO des films de Tanrantino, Carpenter, Danny Boyle…

En rap, en ce moment, j'adore Le Gouffre, seul groupe de rap « à l' ancienne/puriste » que je tolère, Virus, Joe Lucazz, Kekra, PNL mais à petite dose, Ténébreuse Musique, Zekwé Ramos, Booba dès que c'est pas de la zumba ou que Benash est absent. Casey et Ali aussi même si ils ont très peu d'actualité. Kaaris j'écoutais fidèlement jusqu’à récemment, seul trapeur que je trouvais vraiment bon.

En rap US, je suis pas trop à l' écoute du son sudiste, mais je suis en sang depuis 2012 sur la scène Drill de Chicago. Et là pour le son New-Yorkais les deux frangins Conway et Westside Gunn frappent très fort, à surveiller. Mes deux plus gros artistes US ça a été DMX et le Wu-Tang, à leur grande époque respective.

Est-ce qu'au moment de choisir définitivement ton orientation professionnelle, tu as hésité en te remémorant des phases de rap que tu connaissais par cœur et qui disaient clairement que ce métier c'est le mal ?
Non pas du tout, mais je savais bien que je pourrais pas facilement mettre en avant ma passion pour cette musique, cette culture. Ça reste quand même un art anti-Étatique, désinvolte.

Est-ce que toi même tu sens une petite contradiction entre tes goûts musicaux et la fonction que tu représentes ?
Pas vraiment, je me sens peu, voire pas du tout, visé par les lyrics anti-police du rap français. Bien souvent, déjà, ça concerne la police et pas les gendarmes. Je dis pas qu'ils sont moins bien vus que nous, mais la police est présente dans les grandes agglomérations et ils ont une délinquance très différente, plus axée sur les violences urbaines. Ensuite, je pense pas que tous les rappeurs aient subi des bavures ou aient été tabassés au cours de leur garde à vue.

Publicité

C'est facile de mettre une sorte de barrière mentale entre ce que t'écoutes et ce que tu fais, genre ça c'est mon loisir, ça c'est mon métier… ?
Oui, faut surtout pas mélanger les deux, mais c'est valable avec tous les loisirs et activités hors-professionnelles. Sinon ça devient tendu. Après, parler de rap ouvertement, il y a forcément des collègues qui ne comprendraient pas, parce qu'ils en ont une image caricaturale, celle que les grands médias véhiculent.

Est-ce qu'avec le renouvellement des générations c'est devenu un truc limite banal chez les gendarmes/policiers d'écouter du rap ?
Pour des mecs qui ont 18-25 ans, peut-être. Mais il y a rarement des passionnés. Et le rap qu'ils écoutent c'est souvent ce qui cartonne en radio : Sexion d'Assaut, Booba, Rohff, Soprano… Après, une chose assez troublante, c'est que j'ai croisé pas mal de gendarmes, certains eux-même fils de gendarmes ou policiers, qui écoutaient et connaissaient par cœur des morceaux de LIM, et pas les plus gentils : « Anti-teshmis » « Menotté » « Passe-moi » « On veut la monnaie » . Par contre, j'ai encore jamais croisé de policier ou gendarme qui connaît Alkpote ou Virus. Chez les mecs plus âgés, de 30 jusqu'à 50 ans, j'en connais qui m'ont parlé de L'école du micro d'argent et qui m' ont dit qu'ils aimaient beaucoup cet album. Un collègue haut gradé de 45 ans m'a même dit que, plus jeune, il écoutait Ministère A.M.E.R., et bien évidemment, il connaissait le morceau « Brigitte ».

Publicité

C'est facile à avouer, qu'on écoute du rap, quand on fait ce métier ?
J'ai toujours dit que j'aimais cette musique, mais les collègues ne relèvent pas. Pour beaucoup de policiers, militaires, gendarmes, la musique c'est un centre d'intérêt tertiaire, ce qui va les surprendre ce n'est pas que j'écoute du rap, c'est que j'écoute beaucoup de musique tout court. Et que j' achète des CD. B.O. de film, rap, dubstep, variété… Après y’a des mecs qui répondent « Ha ben moi j'ai toujours été fan de rock », mais quand tu leur demandes de citer des références, ça va pas plus loin que Metallica ou Linkin Park. Par contre, dans l'armée, les militaires qui sont dans les orchestres sont des gens très pointus, très cultivés musicalement, je crois qu'il faut minimum un titre de conservatoire pour pouvoir intégrer une fanfare ou un orchestre militaire. Ça m'étonnerait pas qu'on y trouve quelques fans de rap, du coup.

Est-ce qu'il t'est arrivé de tomber sur des paroles clairement anti-flics et gendarmes et d'être quand même un peu vexé ou choqué ?
Le morceau de 400 hyènes avec LIM en feat, « Sale temps pour un flic », il est sans concession, très violent. Quelques morceaux d'Ekoué aussi. Sur le morceau « Justicier » des PSY4, Soprano disait : « Dites aux gendarmes qu'ils ont le corps mais surtout le cerveau à Van Damme » - à noter qu'il vient de Plan d'Aou et qu'il n'a jamais dû être contrôlé par des gendarmes la bas.

Publicité

Un rappeur cultivé et érudit qui va faire une pique sur la police, la justice, c'est souvent mieux amené et plus vexant que si ça vient d'un trimard qui n'existe que sur YouTube. Quant je te parle d'érudit, j'entends par là Rocé, Kohndo, La Rumeur, et pas Youssoupha, Kery James ou Medine. Non pas qu'ils soient de mauvais rappeurs, mais ils sont clairement dans une posture moralisatrice.

Sinon les lyrics ou ça invite à nous tuer, à péter le champagne quand des forces de l'ordre décèdent en service, ça pour le coup c'est vraiment hardcore. Ça porte l'œil de souhaiter la mort, ils devraient faire gaffe.

Rien à voir mais j'aimerais bien un débat télévisé dans lequel Ekoué serait confronté à un représentant de Alliance ou Synergie, il y aurait de belles joutes verbales.

Quel est ton morceau anti-police préféré en tant qu'auditeur et pourquoi ? Et celui que tu détestes le plus ?
Je peux pas parler de morceau que je préfère, mais un que j'ai pas mal écouté c'est celui d'Alkpote feat La Comera qui s' appelle « Police », justement. Le refrain est bien trouvé. Le morceau de Sidi Sid « Mr l' Agent » est très lourd aussi, très brutal, même si vu son physique je doute qu'il ait été contrôlé beaucoup de fois.

Celui que je déteste le plus : le clip de Teushiland, « Issue de secours ». Dans ce clip des mecs courent après les policiers, ils les attrapent et les fracassent. Des rappeurs qui se vantent d'être des gros trafiquants, sur tout un album, je vois pas pourquoi ils se plaignent si un jour ils se font lever à 6h. Quand t'épouses ce mode de vie, tu acceptes les risques, tu viens pas chialer si tu te fais péter. Sinon fallait poursuivre les études - ou en faire tout court.

Publicité

Quel est ton regard sur les polémiques/procès entre rappeurs et police/gendarmerie ?
Il y a rarement eu des policiers qui ont déposé plainte contre des rappeurs. Ce sont généralement plutôt des personnalités politiques. Ou des têtes d' affiches des syndicats policiers. J'avais pas mal suivi le procès La Rumeur, je suis content qu'ils aient été relaxés. Mais c'était pour leur fanzine, pas vraiment pour leur rap.

Je tiens aussi à ajouter que du côté rappeurs, on assiste à une amélioration dans les rapports avec les forces de l' ordre. Rohff avait fait un selfie avec un gardien de la paix et avait relayé la photo. Black Brut avait fait ce morceau avec Zekwé, en 2010-2011, « J'avais un frère, » dans lequel il interprète un mec de cité qui devient policier. Tu écoutes les lyrics, tu sens qu'elle reflètent son vécu, son avis personnel, c'est pas que du story-telling. Récemment Worms-T a partagé une photo avec un gardien de la paix aussi, dans lequel il écrit « quand la police respecte la rue, la rue respecte la police ».

Est-ce qu'à l'inverse ton métier t'a permis de prendre du recul voire de t'amuser de certains lyrics ou clips ?
Sur certains points oui car avec le métier on acquière des connaissances, notamment sur tout ce qui est procès-pénal, après on tilte plus facilement sur les grosses ficelles de certains clips, certains morceaux. Souvent c'est la partie procès qui est la plus mal faite dans les clips ou les films, ou les entretiens avec les parquetiers, avec des dialogues des magistrats totalement surréalistes, comme le Juge ou Procureur dans « La Vengeance » qui dit à Morsay : « Vous êtes un peu Zehef comme on dit par chez vous ». Le clip de Tandem, « Le jugement », est bien foutu par contre.

Publicité

Tu t'identifies aux flics de fiction avec du rap dedans ? Genre The Shield, The Wire, Alonzo de Training Day ? Ou t'es plus Taxi ? Ou cette question n’a aucun sens pour toi ?Il n'y a aucune série à laquelle je m'identifie. Dans les séries US, j'ai quand même beaucoup d'amour pour McNulty et Kima dans The Wire, Holder dans The Killing, avec son bomber Schott miteux, qui parle aux shlags comme si de rien n' était.

Dans The Wire, une de mes scènes cultes est celle, dans la saison 1, ou un jeune flic noir, qui n'a pas un rôle très important dans la suite de la série, s'habille comme un shlag pour être undercover. Bubbles arrive et lui dit qu'on crame à kilomètres que c'est un flic. Quand je vois des fois des collègues, policiers ou gendarmes, s'habiller en pensant être incognito, je repense à cette scène. Parce que voilà, mettre un t-shirt Assassin ou Jul, en dessous du jean, avec une ceinture, c'est pas ce qu’il y a de plus crédible. Idem pour des Air Max avec les lacets qui sont faits. Zekwé disait d'ailleurs « y’a qu'un flic en vil-ci pour mettre ses lacets sur ses baskets »

En série française, Engrenages est une série magistrale, très réaliste, bien plus que Braquo par exemple. Des fois dans Engrenages il y a même des vices de procédures, qui mettent à mal des grosses enquêtes de trafic de stups, comme dans la saison 2 avec Reda Kateb qui interprète un dealeur/rappeur. C'est quelque chose qui existe aussi en vrai, et c'est la seule série qui le montre.

Publicité

D'ailleurs, à un moment, le rappeur interprété justement par Reda Kateb se faisait sucer par sa copine et envoie la vidéo sur YouTube. Je pense que Sniper a dû participer à l'écriture de cette saison…

Tu as déjà dû prendre sur toi pour éviter de parler rap avec un suspect ou un témoin ?C'est pas interdit qu'en fin d' audition je discute quelques minutes avec des gens qui écoutent du rap, mais j'ai rarement eu des grands débats là-dessus. Beaucoup écoutent ce qui passe en radio, ce qui est moderne. Je suis déjà tombé sur des jeunes qui pensaient être des grosses pointures, mais quand je leur parle des premiers sons de Ademo, de SCH, de LIM, ils se retrouvent vite en PLS et on va pas plus loin. Certains citent quand même « 92i Veyron » comme étant le meilleur son de la discographie de Booba, on n'a pas entériné la loi Simone Veil pour ça.

Après il y a certains suspects avec qui on car on ne peut pas se permettre de faire preuve de camaraderie, dans certains cas d'infractions graves, etc.

Je suis déjà tombé sur un automobiliste qui avait un billet de concert Kid Ink, il était agréablement surpris que je connaisse, on avait parlé de Nipsey Hussle, YG, TY Dolla pendant quelques minutes.

J'ai aussi déjà parlé de Keny Arkana avec des jeunes, c'étaient des filles avec les cheveux rasés sur le côté qui revenaient d'une rave-party. Des punks à chiens. Elle a un très gros publics de teufeurs, raveurs, nuques longues et d'ailleurs elle participe souvent au festival Emmaüs. Je pense que c'est pas mal dû à ses prises de position, son positionnement anti-capitaliste, l'altermondialisme, tout ça.

Publicité

Tu as déjà dû prendre sur toi pour éviter de parler rap avec des collègues qui critiquaient des artistes que tu aimes bien ?
Non, tout simplement car il n'y a aucune chance qu'ils connaissent ce que j'aime et ce que j'écoute. S’ils disent que Gims ou Jul c'est de la merde, il y a peu de chances que je me dispute avec eux. Et comme je te l'ai dit, sans être condescendant je ne trouve pas que les policiers/gendarmes/militaires soient très axés sur la musique et aient des références pointues. Plus sur le cinéma et les séries, mais là, pareil, faut pas trop taper dans l'underground. J'ai jamais croisé un mec qui connaissait The Wire par exemple, et pourtant beaucoup se disent sérievores. Après, on peut avoir des débats sur plein d'autres sujets, ça se fait tout le temps dans le respect, les policiers/gendarmes alcoolos dépressifs racistes des fictions, c'est en voie d'extinction, y’a eu des chasses aux sorcières. Soit ils ont été virés, soit mis au placard. Je pense que t’as pu remarquer par exemple qu'il y’a beaucoup moins d'obèses ou de mecs qui présentent mal. Dans la police ou la gendarmerie, il y’a beaucoup de sport et d'entretien physique, on a même des dépistages stup lors des visites médicales.

Est-ce que tes proches se montrent parfois surpris de tes goûts musicaux par rapport à ta profession ?
Oui, ça arrive, mais j' écoutais du rap bien avant d' être intéressé par ce métier. L'inverse choquerait plus je pense, genre un mec déjà policier ou gendarme qui découvrirait le rap et se mettrait à en écouter.

Il me semble que tu es plutôt porté sur le rap hardcore, qu'est-ce qui te plaît là-dedans plus qu'ailleurs ?
J'affectionne particulièrement les sons avec de l'humour, du second degré, des références télévisuelles et du namedropping de produits des années 80, 90. Et s’il y a des dépravations sexuelles ou des citations d'actrices porno célèbres, c'est encore mieux, d'où mon fanatisme pour les mecs de chez Neochrome sur la période 2005-2010. J'aime bien quand c'est nihiliste aussi, d'ou Virus, Casey et Asocial Club. Rap hardcore j'aurais du mal à donner une définition de ce style aujourd'hui, ce serait les groupes et rappeurs qui font de la trap, c'est vraiment pas ce que j' écoute, j'ai du mal. Je préfère à la limite le horrorcore, quand ça parle de tronçonner, de dépecer, de rillettes et de saucisson, des mecs comme Escobar, Neoklash, 25G, Jason Voriz.

Écouter ce genre de rap ne t’a jamais incité à enfoncer ta matraque dans des endroits non prévus à cet effet ?
Vraiment pas. [Rires] D’ailleurs je m’en suis jamais servi, je crois que y’a que les menottes à mon ceinturon qui prennent pas la poussière.

Tu sembles passionné. Si demain tu avais l'opportunité de bosser dans le milieu du rap, tu plaquerais ton taf pour te lancer là-dedans ou pas du tout ?
Absolument pas, pour moi ce milieu là est trop casse-gueule, d'ailleurs ce serait se tirer une balle dans le pied, sachant que beaucoup de mecs qui travaillent dedans disent qu'ils ont un taff à côté car le rap ne paie pas. Déjà, il faudrait que je sois fort dans une discipline et ce n'est pas le cas. Et je suis très bien dans mon métier, je n'en suis qu'au début de ma carrière j'ai un éventail de perspectives important. Mais faire du beatmaking c'est un truc qui me tenterait, même si je pense que je manque de patience et que ça me saoulerait vite. Si j'en faisais, ce serait à base de samples de films, de jeux vidéos, avec des inserts de dialogues bien gras, comme on trouve un peu chez Hits Alive ou certaines prods des Inédits de La Rumeur.

Qu'est-ce qui est le plus insultant pour la profession : la saga du gendarme de Saint Tropez ou LIM ?
[Rires] Ni l'un ni l' autre ! Je dirais plutôt Corinne Touzet dans Une femme d'honneur et Section de recherches avec Jean-Pascal, qui sont des séries complémentent pétées. En rap sinon, certains lyrics anti-flics de Nekfeu ou de Sneazzy, être insulté par eux c'est très insultant. Leur dernière confrontation avec les forces de l'ordre, ça devait être en primaire pour l’opération permis piéton.

Ta playlist du moment ?
Freebase 1, Freebase 2, Vréel, presque tout Kekra en fait, que je pourrais écouter même en patrouille, c'est de la musique nocturne, des vrais hymnes à la ride. En US : G Herbo, Young Thug, Gucci Mane, Gunplay, Kevin Gates, Moneybagg Yo, Lil Uzi Vert et XXXTentacion.

Sinon j' ai un mot de la fin : facilitez le travail des forces de l'ordre, remettez leur spontanément vos bouts, pensez à nos primes au mérite. Et quand vous tentez de vous barrer avec vos YZ, maitrisez, pilotez, évitez de vous planter en faisant des roues arrière, sinon ça nous fait une procédure d'accident à traiter et ça c'est vraiment chiant. Ah et aussi : j'aurais aimé être le policier en charge de la garde à vue de Freddie Gibbs, pour lui dire que ESGN est meilleur que Shadow Of A Doubt, mais bon, le seul rappeur que j'ai pu croiser au taf c'est un mec qui fait du rap à chichas. Une star locale. Je peux pas t'en dire plus. Yérim restera muet comme une tombe sur Twitter.