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Musique

Le rock garage comme plateforme pour le féminisme

Les membres de Tendre nous parlent de relations malsaines et de maladies mentales.
Photo: Yann Jobin

Arrivé en avril dernier avec le (très bon) EP Billets doux, le groupe Tendre s'est rapidement affirmé comme une plateforme libératrice pour traiter de féminisme et de santé mentale avec un rock garage émancipant et éclatant. Le quatuor composé de Laurie Beaulieu, Lilah Mercader, Samuel Larochelle-Audet (alias Larlo) et Charles Smith, transcende, à quelque part, la part punk de Corbeau. Le groupe s'affaire déjà à enregistrer un premier album complet.

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Au début, Laurie (à la guitare) et Lilah (à la basse) façonnaient des morceaux en anglais aux influences post-punk et riot grrrl, depuis le local de Samuel dans l'ancien Marsonic, un endroit qui a laissé sa marque sur le son du groupe : « On était entouré de bands métal, fait qu'on jouait fort, pis après ça on crissait notre camp. »

Nourries par le discours de la nécessité d'une plus grande présence féminine dans le boys club du rock alternatif, elles assumaient toutefois qu'il serait difficile de former un groupe 100 % féminin dans la direction esquissée. Samuel (que Laurie accompagnait déjà dans son projet solo, Saam) s'est mis à jouer avec elles afin de « pratiquer sa guit ». « Dans le fond, tranche Lilah, on a pris Sam dans le band parce qu'il avait un local de pratique pis un char. » Puis est arrivé Charles, aux tambours. Et comme Sam s'épivardait de plus en plus à la guitare, Laurie a délaissé l'instrument pour ne s'occuper que de la voix, alignant ainsi deux vecteurs de l'enveloppante théâtralité intrinsèque de Tendre.

VICE : La fibre féministe du projet, c'était là dès le départ?
Laurie Beaulieu : On était féministes dès le départ; on voulait jouer de la musique, et c'était important pour nous d'être présentes comme femmes sur la scène. Lilah Mercader : D'être le modèle qu'on avait de la difficulté à trouver.

L.B. : Notre position se reflète aussi dans le booking; on tient à ce que les groupes avec lesquels on joue comptent au moins une fille dans leurs rangs.

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L. M. : Moi, je suis inspirée par ce que Laurie représente : c'est une fille qui prend de la place, qui est loud – je suis contente qu'elle soit là.

L.B. : Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Je pensais pas que c'était ça qu'on attendait de moi. Le premier déclic, le premier modèle en show, ç'a été Duchess Says. C'est ce qui m'a légitimisée, c'est là que je me suis dit : « C'est ça que j'ai le goût de faire. » Cette année, aux Francos, quand, tout le groupe ensemble, on est allés voir Fishbach, ça a eu le même effet. Y a aussi eu Marjo. Pis même… Céline Dion! Aaaaah! L. M. : Crie pas comme ça après avoir dit Céline Dion.

Bien que la langue échoue à fournir une traduction appropriée de empowering, quelques figures sont là, affirmées, fortifiantes. Dans le mouvement naturel de la formation, si chacune et chacun touche et retouche un peu à tout, c'est finalement Samuel et Charles qui prennent en charge une bonne part des compositions, pendant que Laurie et Lilah planchent davantage sur les textes.

Le féminisme fait partie des thèmes centraux des textes. Vous y traitez aussi des troubles mentaux. L. B. : Pour l'EP, c'était plus cru : les textes étaient écrits au je de faits vécus, on traitait des rôles dans les relations, des relations malsaines, et de la façon dont les maladies mentales peuvent les affecter. Petites manies, c'est à propos du trouble obsessionnel compulsif (TOC), de la tension qu'on peut retrouver dans un couple quand une personne est atteinte et qu'elle a de la difficulté à gérer l'intimité. L'image qui te côtoie, ça parle de la guerre que tu as avec toi-même dans une relation sentimentale quand tu es atteint d'un trouble de la personnalité ou de l'estime de soi. C'étaient plus des symptômes, des intuitions, des pensées tirées de situations quotidiennes. L. M. : Pour moi, les thèmes se reflètent aussi dans la musique. C'est intense et émotif. L. B. : Sur l'album qu'on est en train d'enregistrer, on parle plus d'être une femme, de se faire entendre; c'est un « je » plus abstrait, les termes sont plus lousses. C'est plus dans le moment présent, une émotion forte vécue par la personne qui chante, plus dans l'incarnation que dans l'explication. C'est plus théâtral. Samuel Larochelle-Audet : Les maladies mentales, c'est insidieux, c'est rare que ça puisse être un sujet casual, et ça fait que les choses simples des relations deviennent complexes. On essaie de valider des situations. L. B. : Si tu lis entre les lignes et que tu es atteint, tu vas comprendre. On en parle parce que ce sont des choses qui nous habitent, mais sans faire un cas avec ça. Charles Smith : On habite notre musique et nos paroles. C'est une grosse catharsis sale. L. B. : Dans le fond, on est un therapy group! Un safe space! [rires] Tendre planche sur un premier album depuis le début de juillet; la parution est prévue pour le début de l'année prochaine. Benoit Poirier, lui, évolue entre tendresse et tendreté. Il est sur Twitter .