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Music

Tenacious D sera toujours là pour vous emmerder

Jack Black nous parle de bides, de succès et de la raison pour laquelle il faut toujours maltraiter son public.

« Est-ce qu’on aurait pu un jour imaginer remporter le succès qu’on connaît aujourd’hui ? J’ai bien peur de devoir te répondre par l’affirmative. » Evidemment, Jack Black déconne un peu — c'est Jack Black, après tout — mais pas tant que ça. Parce que si Tenacious D., le duo qu'il forme avec son acolyte Kyle Gass, a pu devenir une véritable institution dans le monde de la comedy music, c'est grâce à cette énergie, cette assurance et cet aplomb. Tout au long de son parcours, débuté il y a 20 ans, le duo auto-proclamé « meilleur groupe sur Terre », a sorti une quantité astronomique de tubes, de « Tribute », à « Kickapoo », en passant par « Low Hangin’ Fruit » et « Fuck her Gently ». Le 10 octobre prochain, Tenacious D célébrera au Shrine Expo Hall & Grounds de Los Angeles la troisième édition de son festival annuel dédié à la musique et à la comédie, le Festival Supreme, avec une programmation sélectionnée par Back et Gass. L'occasion de croiser aussi bien Amy Poehler que Die Antwoord, The Kids in The Hall que Andrew W.K. Il sera également possible de se marier durant le festival, parce que hey, après tout, pourquoi pas ? J’ai appelé Jack Black pour lui parler du festival à venir, des bides qu’ils avaient vécus sur scène et de ce que Tenacious D pensait de son héritage et du futur qui s’offre à lui.

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Noisey : Parle-moi du Festival Supreme.
Jack Black : Ça a été génial de s’occuper de ce festival ces dernières années. La troisième édition approche à grands pas et c’est toujours stressant — parce que c’est comme si tu organisais une énorme fête, finalement. Il faut que ce soit aussi divertissant et fun que possible. Je ne sais pas pour toi, mais moi, quand j’organise une fête, j’ai tendance à m’inquiéter un peu pour toute la promotion que ça implique. J’ai dû perdre une paire d’années de ma vie à cause de ça, mais la joie qui règne sur la soirée paye toujours l’année de stress que j’ai passée. On passe tellement de bons moments à chaque fois, qu’on se remet à la tâche avec plaisir chaque année, presque immédiatement après. D’habitude, on laisse s’écouler quelques semaines et on ne se pose plus qu’une question : « on programme qui l’an prochain ? »

Comment vous est venue l’idée d’organiser ce festival ?
On voulait organiser un méga concert avec tous les fans de comedy music sur cette planète. On souhaitait réunir Spinal Tap, The Lonely Island et Flight of the Concords dans un même endroit. Puis ça s’est développé et c’est devenu le Festival Supreme. Pourquoi ? Parce que c’est fun ! Je ne sais pas. Je suppose que c’est le genre d’évènement auquel j’aurais adoré assister, mais que personne n’organisait jamais.

À ton avis, où se situe Tenacious D dans ce monde à la croisée de la comédie et de la musique ? Et pensez-vous avoir laissé une trace dans ce milieu ?
Hmm. Si on considère toute l’histoire des duos musicaux, j’aime penser que Kyle et moi avons notre place dans cette évolution — ou plutôt cette dévolution. Un jour, j’ai fait la frise chronologique de tous ces duos, je trouvais ça marrant. Ça commençait avec Laurel et Hardy puis les Smothers Brothers, ensuite Cheech & Chong, et j’aimerais que suivent Tenacious D. Si tu regardes bien, c’est une régression. On commence avec ces monuments du genre comique puis on dégringole doucement vers cette culture d’homme des cavernes-Cro Magnon-stoner. Mais c’est bien de pouvoir retracer cette évolution et de la reprendre à l’envers, où tu commences avec l’homme parfait et où tu termines avec des singes. Avec Kyle, je pense qu’on est les singes du bout de la chaîne. C’est presque la fin du monde.

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Vous imaginiez un jour arriver à la fois à avoir du succès et être influents ?
Oui.

Sérieux ?
Oui.

Tu peux développer ?
Si tu n'y crois pas un minimum, alors tu ne feras jamais rien. Même si tu ne sais pas exactement où ça te mènera (d’ailleurs, je ne le sais toujours pas encore aujourd’hui), au début, tu te donnes en spectacle devant un public parce que tu sais que tu es bon. Tu crois avoir quelque chose à offrir, tu penses que tu tiens un truc que personne d’autre n’a. Même si, comme je te l’ai dit, des tonnes de gens ont fait ça avant nous. Mais il y a toujours une pirouette, un truc qui va te donner l'impression d'être le seul. Quand tu apportes ce truc à ton public, tu ris, tu flippes et c’est aussi extrêmement gratifiant.

Pour répondre à ta question, est-ce qu’on aurait pu un jour imaginer remporter le succès qu’on connaît aujourd’hui ? J’ai bien peur de devoir te répondre par l’affirmative. Oui, et c’est pareil pour tout le monde. Tous les musiciens ou tous les comédiens s’y voient — ils font tous ce truc bizarre devant leur miroir où ils imaginent qu’ils sont face à leur public et que tout se passe hyper bien pour eux. C’est comme ça que ça marche. Tu as déjà vu La Valse des pantins ? C’est un extrême, mais c’est un cas que tu peux rencontrer. Tu dois imaginer ton public devant toi et penser que tu es le roi du divertissement — juste pour y arriver et t’en sortir. Il y a la peur. Il y a l’humiliation. Tu te mets toi même en position de faiblesse, en quelque sorte. Qu’importe ce qu’ils te disent, ils imaginent tous qu’ils réussiront.

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Bref, j’imaginais qu’on allait être énormes et hyper connus. Mais je ne m’y attendais pas. Ça tenait plus du fantasme, c’était le meilleur scénario qui pouvait nous arriver.

À ton avis qu’est-ce qui t’as permis de sortir de cet imaginaire pour finalement connaître le succès ? Toutes les personnes qui font preuve de créativité — les comédiens, les écrivains, les musiciens, les acteurs — imaginent leur succès, mais c’est rare qu’ils le rencontrent vraiment.
On a beaucoup bossé et répété. On a percé avec notre premier morceau — qui est encore à ce jour notre meilleur morceau d’ailleurs — « Tribute ». Le concept était simple mais on a dû travailler des mois durant avant de nous produire en public. On a aussi eu la chance de rencontrer David Cross et Bob Odenkirk qui nous ont filé une émission sur HBO. On a eu énormément de chance, parce que tu sais que pour un Tenacious D sous le feu des projecteurs, il y a 150 Tenacious D qui restent dans l’ombre.

Tu te rappelles des bides que vous avez essuyés à vos débuts ?
Ouais, c’est souvent marrant à raconter, en plus. D’une certaine manière, tu as autant de tendresse pour tes succès que pour tes bides. C’est le métier qui rentre, tu apprends. Notre pire concert, c’était à l’occasion du Miller Genuine Draft Blind Date, un jeu-concours organisé par la marque de bière. Tu pouvais renvoyer tes capsules et gagner un voyage pour assister au Miller Genuine Draft Blind Date. Les gagnants étaient invités dans une salle secrète, quelque part aux Etats-Unis — en l’occurrence, Las Vegas pour nous —, ils se bourraient la gueule à la Miller Genuine Draft, le rideau s’ouvrait et un groupe donnait un concert. Ils ne savaient pas quel groupe allait jouer avant que le rideau ne s’ouvre. On était à la House of Blues, si je me rappelle bien, et 2000 gagnants, venus de tout le pays, s’étaient pointés. Le rideau s’est ouvert sur Tenacious D et on n’était clairement pas le groupe qu’ils rêvaient de voir. Quand tu mets des gens dans ce genre de situation, ils peuvent vite fantasmer : « Peut-être que ce sera un concert de Neil Young. Tu penses que ce sera Neil Young ? » Certains imagineront que c'est Madonna, d’autres espèreront voir Motörhead. Dans tous les cas, aucun groupe ne fera l’unanimité. Ce serait débile. Et donc, le rideau s’ouvre devant Tenacious D. À l’époque personne ne nous connaissait, on était même pas un vrai groupe, on était juste des types d’HBO. On s’est fait huer illico. Notre contrat stipulait qu’on devait jouer 35 minutes si on voulait être payés, ou du moins, c’est ce qu’on pensait. On n’avait donc pas l’intention de quitter cette scène. Au final, je pense que le public a fini par s’amuser, comme si les huées étaient un rituel marrant. Puis ça a tourné à la catastrophe — comment on appelle une catastrophe qui devient drôle ? Un fiasco ?

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Récemment, j’ai lu un entretien avec Stephen Colbert, et il disait en gros la même chose que toi : « Tu dois apprendre à aimer les bides. »
Ça m’a aussi fait comprendre qu’il y avait quelque chose de génial à torturer son public. Parfois ils veulent souffrir, parce que c’est le truc le plus drôle qui existe. Leur donner volontairement un truc dont ils ne veulent pas est souvent la stratégie la plus comique qui soit.

Tu veux juste un peu les emmerder.
Ouais, ils aiment ça, un petit peu. C’est pour ça que maintenant je leur sers une bonne dose de jazz — on fait un set de jazz de 12 minutes non-stop en plein milieu du concert. Les gens font semblant de détester, mais au fond, on sait qu’ils adorent ça. Ils adorent.

En parlant de ça, un truc que j’adore avec Tenacious D, c’est que vous ne vous fermez aucune porte et vous vous essayez à plein de genres différents. D’ailleurs, l’an passé ça vous a permis de remporter le Grammy de la Meilleure Performance Metal. Qu’est-ce que tu en penses ?
C’est une blague, on n’aurait jamais dû remporter le Grammy de la Meilleure Performance Metal. On n’est même pas un vrai groupe de metal. Ça montre bien à quel point les votes pour décerner les Grammys sont ridicules. C’est un concours de popularité. Je ne vais pas me plaindre au sujet des Grammys qu’on aurait dû gagner, mais tout le monde vote pour toutes les catégories, même s’ils ne sont pas experts dans toutes ces catégories. Imagine, par exemple, une grand-mère de 84 ans, qui n’écoute que de la musique des années 40, qui se dit « Oh, j’ai déjà entendu parler de ce Jack Black » Comment est-ce que ce truc peut être cohérent ? Mais je pense qu’ils nous l’ont décerné pour la bonne cause, pour récolter des fonds pour l’association Stand Up and Shout Cancer Fund de Ronnie James Dio. On avait écrit un morceau au sujet de Ronnie James Dio et c’est comme ça qu’on était devenu pote avec lui, avant son décès. Il est apparu dans notre film, c’était un type génial et les gens l’adoraient. Je pense qu’on doit ce Grammy à l’amour que les gens portaient à Ronnie James Dio, et c’est mortel.

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Tu as tes projets personnels, évidemment, mais qu’est-ce qui attend Tenacious D dans le futur ?
On travaille sur notre prochain album. On est hyper lents. On bosse sur des cycles de 6 ans. Et c’est pas près de changer, on fonctionne comme ça. On a un concept très ambitieux pour le prochain album mais on n’a pas encore eu le temps de se poser et je pense qu’il faudrait que je prenne quelques années de pause pour bien recharger les batteries.

Tu peux me donner un indice sur le thème autour duquel tournera l’album ?
Non. [Longue pause]. Bon ok, je te donne un indice. C’est tellement évident. Quand l’album sortira, vous vous direz tous : « Mais bien sûr ! » Mais c’est tout ce que je peux dire.

Dernière question : est-ce que c’est bizarre d’être célèbre ?
Tu sais, c’est exactement ce à quoi on peut s’attendre. C’est génial et c’est infernal, ce n’est plus du tout un truc surréaliste, vu que c’est devenu mon mode de vie. Depuis Rock Academy, tout le monde me connaît. Ouais, c’est bizarre. C’est bizarre quand tout le monde te connaît. Enfin c’est pas entièrement vrai, je pense qu’environ 50 % des gens savent qui je suis. Et c’est étrange ! Personne n’est connu par absolument tout le monde.

Et Obama alors ?
Tu penses que tout le monde connaît Obama ? Je pense que 95 % de la population mondiale sait qui est Obama, mais ça laisse plusieurs millions de personnes qui ne le connaissent pas, quelque part dans ce monde.

Eric Sundermann pense que vous devriez faire lire cet article à vos amis. Il est sur Twitter.