Sous la cagoule de Siboy

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Sous la cagoule de Siboy

Après avoir semé le chaos sur Internet et fait une apparition dans le film « Divines »​​, le rappeur de Mulhouse signé chez 92i est enfin sur le point de sortir son premier album.

Dans la famille 92i, je demande le frère caché, mystérieux et énervé du fond du grenier. Siboy sévit depuis maintenant quelques années, et il a eu l'opportunité d'être signé par Booba. En réalité, c'est même la première signature extérieure à Boulogne du label. Le bonhomme a simplement envoyé quelques sons et clips sur OKLM et l'énergie a fait le reste. Puis, après des freestyles vidéo balancés assez régulièrement, le rythme s'est calmé. C'était apparemment pour mieux peaufiner son premier projet, prévu pour cette année. Il sort aujourd'hui un nouvel avant-goût de cet album, « Mula », en featuring avec le Duc himself, sur lequel Siboy reste fidèle à lui-même : gimmicks en pagaille, hurlements, changements de voix, et des rimes qui vont du défouloir (« si tu peux pas te raser la chatte, au moins va la peigner ») aux références absurdes (« j'écoute beaucoup d'Alain Souchon, cagoulé en chaussons ») ou plus sournoises (« on te calcule pas comme un pays sans pétrole »). On a rencontré le rappeur de Mulhouse pour tenter de comprendre ce qu'il se passait sous sa cagoule (qu'il garde évidemment en interview) entre deux éclats de rires.

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Noisey : Si j'ai bien suivi, au début tu étais juste beatmaker, pas rappeur.
Siboy : Exact. Au début tu testes un peu, comme tout le monde. Je me suis mis sérieusement dedans quand mon pote a oublié son matos de studio chez moi. C'était vraiment un hasard, je voulais pas être rappeur, je préférais rester dans l'ombre. J'imaginais un délire façon Dr. Dre, parce que t'as toujours des rêves incroyables [rires], mais je voulais rester beatmaker. J'ai testé rappeur, ça a un peu pris, et j'ai continué.

Vu le long délai entre la signature et la sortie de ton projet, un fan a carrément fait un bootleg de tes sons, t'es au courant ?
[Rires] Ouais j'ai vu le bootleg, en plus il était frais ! J'aurais pu le sortir en mixtape moi-même, mais… J'étais censé sortir une tape, mais plus je travaillais et plus ça ressemblait à un album, du coup ça servait à rien, je me suis dit : je vais garder les meilleurs son et vas-y, album. Ça a pris du temps pour d'autres raisons, mais là on arrive au bout du tunnel noir… On va dire que l'album est pour le début de cette année. On a commencé à balancer et ça va continuer jusqu'à la sortie.

Tu étais récemment en studio avec Damso, Shay et Benash. C'était pour un projet particulier ?
C'est pour la noirceur, ça [rires]. C'était aussi pour qu'on se rencontre tous, on était éparpillés : Bruxelles, 92, Mulhouse… On a fait plusieurs morceaux, certains seront sur mon projet et d'autres dans le projet de Benash. Damso n'a pas pu en inclure sur Batterie faible parce qu'il devait sortir vite. Y'a 2-3 sons que j'ai vraiment kiffés qu'on a fait tous ensemble.

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L'un d'entre vous a tenté une approche avec Shay et s'est pris un vent ?
Non… Shay c'est la soeur ! Toi t'aurais fait ça, à tous les coups [rires], t'aurais tenté comme jamais, je pense !

Joker ! Pourquoi pas un clip de « Zer » ?
J'avoue. Mais moi je suis un blédard aussi… ça veut dire que si Kopp veut clipper à Miami, rien que ça c'est une galère de ouf pour moi ! C'est des problèmes. Je passe même pas la douane…

Mais si t'y vas avec ta cagoule, c'est normal aussi.
[Rires] En vrai faut demander un visa, de la paperasse, c'est chiant, et c'est à cause de ces petits trucs là que certains clips ne se font pas forcément.

Quand un beatmaker prend le micro on imagine un rappeur calme, toi t'es à l'opposé.
[Rires] Ah, j'te jure… En réalité quand je gueulais ma voix passait mieux au micro que quand je gueulais pas ! Maintenant, j'essaie aussi de me mettre à des trucs plus chantés, posés, faut un peu suivre la tendance sans trop sucer les autres non plus. En fait, c'est un style que j'aime bien, j'aime pas avoir un flow monotone, j'aime quand ça monte, ça descend, tu vois ? C'était aussi l'époque, y'avait Niska, Gradur, fallait arriver énervé et je passais bien comme ça.

Ça va de pair avec tes lyrics : « Tuer sans la torture je trouve que c'est du gâchis. »
Mais c'est vrai ! Si quelqu'un fait du mal à tes proches, genre ta daronne : tu vas pas l'éliminer direct, genre une balle et tu rentres chez toi boire ton café.

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Ouais, tu vas prendre ton temps.
Voilà, tu vas te faire plaisir, prendre ton temps sinon ça sert à rien [rires]. Je t'incite pas à torturer quelqu'un hein, mais c'était cette idée-là que j'avais en tête.

Tu as quand même des sons plus réfléchis comme « JIA ».
Ouais, plus réfléchi, lucide. Je fais même pas exprès. Je suis inspiré par la prod. Dans ma tête, c'est la prod qui écrit, carrément. Quand je reçois une instru, parfois ça me donne une envie de barbarie et parfois un truc plus conscient. Je me dis jamais « je vais faire un son de tel ou tel style ». J'écris direct, je me prends pas la tête, c'est après que je constate « hé, ça a l'air conscient tout ça ! » Tout au feeling en vérité.

Autre caractéristique, les punch marrantes, comme « détruire pour reconstruire, quoi, t'as cru que j'étais portugais ? »
Ahah ouais, j'aime bien. Celle-là je l'ai trouvée comme ça. En plus mon fils est portugais, il va grandir et m'en vouloir à mort [rires]. Ça sort tout seul, j'aime bien les délires pas trop sérieux, qui rappellent que c'est un divertissement avant tout.

Un truc qui a surpris tout le monde, c'est ta participation au film Divines.
La connexion s'est faite après le son « Mirinda ». Ils ont kiffé et m'ont demandé si j'étais chaud pour participer au film. Je suis pas un mec qui fait des millions de vues. J'ai trouvé ça bizarre qu'ils me prennent moi. Mais ça s'est fait, ils m'ont expliqué le synopsis, et j'ai kiffé aussi.

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La vieille pute dans « Éliminé », pourquoi ?
Parce que c'est plus mature. Elle sait tout faire, vu qu'elle est plus âgée. Je trouve que les jolies filles dans les clips c'est bien, mais c'est répétitif. Elle, c'est la grand-mère de toutes ces filles-là. C'est la boss.

C'est vrai que t'as essayé de placer un « 68izi » dans un son et Booba et il t'a dit de te calmer tout de suite ?
[Rires] C'est vrai que 68izi ou 68i ça passe pas trop bien… Même moi j'ai pas envie de le dire. Non, je me contente de dire Mulhouse en vrai.

Tu fais souvent un signe de cunni dans tes clips, c'est limite ta signature maintenant.
En fait, la première fois c'était dans le clip de « Mailler », ça m'avait fait golri, et depuis je le refais tout le temps parce que je kiffe, ça change des doigts d'honneur, c'est plus séduisant.

Tu parles aussi pas mal de ta conso de codéine.
A la base, quand j'ai commencé à en prendre c'était pour dormir, parce que ça fait vraiment dormir. T'en as déjà pris toi ? T'as une tête à en avoir déjà pris [rires].

Non, je suis naturellement endormi.
Ça te met bien, ça te fait dormir, le problème c'est que moi j'arrêtais pas… et j'ai fait un stop. J'y faisais référence parce que j'en prenais à fond, maintenant, plus trop. Mais ça va sûrement revenir prochainement.

Niveau prod, tu n'es pas tout seul sur ton projet ?
J'ai fait qu'une seule prod. Les autres viennent d'un homme très très noir qui s'appelle Abib, un mec de Suisse, très énervé, ça va avec ma voix. C'est une question compliquée parce que quand on oublie, t'as toujours un mec déçu que tu l'aies pas cité. Là je suis en train de zapper plein de noms, dès que l'interview sera finie je vais me dire « ah putain, j'ai oublié lui, lui et lui… » Le dernier que j'ai découvert s'appelle Bugatti Beat. Les autres, je les ai oubliés, faut qu'ils m'excusent, Désolé les mecs, je voulais pas.

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Vu que tu as pris ton temps j'imagine qu'il faut s'attendre à quelque chose de différent de tes sons précédents.
C'est noir, un peu gris. Un noir fondu gris, tu vois. Mais c'est du noir quand même. Avant, à part le son avec Gradur où je faisais juste le refrain, je chantais pas du tout. Là, y'aura des sons avec des parties chantées et rappées, certains qui mélangent les deux, certains chantés à 100 %, d'autres rappés à 100 %, c'est varié. Niveau textes : un peu plus perso… c'est un travail, de se livrer. Ça ne se fait pas comme ça je trouve. En plus, ça fait pas si longtemps que ça que je rappe, à peine trois ans.

Je dois dire que je suis déçu d'un truc : tu n'as pas un seul vêtement Unkut sur toi.
J'en ai à la maison. Mais faut savoir que Mulhouse est une petite ville, donc si je me pavane dans ma ville avec les derniers modèles, les mecs vont dire « lui là, ça doit être Siboy ». Donc j'évite pour pas me griller bêtement. Parce que les gens ne savent pas, donc je garde le secret. Ça m'intéresse même pas en fait, ça doit être chiant. Les artistes connus doivent en avoir marre à des moments, donc je préfère rester masqué.

On va maintenant passer au questionnaire spécial cagoule. Depuis l'état d'urgence t'es au courant que si tu tournes un clip cagoulé, même la police municipale a le droit de te tirer dessus sans sommation ?
En vrai, un jour je devais clipper, et c'est tombé le jour où je sais plus quel connard a fait un attentat. C'était lequel… Ah ouais, celui du Bataclan. Je devais monter à Paris pour un clip, laisse tomber, le clip a jamais existé. J'ai même pas pu venir à Paris. Entre les autorisations à la mairie qui ont sauté et toutes les galères qui me sont arrivées, c'était chaud. Venir cagoulé dans ce climat, c'était chaud. Fallait se mettre en retrait.

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Est-ce que t'as déjà débarqué en disant « salut, c'est Siboy » et on t'a pas cru jusqu'à ce que tu mettes ta cagoule ?
Ouais, haha ! C'est chaud, ça ! C'est ouf quand même.

Est-ce que vous êtes plusieurs ?
Dans ma tête ? Ouais carrément !

Non je voulais dire, physiquement plusieurs, c'est pratique pour faire des showcases au même moment par exemple.
Non, je suis tout seul. Mais c'est vrai que c'est pas con du tout pour les showcases…

As-tu des potes qui arrivent à serrer des groupies en se faisant passer pour toi ?
Joker. C'est une question mystique [rires].

Est-ce que tu exiges que tes groupies soient cagoulées ?
Non ! [rires] T'es un taré, mec !

Pour tout te dire, la première question de ce questionnaire c'était « qu'est-ce qui me prouve que t'es bien Siboy ? »
Ahahah, y'a un truc. J'ai une astuce : ce qui te prouve mon identité c'est mes dents [il montre ses grillz].

C'est vrai, tu es l'un des rares à les avoir gardées, même si c'est plus trop la mode.
Je les garde. La mode, ça va, ça vient, quand quelqu'un s'acharne, faut juste pousser le truc et tout le monde suit. Alors moi je garde, et les autres suivront.

Tu es Congolais, tu fais du rap hardcore, et tu es cagoulé.
Ouais…

Est-ce que quand t'as vu Kalash Criminel arriver tu t'es dit « ce petit salopard me pique mon travail » ?
Je savais que tu m'en parlerais [rires]. Chacun fait ce qu'il veut, parce que c'est pas moi qui ai inventé ce concept. Y'avait Teushiland avant. Kalash a son délire, j'ai le mien, chacun fait sa route. D'autres, des fans sur le net, ont déjà parlé d'un morceau qui réuniraient tous les rappeurs cagoulés, mais on se connaît pas, et dans le rap y'a beaucoup d'ego, donc j'évite les trucs comme ça. Peut-être à l'avenir, qui sait ? Mais là, c'est pas du tout d'actu.

Sur scène tu n'as pas trop de problèmes de transpiration ?
Je suis habitué. Mais j'ai chaud ! J'ai chaud mon gars ! Il fait chaud, je transpire comme jamais, c'est… En plus c'est des cagoules polaires ! Des trucs qui te chauffent à mort. Là je rigole depuis tout à l'heure, ça monte direct [rires], faut s'habituer.

Tu as dit « Je ressemble à Voldemort avec ma cagoule », j'ai pas compris. Il est tout blanc Voldemort même si effectivement y'a un air quand tu montre tes grillz.
T'as vu ? Parce que Voldemort n'a pas de nez, mec ! Et avec ma cagoule, ça cache le nez, ça et les dents mises en avant, ça nous rapproche. Et puis j'aime bien Harry Potter. J'aime faire référence à ce genre d'univers surnaturel, il faut d'ailleurs que je vois rapidement le spin-off Les Animaux Fantastiques.

Concrètement, être masqué n'est pas un frein en terme d'exposition ?
C'est pour ça que plus tard, on va changer la cagoule pour quelque chose de plus artistique, je sais pas encore quoi. C'est comme Spider-Man au tout début, il met du temps à trouver son masque définitif, et c'est une fois qu'il l'a élaboré qu'il peut commencer à sauter partout dans la ville. Et bah moi c'est pareil !

Toutes les photos sont de Melchior Tersen.

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