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La B.O. de « Skins » a marqué au fer rouge la jeunesse britannique des années 2000

Gossip ! Cat Stevens ! Skream ! Foals ! The Fall ! The Hives !

Je me souviens de la première fois où j'ai vu le trailer de Skins. J'avais 17 ans, les dents pleines de ferraille, et les membres supérieurs qui ne savaient jamais ni où ni comment se positionner. Chacune de mes soirées consistait à mater un nouvel et irrésistible épisode de Hollyoaks, quand un soir, la télé a soudain basculé dans un ralenti au stroboscope - des flashs de corps brûlants en lingerie fluo se déplaçaient le long de l'écran pendant que des yeux injectés de sang m'invitaient à les rejoindre dans ce qui ressemblait à la teuf du siècle, tout ça au son du « Standing In The Way of Control » de Gossip.

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Je n'avais jamais rien vu de pareil. Je matais The OC et Gilmore Girls comme tout le monde, mais dès qu'une série destinée aux ados était diffusée, les protagonistes étaient riches, américains, n'avaient jamais un épi ou faux pli et étaient habituellement joués par des acteurs et actrices qui étaient plus proches des 25 que des 15 ans. Skins était l'opposé de ça. Les personnages avaient de l'acné, portaient les mêmes sapes H&M merdiques que tout le monde, et sortaient des trucs du genre « chanmé, nan ? » C'était exagéré et excessif, certes, mais on trouvait sous ce vernis surréaliste des histoires auxquelles tous les jeunes anglais pouvaient s'identifier – la perte de la virginité, les troubles alimentaires, le divorce, la lutte pour rester à flot à l'école – racontées avec un ton froid, direct, neutre et jamais moralisateur. En d'autres mots, c'étaient nos vies, rendues juste un poil plus intéressantes pour la télé.

Entre classiques destinés aux jeunes oreilles comme The Fall ou Cat Stevens et nouveaux artistes relativement inconnus (bénéficiant ici d'une plateforme de diffusion rêvée), Skins à offert à tous les adolescents du pays LA bande-son post-indie de la deuxième moitié des années 2000. La plupart des gens ont découvert la série avec « Standing In The Way Of Control » – un titre qui est très vite devenu un hymne des fêtes étudiantes et des soirées indie. Beth Ditto avait affirmé quelques temps auparavant que c'est l'opposition de Georges W. Bush au mariage gay qui avait inspiré ses paroles, et son refrain (« Standing in the way of control / Yeah live your lives / By the only way that you know ») était à la fois un doigt d'honneur et une catharsis pour tous ceux qui se sentaient paumés entre l'adolescence et l'âge adulte.

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Ça a aussi et surtout permis à Gossip de faire la couverture du NME à deux reprises en 2007. La première, publiée juste avant le dernier épisode de la première saison, était accompagnée du titre : Sex, Skins and Standing in the Way of Control; preuve que la musique utilisée dans Skins était en train d'infiltrer tranquillement le mainstream, bien au-delà de sa fanbase adolescente initiale. Prenez une minute pour apprécier leur performance au festival T in the Park de l'été 2007. (Jeu : videz une bière dès que vous spottez un keffieh à l'écran.)

Un autre groupe propulsé au sommet après avoir figuré dans la série, c'est Foals. Même s'ils n'étaient pas tout à fait inconnus à l'époque, leur apparition dans l'épisode « Secret Party Special » leur a permis de devenir bien plus gros qu'ils ne l'étaient. Leur première couverture du NME, en 2008, les plaçait en tête du numéro spécial « New Noise », le magazine parlant d'eux comme le groupe qui allait « définir l'année » et surfait sur « l'effet Skins ». Je vous arrête tout de suite : le fait que le groupe symbolise toujours l'année 2008 en 2017 n'est pas notre sujet.

Skins a également été la premier programme anglais à inclure du dubstep dans sa bande-son. L'utilisation des titres « 0800 Dub », « Angry » et « Colourful » de Skream mettaient à l'honneur une scène musicale dont aucune autre chaîne de télé n'avait parlé avant. Et même si la plupart des étudiants de Bristol ne gobaient pas de cachetons dès le petit dej, la série capturait exactement ce qu'il se passait dans la musique de l'époque. Au milieu des années 2000, Bristol était le foyer d'artistes comme Peverelist, Joker et Pinch, qui ont produit certains des trucs les plus respectés et influents de la scène électronique britannique de l'époque. Des soirées comme les Just Jack, Crazylegs et Subloaded servaient d'inspiration directe aux fêtes d'appart et aux soirées en club qu'on voyait dans Skins; les lasers et la foule filmées au début de la saison 2, reproduisaient l'ambiance des salles de Bristol comme le Blue Mountain, le Motion ou le Basement 45.

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Mais la B.O. de Skins a aussi été utilisée de manière plus complexe. Au fil des saisons, chaque personnage bénéficiait d'une playlist personnelle, qui collait avec son caractère : « Your Heart Is So Loud » de Colleen mettait en lumière l'innocence d'Effy; « Untitled (Samskeyti) » de Sigur Ros fournissait une échappatoire onirique à Michelle; les lyrics d'« Alice Practice » de Crystal Castles (« Hi / Scars will heal soon / you shrug it off / Except that you don't ») reflétaient la douleur de Sid qui avait perdu son père; et, dans une des scènes les plus mémorables de la série, « Hometown Glory » d'Adele permettait à Cassie de se laisser complètement aller à son chagrin. Le final ouvert de la saison 2 apportait symbolisait à la perfection le quotidien adolescent, partagé entre amour, perte et quête d'identité.

Un symbole qu'on retrouve dans l'épisode final de la série, où tous les personnages chantent ensemble « Wild World » de Cat Stevens. Skins a souvent surpris son audience avec des scènes aussi inattendues que celle-ci. Un gouffre béant aurait pu se creuser entre le message initial de cette chanson et un show qui montrait des ados sniffant de la méphédrone (RIP) sur la cuvette des toilettes. Mais là, non, ça fonctionnait. Les paroles de la chanson de Cat Stevens sont une métaphore de la transition entre l'enfance et l'âge adulte – une mise en garde contre un futur sombre, contre un monde en perpétuel changement et un constat de notre impuissance face à cela.

Le monde que Skins a créé était éphémère. La fin de la série était inévitable, et sa B.O. faite de nu-rave et de math-rock était également vouée à se désintégrer. Mais elles ont gardé une place importante dans l'inconscient culturel de 2017. Skins a permis l'arrivée d'un nouveau genre de série britanniques pour ados, qui s'est perpétué par la suite avec The Misfits et My Mad Fat Diary. La série a mis à l'amende nombre de productions US, faisant passer des choses comme One Tree Hill pour de pénibles projets de fin d'année (à tel point qu'un remake désastreux a été réalisé outre-Atlantique en 2011, mais on passera ça sous silence). Skins mettait sur le tapis tous les problèmes liés à la drogue, au sexe, à l'avortement ou à l'autodestruction, et son réalisme lui a permis de devenir un des programmes les plus populaires de Grande-Bretagne.

Mêlant Ladyhawke et Late of The Pier, MGMT et Vampire Weekend, Spiritualized et les Dandy Warhols, dans une interminable et impossible soirée de 61 épisodes, la bande-son de Skins s'est imposée comme une balise de la culture jeune britannique de la fin des années 2000 et du début des années 2010. Celle d'une génération frustrée, et fondamentalement rebelle. Skins nous a appris que la réalité pouvait, à chaque instant, nous frapper de plein fouet, et dans un monde post-Brexit, sa B.O. semble, pour nombre d'entre nous, toujours aussi vitale et électrisante.

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