On a soumis Moïse The Dude et David Gourmette du Bohemian Club au questionnaire spécial rappeur juif

L'année dernière sortait Bohemian Club, projet commun qui réunissait 2 rappeurs : Moïse the Dude, président, porte-parole, membre unique et trésorier du fan club français de Jeffrey Lebowski, et Seno, westeux devant l'éternel comme l'a prouvé son aventure au sein du crew Les Sales Blancs. Seno, qui se fait à présent appeler David Gourmette, pour une raison qui m'échappe. Vous n'avez pas forcément entendu parler du Bohemian Club et c'est bien normal, c'était un projet récréatif s'adressant à une fanbase de 42 personnes. Mais Moïse compte enfoncer le clou avec un clip début octobre et prépare le premier album du projet, Dudelife, pour début 2016. En cours de mixage et mastering, le LP a été entièrement enregistré chez son pote David - rester en famille c'est important (demandez à PNL). C'était donc l'occasion rêvée pour les soumettre à notre questionnaire spécial rappeurs juifs.

Noisey : Est-ce que Sépharade et Ashkénaze c’est l’équivalent de East Coast / West Coast ?
David : Carrément. Et d’ailleurs faut savoir que Ashkénaze c’est bien au-dessus. Est-ce que vous dites « le bled » en parlant d’Israël ?
Moïse : Toujours.

Vous vous êtes jamais déguisés en rabbins dans un clip. Pourquoi ?
Moïse : Bah parce qu’on est déjà habillés en rabbins dans la vie de tous les jours. Ce serait pas marrant pour nous du coup.

Quand MC Solaar a fait Rabbi Jacob, vous vous êtes dit « encore un noir qui pille notre patrimoine » ?
David : Moi j’étais super vénèr. J’ai appelé direct mon oncle, Patrick Bruel, pour régler ça. Je lui ai dit : « Tu le connais toi, non ? Alors tu fais quelque chose. Maintenant. » Moïse : Du coup on aurait peut-être pu l’avoir sur un morceau… Perso je me suis posé des questions, je me suis dit peut-être qu’en fait il est Juif lui-même, tu vois. Comme les Falachas. Mais en fait non.

Vous vous sentez en concurrence avec les autres rappeurs juifs ?
David : Non. Moïse : Hmmm… Y’a peut-être… Ah bah non, en fait. Ah si, il y a Elie Yaffa quand même ! Vous avez pas de bling-bling, même pas la petite bourse d’or autour du cou ?
David : C’est une légende, et ça n’a rien à voir avec le fait que je porte un col roulé. Moïse : Moi j’ai un chandelier à sept branches, avec une grosse chaîne mais c’est vraiment pas du tout pratique à porter. Elle est dans un placard.

Vous avez des influences américaines ?
Moïse : Ouais On est un peu les Ben Stiller et…

Mais il est pas vraiment juif lui, non ?
Moïse : Ah ouais ? Bah merde. En même temps je suis pas juif non plus.

David : Mais ferme-la, putain !

Si je vous dis Menace 2 Society, vous me répondez quoi ?
Moïse : Woody Allen ? David : Le 1 était vachement mieux.

Dans le rap français tout le monde dit qu’il y a pas d’argent. Vous espérez quoi, du coup ?
Moïse : Mais l’argent on l’a déjà. C’est ça le problème des rappeurs français, ils rappent pour faire de l’argent. Ils ont pas compris que c’est l’inverse : tu fais de l’argent d’abord, et après tu rappes pour expliquer que t’es riche.

David : L’argent n’est pas un problème, et quand on a des problèmes, ce sont des problèmes de riches.

David, il me semble que tu mates des spectacles de Dieudonné. Tu le fais en cachette ?
David : Alors en fait, je l'ai longtemps soutenu, mais là depuis quelques temps, ça a rien à voir avec ses idées, mais je le trouve trop répétitif. Il a vu qu’il pouvait accrocher les gens sur ce truc là et du coup il fait la même chose en boucle. C’est dommage. Mais je regarde encore ses anciens spectacles.

Moïse : Quelle réponse sérieuse, putain…

David : Je préfère Dieudonné qui fait une blague antisémite plutôt qu’Elie Semoun qui fait une blague de merde. D’ailleurs il a toujours fait des blagues de merde, et personne s’est jamais plaint. Personne a rien dit non plus quand il a fait de la bossa nova, alors que c’est dégueulasse.

Le projet de prequel à la saga La Vérité Si J’mens, ça vous inspire quoi ?
David : J’ai entendu parler de ce projet de film. Mais ils repartent d’où exactement ? De Moïse ? La genèse des persos ça va être quoi ? Le Sentier des années 60 ? Ça va être magnifique ça encore [Rires]. Va falloir qu’ils virent tous les Chinois des arrière-plans, ils vont se foirer. Non c’est horrible. Mais je regarderai !

Moïse : Pour nous c’est l’équivalent de Fast & Furious, cette saga. Tu parles à des fans là. Et on profitera des bénéfices forcément, ça reviendra à la communauté donc ça peut être que positif. On sera sur la B.O., au générique, avec Richard Anconina en featuring.

Vous avez des posters des Beastie Boys dans vos piaules ?
David : J’ai juste un poster de Bane.

Moïse : J'ai un poster de Llyor Cohen. Pour ceux qui savent pas qui c’est, c’est le co-fondateur de Def Jam, qui a priori est complètement juif. Quitte à avoir un poster, autant aller chercher le patron.

Elie Kakou et Popeck : vos 2Pac et Biggie ?
Moïse : Si seulement ils étaient morts en se tirant dessus l’un et l’autre. Ça aurait été super drôle déjà. Ça aurait été le sketch le plus marrant qu’ils aient jamais fait. Quel gâchis.

David : Mais Popeck est pas mort.

Selon certains, Tupac non plus.
David : Ouais mais j’ai vu que Popeck a même fait une apparition dans un film.

Moïse : Récemment ?

David : Non mais n’en demande pas trop non plus.

Un live avec l’hologramme d’Elie Kakou ça vous tenterait ?
Moïse : Hmm… Déjà y’aura nos hologrammes à nous, parce qu’il est hors de question qu’on se fasse chier à venir rapper devant des gens, faut pas abuser. Donc ça va être compliqué à mettre en place, ça ferait trop d’accessoires.

David, tu fais partie des Sales Blancs, t’ont-ils renié quand ils ont appris que t’étais pas seulement blanc, mais aussi juif ?
David : Non, du tout. C’est moi qui les ai reniés. J’ai dit : « bon, les mecs, on fait pas assez d’argent, ça suffit ». Et j’ai pas non plus négocié pour qu’ils s’appellent Les Sales Goys. Parce qu’en fait je suis parti sur un nouveau groupe : La Juiverie. On reprend tous les standards de La Clinique pour les Bar Mitzvah. « La Juiverie, la Juiverie, cercle vicieux, tu peux mettre une kippa, cela fait partie du jeu ». Ce genre de trucs.

Pourquoi « Bohemian Club » et pas « Les Sales Juifs » comme nom de groupe ?
Moïse : Bah parce qu’on est propres, déjà. David : Y’a que les gens sales qui se lavent, c’est bien connu.

À quand un son revendicatif genre « Gaza on t’encule » ou un truc du genre ?
Moïse : Je laisse ça à Booba pour le coup. J’ai pas envie de me couper de ma fanbase palestinienne quand même.

David : Moi je suis bien blanc, j’ai le crâne rasé, je peux facilement retourner ma veste si le climat devient hostile, je m’en bats les couilles.

Moïse : Ah ouais putain, c’est pas mal pratique, ça.

Vous n’avez jamais pratiqué de danse juive traditionnelle dans un clip, pourquoi ?
David : On peut pas. Techniquement c’est pas possible. Sur de la trap, au niveau du placement des jambes, ça fait tout foirer. Pareil pour le C-Walk, techniquement tu peux essayer de mélanger mais ça passera pas.

Moïse : Faudrait qu’on crée le Jew-Walk. Ce serait bon ça. Des petits vines à base de Jew-Walk, ça buzzera mille fois plus qu’un clip. Et encore mieux : ça nous coûtera rien.

On peut retrouver un freestyle au fin fond d’un disque dur où vous dites le mot « bicot »​ ?
David : Non.

Moïse : Je crois que y’a super longtemps j’avais appelé un pote « mon négro ».

David : Mais t’étais sous ta double identité blanche aussi.

Moïse : Ouais, c’était une période trouble, très difficile, j’étais incertain. Et puis bon, il m’avait piqué ma place à la bibliothèque le mec. A un moment faut recadrer quoi. Il a voulu me mettre une droite, j’ai esquivé, après on s’est fait un câlin. C’est une vraie histoire en plus. Sauf le câlin. Mais on s’est quand même réconciliés très vite.

David : Ça c’est thug.

Vous êtes pour l’instauration de quotas dans le rap histoire d’en finir avec la discrimination ?
Moïse : En même temps on est bien, on est totalement seuls, en haut de la pyramide, quoi.

David : Ouais, moi je suis pas pour qu’il y en ait plus.

Moïse : Le rappeur blanc est une sous-catégorie du rappeur juif. On est clairement au-dessus. Ça me paraît logique.

Si vous aviez pas été juifs, vous auriez pratiqué un rap plus sérieux ?
David : Si y’a des mecs qui pensent pouvoir arrêter la guerre ou quoi, c’est bien. Si ça leur permet de bien dormir, cool pour eux. Perso je préfère écrire des trucs de gogols.

Moïse : De gogoys !

David : Faut pas se prendre au sérieux, certains ont même pas écrit leur album qu’ils pensent déjà à tout un tas de trucs…

Moïse : Mais y’a quand même des messages dans nos morceaux, comme « on est les meilleurs ». C’est un message. Ce serait bon que le rap l’entende.

David : Le public aussi a sa part. Ils ont la musique qu’ils méritent et les rappeurs ont le public qu’ils méritent.

Vous attendez la suite du Journal d’Anne Frank comme certains attendaient Detox ?
Moïse : Ouais, mais je crois qu’elle galère à trouver des nouvelles punchlines.

David : Y’a des rumeurs de ghostwriting

Moïse : On sait que plein de gens participent, ça réécrit dix fois certaines phases… Puis au final ça sort jamais… Faut voir. Moi j’y crois plus trop.

Il me semble que l’un de vous désirait me parler de Gad Elmaleh.
David : « Je rêve d’une banque », là ? Franchement j’ai regardé son dernier spectacle, c’est ça le pire…

Moïse : Sérieux ? Putain…

David : À la fin je me suis juste dit « putain ça fait quand même long pour une pub ». T’as vraiment la sensation d’être devant une pub, c’est le même jeu. Mais bon LCL c’est ma banque, alors…

Moïse : Moi, j’ai tout mis en Suisse.

T’es pas rancunier.
Moïse : Faut pardonner dans la vie.

David : Là je trouve que l’interview va un peu loin. Quand même, on rigole mais y’a des limites putain ! Yérim Sar ne devrait plus tarder à recevoir sa convocation au tribunal. En attendant, il est sur Twitter.