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Music

Nico Motte passe la vitesse de croisière sur son impeccable deuxième album

Le disque s'appelle « Life Goes On If You're Lucky », il vient de sortir chez Antinote et on a causé explorateurs, illustration sonore et voitures avec son auteur.

Photo : Louise Ernandez

Vous connaissez sûrement Nicolas Motte sans le savoir. Vous avez certainement dû le croiser par l'intermédiaire des visuels délivrés par CheckMorris (le duo de graphisme dans lequel il sévit depuis une dizaine d'années). Vous avez peut-être même acheté un disque dont il a réalisé la pochette (ce Lily Allen par exemple oui). Pour les plus avertis, il est possible que vous soyez même au courant qu'il est l'auteur de tous les visuels du label Antinote depuis sa création en 2012 par Quentin « Zaltan » Vandewalle et Gwen Jamois. C'est donc évidemment chez eux qu'il a publié son premier album en 2014, Rheologia, et comme on ne change jamais une équipe qui gagne, c'est à nouveau Antinote qui sort son nouveau disque, Life Goes On If You're Lucky, que vous pouvez écouter juste en dessous et vous procurer ici.

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Pour faire sortir Nico de l'ombre une bonne fois pour toutes, on lui a demandé ce qui l'avait un jour poussé à passer du côté compositeur, par quelle porte il était entré dans la musique électronique et pourquoi il trouvait que l'équivalent automobile de Bob Sinclar était la Seat Trans - là-dessus, le mystère, comme celui qui baigne tout son album, reste entier.

Noisey : Le premier morceau du disque, « Tema d’Amore », est une sorte de mélange flippant entre « American Gigolo » de Moroder, Carpenter, Fabio Frizzi et une B.O. de poliziotteschi. Parmi ces trucs, lequel t'a le plus influencé ?
Nico Motte : C'est drôle que tu me parles de Frizzi car au début, je voulais faire un disque entièrement dédié au film de cannibales italien. J'avais, l'année dernière, une grosse obsession pour les soundtracks italiens en tous genres. Je me souviens d'un disque des frères Angelis, La Montagna Del Dio Cannibale, qui m'avait litteralement scotché et m'avait replongé dans mes fantasmes de gamins, une île déserte, des bruits d'animaux tropicaux, des percus menaçantes au loin. Le giallo est une inspiration forte sur ce disque, plus pour le fantasme d'une époque que pour les oeuvres cinématographiques elles-mêmes. Je dirais que j'ai une tendresse pour Frizzi, grand maestro du soundtrack d'horreur, plus pour les compositeurs italiens que pour Carpenter, que j'adore aussi.
Mais cette fois, je voulais faire quelque chose de plus acoustique, moins linéaire, plus chaud que Rheologia, mon premier disque. J'ai vu American Gigolo, mais je ne m'en souviens pas.
Pour l'anecdote, c'est Antoine de Syracuse qui m'a dit, après lui avoir fait écouté le morceau, « il te faut un beau lead de sax à la fin ! », et il me l'a joué direct ! Et ça collait parfaitement au morceau.

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T'aimerais composer pour le cinéma ? Dernièrement, il y a une B.O. qui t'a impressionné ?
J'avoue que j'aimerais beaucoup. Je n'ai jamais fais de la musique à l'image d'ailleurs, je ne sais pas si je serais capable de répondre à la demande d'un metteur en scène. Je crois que tout les grands compositeurs de musique de film ont rencontré leur alter-ego. Je sais ce qu'il me reste à faire. Dans le registre soundtrack sans vraiment l'être, le disque de Yasuaki Shimizu, Music For Commercials, ne m'a pas laissé indifférent je dois dire.

Au sein de CheckMorris tu travailles souvent sur des affiches de films d'ailleurs. Des pochettes de disques aux posters, c'est quoi les travaux dont t'es le plus fier ?
Je suis toujours le plus fier de nos dernières réalisations. On a fait l'affiche d'un formidable docu sur la Bande à Bader, Une Jeunesse Allemande, que je trouve impec. Après, Dig!, Wanda, Bell Flower, sont des affiches qu'on a fait que j'aime encore beaucoup. Pour les pochettes, là ou je suis le plus libre c'est avec Antinote, donc ce sont les pochettes d'Antinote que je préfère.

Les posters du duo CheckMorris.

Pourquoi as-tu un jour décidé de ne plus seulement produire l'emballage du disque mais aussi son contenu ? C'est arrivé quand et comment ?
Avec mon associé Mathias Pol, on a réalisé beaucoup de pochettes pour des majors. Je ne me suis jamais dit « un jour ce sera pour ma musique que je ferais une pochette », mais j'ai toujours fait de la musique en dilettante. Gamin, je trainais sur les genoux de mon grand-père batteur. Ado, j'ai joué dans plusieurs groupes de rock. Un jour, je suis passé chez un ami distributeur de films pour qui on a pas mal travaillé et je suis tombé sur sa collection de synthés. Je suis tombé amoureux de ces machines. Je gagnais pas trop mal ma vie à l'époque et j'ai claqué tout mon pognon là-dedans. J'ai commencé à faire de la zic tout seul. J'ai fait écouter ça à Quentin (boss d'Antinote) quelques années après et il a kiffé.

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Qu'est ce qui t'a attiré dans la musique électronique en premier ? Tu y es entré par quelle porte ?
Par le rap. Ado, j'écoutais beaucoup de rap. Puis évidemment, la techno a tout chamboulé début 90. À l'époque, soit t'écoutais du rap, soit de la techno. La house est arrivée après pour moi.
Je mixais donc du rap à fond et je me suis retrouvé dans une free party par curiosité. Je ne me souviens plus de la fête en question mais ce fut une grosse claque ! Puis le shop Rough Trade a ouvert à Paris. J'ai acheté mon premier disque de house là-bas sans vraiment savoir par où commencer. C'était difficile de revenir au rap après ça. Les choses étaient tellement cloisonnées à l'époque que mes potes pensaient que j'étais devenu gay… Le seul endroit à Paris où les breakers dansaient sur de la house c'était aux soirées Respect, les débuts du clubbing pour moi.

Les pochettes du duo CheckMorris.

Revenons au disque, sur « Life Goes On If You're Lucky » on entend des sonorités qui pourraient rappeler Ryuichi Sakamoto. Le Japon est un pays qui t'intéresse musicalement, culturellement ? T'y es déjà allé ?
Je ne suis jamais allé au Japon non. C'est un pays qui a l'air fascinant. J'écoute beaucoup de musique japonaise. Un gars comme Haruomi Hosono a une discographie de malade, je l'adore ! C'est D.K. qui m'a dit le premier que « Life Goes On If You're Lucky » était hyper japonisant. Je pense qu'en le faisant je ne m'en suis même pas rendu compte, mais j'avoue que c'est valorisant pour moi. J'iimagine qu'on est toujours forcément influencé par ce qu'on écoute.

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Il n'y a qu'une seule piste non-instrumentale sur ton album, « Tacotac ». C'est un choix j'imagine. Tu pourrais collaborer avec plus de chanteurs/chanteuses à l'avenir ?
J'ai toujours fantasmé sur les premiers morceaux de proto-rap français. Le premier album de Deenasty est fantastique, « Odéon » de Beside, etc… J'avais donc commencé à composer la musique de « Tacotac » dans cet esprit-là. Tout de suite, j'ai pensé à Isa de Syracuse. C'est une amie et j'aime ce qu'elle fait avec Antoine. J'avais juste peur qu'elle n'aime pas l'instru. Je lui ai fait écouter et elle m'a dit « Banco Nico ! » . Elle a tout de suite capté où je voulais aller et a écrit les textes à la manière d'un rap surréaliste. Elle m'a aussi dit que le passage de harpe lui semblait très inspiré de Cocteau. J'étais ravi. Et oui, j'aimerais collaborer à nouveau avec elle, et avec d'autres aussi.

Et en termes de pop, t'es plutôt « Lucky Star » ou « Get Lucky » ? Ça te fascine ce genre de méga-tubes ?
Ni l'un ni l'autre. Je n'ai absolument aucune fascination pour les tubes ni pour cette culture. Je pense même préférer réllement les morceaux un peu ghetto, qui se cassent la gueule, un petit peu désaccordés et qui sonnent mal. Après, faut pas déconner, y a des disques incroyables, avec de la grosse prod et tout, mais je n'en ferai pas la pub ici !

Le morceau « Tiger For Breakfast » donne carrément dans l'illustration sonore, dont la France fut maîtresse en la matière. Depuis quelques années, beaucoup de ces mecs des 70's sont réédités dans le domaine. Tu trouves ça bien ? Tu fouilles beaucoup dans le passé pour t'inspirer ?
Je ne suis pas fan des rééditions en général, sauf si la musique n'existait pas en vinyle avant. Et oui, l'illus est évidemment une grosse source d'inspiration pour moi. La plupart de ces musiciens ont fait des disques incroyables. Ils ont experimentés et se sont demerdés pour être libres malgré les thèmes d'illustration imposés. Ils ont aussi fait avec la technologie de l'époque, pas uniquement en France, mais aussi en Italie, en Angleterre et ailleurs en Europe. Je pense qu'il y a encore beaucoup de musiciens à découvrir parmi eux. Le titre en question est un hommage au père de ma copine, Michel Peissel, explorateur de génie. Ce nom est emprunté à un de ses livres. Il en a écrit plus d'une vingtaine et je suis sûr que tes parents en ont au moins un chez eux. Michel représentait pour moi une époque révolue, une époque où l'on était certainement plus libres, plus fous. Pas nécessairement meilleure mais peut-être plus excitante. Le morceau essaie d'illustrer le fantasme du voyage de ces années-là, les grands espaces, etc.

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Qu'est ce qui te fascine autant dans la « Figure de Rey » au point de nommer un de tes morceaux comme ça ? T'as fait le test ?
Ravi que tu aies relevé ça ! Je perds un peu la mémoire, c'est pour ça. Sans rire, rien n'est gratuit et j'attache sans doute trop d'importance à nommer mes morceaux. Pas sûr qu'il y ait un lien direct entre le signifiant et le signifié cette fois-ci. J'aimais beaucoup le titre et je trouvais ça un peu poétique et il faut reconnaître que la composition graphique est belle.

L'ensemble du LP est tout en nappes et en notes aérées. C'est une volonté de sortir un album non-dansant à l'heure où on nous fatigue toujours avec cet impératif de clubbing ?
Oui, je n'arrive toujours pas vraiment à faire de la musique de club. J'essaie de créer ce que j'ai envie d'entendre chez moi l'aprés-midi, voire même le matin. « I.C.A. » est pour moi un track plutôt club quand même, mais je dois dire que Quentin n'impose rien à ses artistes. C'est pas le genre de type à te dire : « Coco, j'ai besoin d'un tube là ma poule ! » Même si je le vois très bien le dire, ahah.

Pour finir et puisque ta pochette met en avant une monstrueuse Rolls, je vais te donner quelques noms d’artistes techno et tu vas me donner leur équivalent en auto :
- Jean-Michel Jarre : Renault Espace 1
- Laurent Garnier : Ford Mondeo 1998
- Bob Sinclar : Seat Trans
- Pedro Winter : Austin Mini 5 portes
- Miss Kittin : Ford Fiesta bleue
- Carretta : Citroën Berlingo
- Rebotini : Fiat Multipla
- Koudlam : Renault 21 Nevada
- Manu Le Malin : Mégane Blanco
- Joakim : Fiat 500

Rod Glacial est une Peugeot 205 Forever 3 portes. Il est sur Twitter.