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Music

Hey les grandes perches, arrêtez de gâcher chacun de nos concerts !

Vous faites plus d'1m75 ? Alors lisez attentivement ce qui suit avant que « la Révolte des Petits » ne se mette en marche.
Ryan Bassil
London, GB

Il y a quelques avantages à être petit. Les scientifiques avancent que les gens de petite taille vivent plus longtemps, qu'ils n'ont jamais de problèmes pour étendre leurs jambes dans les cars de voyages ou au cinéma, et qu'ils paient beaucoup moins de TVA sur leurs baskets taille enfant. Mais il faut se rendre à l'évidence : les grands ont la vie plus facile. Et c'est particulièrement vrai si vous aimez aller voir des concerts.

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En tant que personne dont la taille se situe une petite dizaine de centimètres en dessous de la moyenne nationale, il y a bien plus de concerts où le public m'empêche de voir le groupe jouer que l'inverse. Le plus souvent, je passe ma soirée à jeter des regards de haine aux omoplates qui me bloquent la vue ou à m'étouffer dans les longs cheveux gras de la personne devant moi. Avec un peu de chance, il arrive parfois que, en me dressant au maximum sur la pointe de mes chaussures compensées, je réussisse à entraperçevoir les genoux du chanteur, dans l'espace brièvement laissé libre par deux potes en train de se sauter dessus.

On pourrait avancer que cela fait partie du frisson des concerts live. Si je n'arrive pas vraiment à voir un groupe correctement, il demeure une énigme – dont seule l'élite des géants détient la clé. Peut-être que tous les moments musicaux historiques – les Ramones au CBGB, les Sex Pistols au 100 Club, le Velvet Underground au Max's Kansas City – furent ce qu'ils furent parce que les petits, dans le public, étaient bloqués sans rien voir, ingérant des follicules pileux contre leur gré – ce qui pourrait bien être l'ingrédient secret de « l'expérience live authentique ». Peut-être qu'il y a un côté positif au fait de passer son temps à sautiller sur la pointe des pieds, comme renforcer la structure osseuse des homo sapiens pour les générations à venir, ou réduire le dépôt de cheesecake dans nos artères.

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Non, désolé, j'ai beau chercher : je ne trouve aucun avantage à être petit dans un concert. La seule chose à faire est d'accélérer les problèmes de vertèbres à venir en tendant le cou dans toutes les directions, comme un palmier pris dans un ouragan, pour simplement avoir un minuscule aperçu de la prestation du groupe. En quittant la salle, vos amis discutent de leurs moments préférés et votre seule contribution possible est une description détaillée des différentes odeurs de sueurs de dos s'étant déposées sur votre visage.

Ce qui est particulièrement rageant c'est que les gens grands ne réalisent tellement pas la bénédiction que représente leur taille qu'ils se postent là où bon leur semble. Voilà ce qui gâche tout pour nous, nous les petites personnes polies, douces et gentilles… qui ne voient que dalle. L'indifférence est partout – au sein du gouvernement, sur Internet, à chaque fois que je fume une cigarette – mais jamais je ne la ressens aussi frontalement que lorsqu'un individu de haute altitude se dresse fièrement devant moi, dans un concert dont il peut profiter sous tous les angles, alors que moi je ne le peux pas.

Et en tant que mec, je n'ai même pas droit au pire. Ma collègue de travail chez Noisey Emma Garland, également plus petite que la moyenne, m'a expliqué que la seule chose qui était pire qu'e d'être une femme à un concert, c'était le fait d'être une femme petite à un concert, parce que « chaque soirée implique de devoir choisir entre se mettre devant pour pouvoir voir la scène et risquer de se faire écrabouiller et/ou tripoter, ou alors occuper un emplacement stratégique à l'arrière ou sur les côtés, afin de s'allouer un espace vital mais qui équivaut à passer l'intégralité de son temps à éviter les coups d'épaules dans le nez. » Elle n'a donc pas eu d'autre choix que de devenir féministe.

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Alors, que faire pour régler ce problème ? Certaines salles – comme la Brixton Academy ou l'Hammersmith Apollo, à Londres – ont un sol en pente. En théorie, les espaces amménagés en hauteur devraient nous être d'une certaine utilité – sauf que les quelques centimètres de gagnés deviennent de plus en plus théoriques dès qu'une autre personne de grande taille se met en travers de notre vue. Pour qu'un sol incliné puisse fonctionner, il faudrait qu'il ait une inclinaison dangereusement abrupte. Choisir une place assise pourraît sembler évident. À mon âge avancé de 23 ans, âge qui me pousse à prendre un bain chaque soir et à choisir scrupuleusement les bougies qui décorent mon salon, j'en suis venu à apprécier les balcons des salles de concerts. Mais une certaine distance se met en place quand on est là-haut – comme si on ne faisait plus vraiment partie de l'action. Ce n'est plus la même chose, quand on doit rester assis dans son fauteuil, gagné petit à petit par le syndrome de la jambe qui tremble par procuration.

L'aspect positif d'un public qui filme le concert, c'est que cela créé un angle de vue supplémentaire. Je me suis souvent retrouvé à regarder un live via l'écran d'iPhone de quelqu'un d'autre – triste oui, mais c'était ce que je pouvais avoir de mieux. Et je suis quasiment sûr de ne pas avoir fait un seul concert en festival sans passer plus de 95 % du temps les yeux rivés à l'écran géant d'un côté ou de l'autre de la scène. Vu que les selfie sticks sont interdits dans les salles de concerts et qu'on ne trouve pas d'écrans géants dans les salles de moindre capacité, on parle plutôt de fugaces moments de répit que de vraies solutions au problème.

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Si l'on écarte l'idée de breveter une marque d'échasses confortables, d'aspect correct et respectant les normes de sécurité en vigueur, ou d'accélérer la sélection naturelle jusqu'à ce que les personnes de petite taille aient progressivement disparu de la surface de la Terre (ce qui est plus ou moins en train de se passer), il semble qu'il existe une solution bien plus facile à mettre en place : que les grands se mettent au fond de la salle bordel, ou qu'ils prennent enfin conscience de leur avantage. Je sais bien que ce n'est pas vraiment une idée neuve, mais en dépit des études affirmant que les personnes de grande taille sont à la fois plus intelligentes et plus sociables que les personnes de petite taille, (évidemment, toutes ces années de frustration laissent des traces), c'est quelque chose que le public de plus d'1m75 ne semble pas comprendre. En fait, il est tellement rare qu'une personne grande accorde de l'intérêt à la question que, lorsque c'est le cas, m'explique Emma, « ça procure une telle joie qu'on pourrait presque lui rouler une pelle sur place. » J'imagine donc que si rien d'autre ne marche, c'est une solution à envisager.

Mesdames et messieurs les grandes perches – je sais que vous me suivez sur ce point, témoignez-nous simplement un peu d'empathie, soyez un peu plus compréhensifs. Sérieux, je suis sûr qu'il vous arrive vous aussi de ne rien voir, avec tous ces téléphones-caméscopes, ces mecs qui slamment et ces gens venus de Scandinavie reconnus comme d'authentiques géants. Ça doit vous gonfler, non ? Si seulement on pouvait y faire quelque chose…

J'ai des tonnes de connaissances et de potes qui ressemblent à des Dirk Nowitzki maigres – j'ai donc, afin de tester mon idée, utilisé Joel Golby – rédacteur chez VICE, fan de Ratatat, et statistiquement Vrai Grand – comme cobaye pour répondre aux questions suivantes : (a) que faire si vous êtes petit et qu'un grand vous bloque la vue et (b) que faire si vous êtes grand et que vous bloquez la vue à quelqu'un. Moi : Hé, mon grand ! T'es dans le passage. Je peux me mettre devant toi ? Joel : Yep. Ça me va, parce que t'es pas très grand, pas vrai ? J'arrive à voir au dessus de ta petite tête. Si je te gêne, t'as qu'à le dire. Évite juste de gesticuler devant moi ou de discuter avec ton mini-pote. J'essaie de regarder un concert, là. Donc ferme-la.

Moi : Bien noté. Merci ! Tu viens de me redonner foi en l'humanité.

Si vous lisez ça et que vous faites plus d'1m75, imaginez le pic de colère brûlant que vous ressentirez lorsqu'un slammeur vous marchera littéralement sur la tête, à tel point que vous pourriez découper quelqu'un en tranches fines du simple regard, puis imaginez maintenant que vous ressentiez cette colère pendant environ 90 minutes, tout en étant forcé de renifler votre propre aisselle. Voilà, c'est ça. Alors dégagez maintenant ! Suivez Ryan Bassil sur Twitter : @RyanBassil