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Music

Tour de France : Malestroit

De Contra Legem à Yvonne-Aimée en passant par Skeud Music, Danse Froide et le festival Au Pont Du Rock.

Parce qu'à l'époque où les supermarchés vendent des bananes en sachet individuel, il est important de renouer avec ses valeurs et ses racines, nous avons proposé à des contributeurs Noisey et des invités de nous présenter une playlist exclusivement constituée d'artistes de leur ville d'origine, dans le cadre d'une rubrique intelligemment baptisée « Tour de France ». Après Bayonne, La Rochelle, Reims, Brest, Lyon, Tours, Poitiers, Rouen, Bordeaux, Toulon, Pau, Angers, Montréal, Le Mans, La Réunion et Rennes, voici Malestroit, petite cité de caractère, présentée par l'assistant rédac-chef de Noisey, Rod Glacial.

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AU PONT DU ROCK

Malestroit, son église, son canal, ses écluses, ses légendes et ses 2500 habitants multipliés par 10 le dernier week-end de juillet. Vous connaissez forcément le festival Au Pont du Rock (dont les deux premières éditions, comme son nom l'indique, eurent lieu près d'un pont avec une affiche résolument rock) si vous venez du Grand Ouest car Wiki est formel là-dessus : c'est le plus vieux festival rock de Bretagne. On raconte même que pour la deuxième édition, en 1990, la venue des groupes punk anglais Red Alert et Red London provoqua batailles rangées « à la britonne » dans tout le canton. Frustré de ne pas être allé y voir Mass Hysteria en 1997 (que celui qui ne s'est jamais donné la peine me jette la première pierre), je me rattrapai 2 ans plus tard dans ce qui reste probablement, avec le recul, comme la pire édition du festival : Marcel & Son Orchestre, K2R Riddim, Freedom For King Kong et j'en passe. Meilleur moment roc'k ? Sûrement en 2001 pour les 10 ans avec en invité, La Souris Déglinguée, qui avait rameuté pour l'occase tous les skins de la région, zéras qui côtoyaient au calme les fans de Sinsemilia et d'Uncommonmenfrommars. Quelle époque ! Le festival a lieu tous les ans et se déroule désormais sur deux jours.

CONTRA LEGEM

On peut dire que tout ce qui gravitait de cool dans le bourg tournait autour du groupe monté par les deux frères Lebrun. Créé en 1996 sur les bancs du lycée Marcelin Berthelot de Questembert (« chemins de la réussite » que j'emprunterai également à mon tour 4 années plus tard), Contra Legem débuta par un mélange de skatepunk, de hardcore 80's et de fusion 90's qui les mettaient dans plusieurs cases à la fois et leur permettaient tranquillement de figurer à la fois sur le sampler Punk Rawk Explosion de Rock Sound, les compilations Breizh Disorder de Mass Prod et de participer autant à des concerts hardcore dans des rades, des contests de skate qu'au moindre festival babeloche du coin. Et évidemment, on y était à chaque fois pour « supporter la scène ». Ils ont sorti deux démos, un mini-CD et un album avant de lâcher l'affaire vers 2006, un truc comme ça. Ces gars m'ont mis le pied à l'étrier de l'étalon hardcore. Je leur dédie logiquement mon plus beau vinyl coloré.

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SKEUD MUSIC Le seul disquaire « trve » du coin était à 15 bornes de Malestroit, Ploërmel exactement (9000 habitants), logé entre un Technicien du Sport et un Distri-Center, et représentait la seule alternative aux vendeurs en chemise des magasins Paroles & Musiques et Nuggets de Vannes. C'est toujours la fleur au fusil qu'on allait rendre visite à Hervé, un hardos80 comme on n'en fait plus, chevelure hyper entretenue et amabilité méga trop développée pour faire perdurer un commerce. Le mec animait également une émission metal tous les mercredi soir sur une radio du coin, Plum' FM (station animée entre autres par des handicapés mentaux et moteur). Je me souviens avoir acheté certains des pires disques de ma vie chez lui : Super Modern World de Burning Heads, Beyond Planet Earth de Shelter, You're Not Alone de Black Train Jack ou d'obscurs groupes de troisième zone au rayon fusion ou punk mélo. (Je possède toujours So long and thanks… de NOFX par contre, envers et contre tout) Mais on s'en foutait, c'était pas un problème puisqu'on pouvait se pointer dès le samedi suivant pour l'échanger ! On se marrait pas mal aussi à écouter des « nouveautés » metal, punk ou hardcore, à fond sur ses enceintes, qui donnaient directement dans les allées de la galerie marchande, camouflés au milieu des posters Nirvana et des T-shirts Korn XXL (fallait bien vivre, hey). La dernière fois que j'ai croisé Hervé, son shop avait été fermé depuis un bail au moment de l'implantation du centre culturel Leclerc, et il bossait pour un théâtre de marionnettes. Salut à toi, hard-moricain.

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FRAKTION PROVISOIRE

J'avais complètement oublié l'existence de Fabrice, le dernier Mohican du Morbihan, avant de repenser à cet après-midi où j'avais visité son fourbi, dans le bled de Carentoir, à 20 bornes de Malestroit. Le mec était une encyclopédie du punk français et anglais des années 80 et faisait vivre un label (au nom sûrement emprunté aux Messagero Killer Boys) ainsi qu'une VPC, entre deux concerts et une foire aux disques. Il restera célèbre pour avoir sorti les EP's les plus rares de Paris Violence, et ça, ça méritait bien une entrée dans la liste.

BAGAD AVEL DUAR

20 ans de bombarde en diable et de danse costumée sur le pavé de Malestroit, qu'est ce que vous allez faire contre ça ? Rien. Vous allez tout simplement les regarder tutoyer les cieux et défiler fièrement au festival Interceltique de Lorient en août prochain, point.

MURDER ONE À « LA VIEILLE AUBERGE » EN 1999

C'était notre CBGB putain ! Un concert 100 % HxC hardcore HxC, comme le dit le flyer, dans un lieu 100 % pas prévu pour, donnait forcément un concert mortel. Murder One et Disruptive Element étaient deux groupes de Vannes (préfecture du Morbihan, 50 000 habitants, un port, un caractère), branchés à la fois sur le crust anglais et sur le NYHC, qui tournaient déjà pas mal à l'époque. Moment daron : je les avais découverts sur une mixtape que m'avait faite une pionne du collège Yves Coppens, en 5ème. Contra Legem jouaient eux à domicile et avaient évidemment ramené tous les potes. Le bar de la place de l'église était sur-bondé, les mecs avaient à peine la place pour jouer, ça slammait et « pogotait » à fond, et personne n'appela les flics. Des années plus tard, un nouveau concert 100% hardcore aura lieu à Ploërmel, l'affiche ci-dessous vous donnera un aperçu de la quantité de fun que cette soirée généra :

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LE SKA-PUNK SHOW On vous a pas demandé de donner votre avis sur le nom de la soirée ni sur la charte graphique, ok ? Pour la première édition, je me souviens de la venue des Voodoo Glow Skulls, mètre étalon du ska-core californien, un style qui cartonnait toujours à l'époque, même jusqu'en Suisse. De là à défendre le genre, ne comptez pas sur moi. Toujours est-il que pour la deuxième affiche de ce gros concert annuel organisé par l'asso responsable du festival Au Pont du Rock (Aux Arts etc. – un problème ?), on avait assisté à l'alliance la plus motorcross ayant jamais eu lieu à Malestroit : Backfire!/Angel Crew, les bros hollandais de l'eurocore, et 2 Tone Club, fers de lance du ska en France. Un grand moment de mosh qui fit tourner la tête à la sécurité et une interview mémorablement nulle en coulisses.

POGO RANGEO

Franchement, un de mes flyers préférés tous styles confondus. Quand on sait en plus que le groupe était originaire de Néant-Sur-Yvel (soit Néant-Sur-Evil pour les convertis), un bled situé au milieu du triangle maléfique reliant Mohon, Taupont et la forêt de Paimpont (appelée également Brocéliande par les Français), on peut s'imaginer toutes sortes de choses concernant leur fameux rituel du « pogo en pays de menhirs ». Non loin de là évolue toujours à l'heure qu'il est un duo synth-punk baptisé COPINE CONNIE, je n'en dirais pas plus car on atteint ici les limites de la jurisdiction malestroyenne.

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DANSE FROIDE

Combo EBM ayant sévi sur MySpace vers 2008, plus personne n'a de nouvelles d'eux aujourd'hui. Leur mixture située quelque part entre Indochine et Underground Resistance tranchait plutôt avec le paysage ska-dub local. Reste quelques badges et stickers d'inspiration constructiviste distribués à une élite triée sur le volet.

HEY YOU! FANZINE

De 2002 à 2007, ce fanzine vaguement trimestriel, vaguement drôle, réussit à faire de moi le mec qui recevait le plus de courrier du canton (subjuguant le facteur à de nombreuses reprises - moment daron 2 : on parle d'une époque ou trading et envois promos allaient encore bon train). Mes calembours me valurent même un article dans le journal local (un sous-Le Télégramme), avec une photo hyper repris-de-justice qui fit marrer tout le monde. 13 numéros furent édités aux alentours de 150 exemplaires chaque, avant que le haut-débit n'ait raison de l'aventure qui se solda par un sommaire jamais vu réunissant, entre autres, Cro-Mags, Yelle, Cold World et les Plastiscines… Prends-ça Rock & Folk.

DO OR DIE « Active-toi ou crève », quand t'habites un bled de 3000 pelés, l'adage prend tout son sens. Ce label a été monté en 2013 par Régis, ancien roadie de Contra Legem et frontman des non moins légendaires W.B.C., groupe éphémère qui eut le temps de faire quelques concerts mais jamais de sortir un vrai disque. Malgré leur acronyme de Whisky Brothers Crew, le hardcore straight edge (de New York ou pas) les fascinait tout comme leurs grands potes de Contra Legem, même s'ils se plaçaient à l'exact opposé de ce style de vie, Bretagne oblige. On taira leur side-project inavouable baptisé les « Ska Mergez » (avec une faute à merguez) pour ne pas ternir leur légende. Pour l'année 2015, le label a déjà 4 sorties de prévus : un mini-LP de Death Squad (streetpunk de Rennes), une réédition du premier album des Trotskids, un disque de Radical Failure (de Rennes encore) et enfin le premier album des Kings Of Nothing, de Malestroit. Régis est sûrement le mec qui possède le plus de bons disques du canton et j'avoue en avoir bien profité. Toutes les infos ici.

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THE KINGS OF NOTHING Rien à voir donc avec le groupe gominé de Boston, ici c'est un O et non un U. Et perso, c'est un NON. No Offense, hein. Né des cendres de « No Bandera » et rejoint par l'ancien guitariste de Contra Legem, je n'ai jamais pu me faire à leur punk rock hyper breton entre Nevrotic Explosion et Burning Heads, soit tout ce que j'ai toujours détesté dans le punk et le rock : les mélodies. C'est quoiqu'il en soit un pur produit de Malestroit et ils jouent régulièrement, un peu partout. Je leur souhaite bonne route.

YVONNE-AIMEE

Comment se quitter sans évoquer, non pas la carrière de Daniel Rialet (

second couteau de Navarro

), ni le résistant Jacques Bonsergent (enterré également à Malestroit), mais l'histoire de la Mère Yvonne-Aimé ? « En 1922, elle vient pour la première fois en convalescence dans la clinique des Sœurs Augustines de la Miséricorde à Malestroit où elle se remet d'une fièvre paratyphoïde. Le 5 juillet 1922, dans sa chambre, elle a une crise mystique au cours de laquelle Jésus lui apparaît et lui parle. (…) En 1927, elle gagne le couvent des Augustines dont elle devient la supérieure en 1935. Elle y œuvre de 1927 à 1951. (…) Durant l'Occupation, elle soigne dans la clinique de Malestroit aussi bien des blessés allemands que des résistants, sauvant notamment la vie du général Louis-Alexandre Audibert, tout en réalisant des prodiges (stigmatisation, xénoglossie). En janvier 1943, un prêtre, la soupçonnant d'imposture, l'accuse d'être une "fausse mystique" et prépare un procès pour la déposer. Le 16 février 1943, comme elle en aurait eu la prémonition, elle est arrêtée par la Gestapo au prieuré Notre-Dame de la Consolation et amenée à la prison du Cherche-midi. Torturée, elle s'évade "miraculeusement"… » Et ainsi de suite (il vous faudra

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4h19 pour tout comprendre

). Avec tout ce patrimoine, je me demande encore pourquoi (mis à part les mystérieux FILS DE NOVEMBRE me souffle t-on, premier groupe d'

Oliver Mellano

), aucune scène dark-ambient-indus ésotérique n'a vu le jour dans le coin. Enfin, rien n'est jamais trop tard.

Tout ça pour vous dire que le groupe new-yorkais Agnostic Front jouera à la salle des fêtes de Malestroit le samedi 16 mai prochain.

Le 26 et 27 juin aura lieu la 8ème édition du Tapette Fest à Campénéac (sur les terrains d'entraînement des militaires de Saint-Cyr Coëtquidan) avec Jessica 93, Mudbath, Pizza Noise Mafia et plein d'autres.

Enfin, devinez qui s'ajoutera à l'édition 2015 du festival Au Pont Du Rock en vous rendant directement sur leur site.

Rod Glacial fait de temps à autre une blague qui tombe à l'eau sur Twitter.