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Music

Locomia est le seul boys band qui aurait pu signer sur 4AD

Ces Espagnols portaient les plus grosses épaulettes de l'Univers et ont inventé la hip-house néo-romantique.

1984, Ibiza. Cinq étudiants en stylisme forment un groupe qui va devenir une véritable légende en Espagne : Locomia. Si au départ, l'idée était de rassembler un collectif autour de la mode, c'est au final pour ses productions musicales que Locomia finira par devenir célèbre. La raison ? Un son comme on n'en entendait nulle part à l'époque, mélange de gimmicks latinos et de synthés obscurs, à la sauce Néo-Romantique -même si la plupart des gens se rappellent généralement moins de leur musique que de leur look de « bourgeoises à chemises bouffantes et chaussures de putes », comme dirait mon père.

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Le fait que Locomia ait excité toute l’Espagne et une poignée d'autres pays d'Europe n'a rien de surprenant. C’est sur le vieux continent que sont nées les figures les plus efféminées,

fashion

et excentriques de l'histoire de la musique (de Klaus Nomi à David Bowie en passanr par Miguel Bosé). Mais en Amérique Latine, où la mode et le sens de l'esthétique n'avaient pas évolué depuis la première guerre mondiale, le succès de Locomia fut aussi absurde et grotesque que leurs costumes.

Contrairement à Menudo, aux New Kids On The Block, à Take That, ou à n'importe quel autre groupe de minets à chorégraphies, Locomia ne fut pas un projet monté de toutes pièces par un producteur avec des pesetas plein les yeux. Leur stratégie, si tant est qu'ils en eurent une, était de faire exactement le contraire de ce que faisaient les boys bands : plutôt que de s'afficher en chemise blanche de lin ouverte sur un torse viril mais imberbe, ces mecs se maquillaient et portaient des tenues excentriques dignes des danseuses du Lido (où l'on discernait également cette fascination typique de l'époque pour l'Asie). Les adultes conservateurs d'Amérique Latine (c'est à dire les adultes d'Amérique Latine) ne savaient pas franchement quoi en penser, mais les ados latinos en étaient, eux, complètement barges.

L'une des choses les plus intéressantes chez Locomia – et aussi une des plus surprenantes – c'est la qualité de leur musique. Si l'on excepte son incroyable pochette,

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Taiyo

, le premier album du groupe, sorti en 1989, pourrait facilement passer pour un disque de chez 4AD. Dans «

Noche De Embrujo

», par exemple, on entend des sonorités orientales sur fond de percussions industrielles. Le morceau «

Taiyo

» mêle rythme martial, structure pop et samples lugubres. Leurs deux titres les plus connus («

Locomia

» et «

Rumba, Samba, Mambo

») figurent d'ailleurs sur ce premier album aussi bizarre qu’impressionnant.

Locomia a toutefois un point commun avec les boys bands : les membres du groupe étaient aussi interchangeables que des strings en lamé or. Tous, à l’exception du leader Xavier Font, se sont fait sortir l’un après l’autre, au grand dam des fans de la première heure. La déception sera également au rendez-vous quand Locomia sortira son second album,

Locovox

, en 1991. Le son et l'image du groupe y sont totalement lissés, brisant instantanément le lien qu'ils avaient tissé avec leur public de

muchachos

hystériques. Les critiques de

Locovox

sont sans pitié : commercial, consensuel, fade, sans intérêt. Il s'est malgré tout bien vendu.

Party Time,

le dernier disque du groupe, sort un an plus tard. Il s'agit de leur œuvre la plus méconnue, mais aussi la plus intéressante, directement influencée par la techno des années 90. Le groupe relègue les ballades de

Locovox

, comme «

Niña

», au placard, les remplaçant par des morceaux ultra-sexués taillés pour les suées sur le dancefloor (Titre principal de l'album : «

Je vais te la donner

», OK ?). Mais, suite à un litige avec leur manager, Locomania est forcé de disparaître.

À la fin des années 90, Xavier Font finit par gagner la bataille qui l'opposait à José, le manager. En revanche, ses tentatives pour remonter le groupe échouent complètement, et ce malgré le succès solo d'un des membres, Fransesc Picas, auteur de l'album Bendición que 98 % des espagnols connaissent. Depuis 2011, Locomia s'est techniquement reformé, mais a perdu son charme délicieusement subversif et est désormais considéré comme une vaste blague, les membres originels n'en faisant plus partie, et le groupe donnant désormais dans une dance vulgaire pour clubs gays européens bas-de-gamme. Que tristeza.