Il paraît que l’on ne guérit jamais vraiment de son enfance. Pas étonnant donc que que les rappeurs aient régulièrement fait allusion à leurs vertes années dans leurs textes. Mais loin des références cryptiques et des private jokes pour initiés, les MC’s ont construit avec le temps un véritable musée de la punchline constitué de dizaines de repères fédérateurs pour tous ceux qui ont grandi dans les années 80 et 90. Seulement voilà, il faut aujourd'hui penser aux nouvelles générations, à tous ces adolescents qui découvrent le hip-hop et qui ne comprennent pas lorsqu’un rappeur leur parle de « bornes kilométriques » (NTM, « La Fièvre »), de « Keuss » ou, plus sérieusement, du M.I.B, ce Mouvement de l’Immigration et des Banlieues inactifs depuis 2009 mais glorifiés dans « La France » des Spécialistes : « Y’a des pensées toutes faites et ceux qui les combattent comme le M.I.B/Défendre la France d'en bas, mec, on s'emboîte dans la même idée ». N'écoutant que notre devoir, nous sommes allés disséquer pour eux les expressions ou les références trop ancrées dans une époque pour avoir traversé le temps.
« J’défouraille lui ou elle/Criminel depuis le minitel ». Pour les enfants d’internet, du porno en haut-débit et de Tinder, cette phase posée par B2O sur « Bakel City Gang » peut sembler floue. De 1980 au début des années 2000, le Minitel est l’outil informatique n°1 des français. Notre proto-internet local, si vous voulez. Une référence à ranger aux côtés de la « 504 Break chargée » de 113 (« Tonton Du Bled »), avec laquelle le crew de la Mafia K’1 Fry débarque sur le plateau des Victoires de la Musique en 2000, du « 36 15 Ulla » (adresse pour rencontres sur Minitel) de Swift Guad, le Liptonic et la Buick des X-Men (« Les Bidons Veulent Le Guidon » et « One One One »), le Motorola d’ATK (« Qu’est-ce que tu deviens ? ») ou le Caramail, ce fameux portail Web pour ados, de Hugo TSR : « Les condés sont bons qu’à prendre mes morceaux de caramel/Laisse-moi l’bédo, y’a des pédos qui trainent sur CaraMail. »
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Dans le rap plus que dans tout autre style, le tristement célèbre « c’était mieux avant » semble régulièrement employé. Sinon, comment expliquer des titres tels « Tout N’est Pas Si Facile » de NTM, « Au Bon Vieux Temps » de la Mafia K’1 Fry ou « La Nostalgie Du Block » de Salif. Par conséquent, les phases transpirent la nostalgie : entre « Je lègue à tous mes potes mes vieux films de cul/ Ceux de la belle époque des pubis velus » d’un Lucio Bukowski qui a visiblement regardé plus de pornos avec Marilyn Jess qu'avec Anna Polina, et « Le Free Time est devenu la maison/En toute saison, sur les sièges étaient collés nos prénoms » d’un Shurik’n regrettant l’ancêtre du Quick, il faut bien avouer que nombre de rappeurs évoquent les années 1990 avec une pointe de nostalgie, voire d’amertume, dans la voix.Une époque où l’on pouvait encore tourner des clips dans une cabine téléphonique sans paraître has been (hein Sully Sefil ?), où l’on pouvait faire référence à l’affaire du sang contaminé sans devoir affronter des regards béats et étonnés (« Pour qu’on oublie que l’histoire du sang contaminé/C’est pour du fric qu’ils l’ont pas trié », de NTM), où l’on pouvait faire un petit clin d’œil à un entraineur d’Auxerre et que cela parle à tout le monde (« Avec mon staff, comme Guy Roux on est tous des pinces » de 113), où D. Abuz System levait encore _« plus de _jupes_ qu'il n'y en a dans toute l'Ecosse »_ et où, bien sûr, on pouvait encore rouler en Safrane et ne pas passer pour un ministre ou un mec de la BAC (« 1 gramme 2 grammes 3 grammes ça crâne sur Instagram/Ça braque ça deal du crack ça frime en grosse berline même en Safrane » de Zoxea).
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