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Damso a toujours sa boîte à punchlines sur lui

Le premier album du rappeur belge sort aujourd'hui, il s'appelle « Batterie Faible » et on en a discuté avec lui dans le TGV Paris-Bruxelles.

Hamza, Shay, Jones Cruipy… Damso fait lui aussi partie de cette génération de rappeurs belges shootés au hip-hop d’Atlanta et de Chicago. C’est aussi celui qui pourrait griller la politesse à tout le monde avec son premier album, Batterie faible. La raison est simple : depuis qu’il posé un couplet sur le « Pinocchio » de B2O, le Bruxellois a rejoint l’écurie 92i, a été mis en avant sur OKLM et a couché au sol tous les haterz en confirmant le coup d’essai avec « Débrouillard » et « Autotune », deux singles aux ambitions musicales opposées mais aux punchlines fortement chargées en testostérone. Suffisamment en tout cas pour évoluer aussi bien dans le rap dur que dans des titres au potentiel tubesque, pour conquérir aussi bien la Belgique que la France. Ça tombe bien, c’est lors d’un trajet entre Bruxelles et Paris que l’on a discuté avec Damso et que l’on a eu la confirmation de ce que l’on savait déjà : le Belge est bien décidé « à prendre le rap en levrette et à le faire crier par la fenêtre. »

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Noisey : Sur « Pinocchio », tout le monde s’accorde à dire que tu as surclassé Booba en un couplet. Ça te fait quoi ?
Damso : Surclasser, c’est vite dit ! Je pense que c’est une accumulation de divers éléments : je sortais de nulle part, personne ne me connaissait et je suis arrivé avec des punchlines bien meilleures que celles que beaucoup entendent régulièrement. Tout ça, ça a créé le buzz. Mais on ne surclasse pas Booba comme ça. C’est lui qui t’a repéré, non ?
Un mec que je connais lui a envoyé quelques morceaux et il a bien accroché sur « Débrouillard ». Il m’a dit qu’il aimait bien ce que je faisais et m’a envoyé un son, puis deux, puis trois, et on a fini par composer « Pinocchio ». Les autres ne sortiront peut-être jamais, mais c’est le jeu lorsque tu travailles en studio. Il y a des bonnes choses dans ces titres, mais ce n’est sans doute pas assez bon pour être publié. C’est comme au foot : ce n’est pas parce que tu fais une belle action que tu vas remporter le match.

Être repéré par le boss du rap français, collaborer avec lui, c’est quelque chose dont tu rêvais ?
Ça été un gros kif, mais je n’aime pas rêver. Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’il est rare de rencontrer un mec comme lui, un gars qui a gardé une âme d’artiste et est encore capable de faire des duos avec des mecs inconnus. J’en connais peu qui adoptent la même démarche. Avec OKLM, c’est pareil : il fait confiance à un tas de jeunes MC's. Et c’est ça que je retiens, davantage que le son que l’on a fait ensemble. Après tout, un morceau, c’est bien, mais je préfère retenir l’énergie et le partage qu’il y a eu pour lui donner forme. Ce buzz autour de toi, ça signifie un surplus de confiance ou une source de pression ?
Ni l’un, ni l’autre. Franchement, c’est surtout une source de motivation. J’ai impressionné le temps d’un couplet, mais j’ai envie de tout niquer pour de vrai maintenant. Je veux aller au fond des choses. Les gens se sont emballés un peu vite sur mon cas, maintenant il faut leur prouver que je peux tenir ça tout un album. Ça pourrait être stressant ou angoissant, mais j’aime trop les défis pour me laisser submerger par cette attente. J’ai besoin de toujours faire mieux, pour moi comme pour ceux qui m’écoutent. Il paraît que tu as écrit « Débrouillard » durant une période difficile…
En fait, je revenais du bled à ce moment-là, Kinshasa en République Démocratique du Congo. Je venais d’arrêter les études, je ne vivais plus chez mes parents et je dormais chez différents potes pour m’en sortir. J’étais dans une énergie très négative, j’avais l’impression d’être seul face à moi-même. Mais je gardais l’esprit clair : il fallait que je relève la tête, et vite. J’ai tenté de passer quelques entretiens d’embauches, mais ça n’a jamais débouché sur rien. Peut-être par racisme ou parce que je n’avais pas les études nécessaires, mais je rêvais de musique de toute façon. Depuis petit, l’école ne me convenait pas. Je préférais écrire pour moi-même. Et c’est comme ça qu’est né « Débrouillard », que j’ai écris sur le banc de la gare centrale à Bruxelles. Du coup, ça va beaucoup mieux maintenant. Je dirais même que cette expérience m’a été bénéfique, même si je n’aimerais pas que mes fils passent par là. Je savais que je n’allais pas traîner cette situation et ça m’a incité à foncer, à tenter ma chance.

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Tu peux nous parler de ta punchline sur Jay-Z et Beyoncé : « J’te vois comme Jay-Z voit Beyoncé. Une salope que je n’ai pas besoin de financer » ?
Tout le monde l’aime celle-là (Rires) ! En fait, elle est née à un moment où je traînais beaucoup avec une meuf un peu bourgeoise. On n’était pas vraiment ensemble, mais on se faisait quelques caresses si tu vois ce que je veux dire. Et comme c’était une fille riche, j’avais l’impression de ne pas avoir à faire d’efforts sur le plan financier, je savais qu’elle n’attendait pas de moi qui je lui paye des restaurants ou autres. Il y aussi celle sur Shy'm, dans « Pinocchio » : « Tu es passé partout comme la chatte de Shy’m ». T'as des preuves de ce que tu avances ?
(Rires) Non, et c’est pour ça que je précise juste après la punchline « J’sais pas si c’est vrai ». Je voulais éviter toute polémique, même si lorsque je suis tombé sur certaines de ses photos la rime est venue d’elle-même. Tu as quand même une certaine faculté à parler de cul. C’est ce qui t’inspire le plus ?
C’est vrai que j’ai un attrait particulier pour la sexualité. J’aime quand ce n’est pas beau, quand c’est insensible et percutant. Tout ça, ça me fait écrire. Et puis il y a quand même deux raisons essentielles à toutes ces allusions. La première, c’est que les métaphores sexuelles permettent d’avoir un propos très visuel. La deuxième, c’est que j’aime les femmes. Tout se rejoint, finalement. Depuis quelques années, le rap français est clairement dominé par les punchliners. Qu’est-ce qui te plaît dans cet exercice ? Tu te sens pleinement à ta place là-dedans ?
C’est surtout que j’aime bien les figures de style, les paraboles, etc. Je préfère mettre en scène ce que je dis, me creuser un peu la tête. Dire un truc du genre « Petit frère, il ne faut pas voler », ça ne m’intéresse pas. Je veux apporter quelque chose de plus. Après, je ne fais pas que des punchlines. J’ai parfois des propos plus sérieux, mais tu ne m’entendras jamais donner des conseils. Ça ne me plaît pas comme attitude. Regarde « Autotune », c’est une histoire très sérieuse, mais j’ai volontairement rajouté des punchlines. Ça le rend plus percutant.

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À l’image de « Débrouillard », « Autotune » est également très sombre…
Je dirais même qu’il est encore plus sombre que « Débrouillard ». C’est une histoire personnelle, mais qui, je pense, touche beaucoup de mecs puisque je parle de toutes ces filles que l’on trouve jolies et à qui on se sent obligés de mentir pour passer la nuit avec. Tu sais que jouer l’amoureux n’est pas la solution, tu sais que ça peut leur faire du mal, mais c’est plus fort que toi. Alors tu enjolives ton discours, un peu comme l’autotune avec la mélodie. Présente-moi le collectif bruxellois dont tu es issu, OPG, avec Ducke, Lio Brown, Dolfa et Romss.
Avec Dolfa, on se connaît depuis longtemps, on faisait des prods ensemble. Ducke, Romss et les autres sont venus après, mais ça doit bien faire dix ans que l’on se connaît. Il y a eu la mixtape 3013 il y a deux ans et, depuis, chacun prend son temps. On veut tous être prêts au bon moment. Par exemple, je ne sors des sons que depuis un an et demi alors que ça fait bien dix ans que j’écris. Il y aura d’autres projets avec OPG, on travaille toujours ensemble, mais on ne se presse pas. La scène belge est au sommet de la hype en ce moment. Comment tu expliques ça ?
Je crois que tout le monde rappe depuis longtemps, mais que personne ne savait vraiment comment se mettre en avant jusqu’à présent, que ce soit sur le web ou ailleurs. On ne faisait pas le taf comme il fallait. Par contre, on avait tous la niaque et on a fini par s’imposer dans le rap. Comme tout le monde est expérimenté, chacun sait où il veut aller et arrive avec une démarche bien affirmée. On n’est pas des arrivistes. Apparemment, les flics ont débarqué dans le studio d’Hamza lorsque tu l’as rencontré. C’est quoi cette histoire ?
C’était la première fois qu’on se rencontrait. Ça sentait la weed de partout et les voisins ont appelé les flics pour tapage nocturne. Du coup, ils ont débarqué avec les chiens, nous ont fait sortir et sont finalement repartis. De notre côté, on s’est remis au travail et on a produit quelques sons. Dont un qu'on a écouté en boucle. Il devrait être sur son premier album, Zombie Life, à paraître bientôt.

Tu es né en 1992, tu as des souvenirs musicaux de cette année-là ? Ou de ton enfance ?
Grâce aux grands frères, j’ai beaucoup écouté 2Pac, Doggystyle de Snoop Dogg, Ready To Die de Biggie, Dr. Dre et Warren G. Si tu regardes bien, j’ai donc été plus marqué par le rap de la West Coast, même si je kiffe beaucoup de mecs comme Nas également. Qu’est-ce qui te plaît dans le son West Side ?
C’est difficile à expliquer, mais il y a une touche, quelque chose qui fait que, malgré des propos très durs, ça passe très bien à la radio. J’ai l’impression que ça allait plus loin dans le délire, c’était très mélodieux, moins basé sur les samples que le rap ne- yorkais, plus dansant également, mais tout en restant thug. Ce contraste, c’est ce que j’aime. J’ai lu qu'il t'arrivait aussi d'écouter Mylène Farmer. T'étais sérieux ?
Je ne sais pas d’où ça vient, mais, à chaque fois que je l’entends, je perçois l’artiste derrière les morceaux. Il y a un délire, une vraie volonté de se renouveler à chaque nouvel album, un truc à la fois érotique, doux et sombre qui me plaît. C’est un univers très bizarre, mais je trouve que ça se démarque bien du reste de la variété française. Bon, parlons un peu de Batterie Faible.
Lorsque je me suis lancé dans cet album, j’avais déjà un autre projet, mais je voulais partir dans ce délire. J’ai enregistré 5 titres en 4 jours, j’ai fait un certain nombre de prods en une semaine, le label a bien kiffé et tout s’est fait rapidement. Le fait de travailler sur un projet plus long m’a fait du bien. J’en avais besoin. Ça été dur à finaliser, mais je sentais qu’il était temps pour moi de montrer aux gens que je pouvais changer le game. Je ne dis pas ça par prétention, mais par ambition. Après tout, c’est la base de n’importe quelle démarche artistique selon moi : si tu ne comptes pas bousculer les choses, alors à quoi bon ?

Tu as l’habitude d’écrire aussi vite ?
Ça varie d’un texte à l’autre. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que j’écris au moins une punchline par jour. Comme ça, si j’ai un trou au moment d’écrire un texte, je peux venir piocher quelques phases au sein de mes brouillons. Autant te dire que j’ai toujours ma boîte à punchlines sur moi. Tu avais aussi pour habitude de faire toutes tes prods. C’est toujours le cas ?
Non, pas toutes. Il y a quelques sons sur l’album que je n’étais pas capable de faire. En tout, il doit y avoir quatre productions qui m’appartiennent et le reste a été réalisé par des mecs qui m’ont contacté directement pour me proposer leurs travaux. J’avais créé une adresse mail spécialement pour que les producteurs m’envoient leur taf. Et je trouve que j’ai eu de la chance de pouvoir me confronter à des mecs aussi talentueux, ça m’a permis de m’ouvrir à différents sons, à différentes approches, à des ambiances plus cools que « Débrouillard » et « Autotune », des trucs plus légers comme à l’époque du « Talent ne suffit pas ». On doit s'attendre à d'autres surprises ces prochaines semaines ? Un autre feat ?
Je ne cours pas après les feats, je ne fais que prendre ce qui se présente… Cela dit, je bosse tous les jours ma musique donc il y aura forcément d’autres choses que l’album d’ici la fin de l’année. Avec OPG, on espère sortir notre album avant décembre. Mais comme je te disais, on ne se met pas de pression avec ça.