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Music

Le rap game est bien trop étroit pour Freddie Gibbs

On a rencontré le rappeur après son concert parisien pour discuter de sa ville paumée, de son boulot avec Madlib, de basket et du fait qu'il était « le meilleur d'entre tous ».

Photos - Eden Shohat

Après avoir longtemps squatté les studios pour fournir de la dope aux rappeurs qui venaient y enregistrer, ce natif de Gary, petite ville perdue à l’est de Chicago rongée par la misère, a fini par passer de l'autre côté du plexiglas pour prendre le micro et lâcher des freestyles dévastateurs. Vite repéré, il deviendra le premier rappeur de sa ville à signer sur une major. Et pas n’importe laquelle : Interscope. Après quelques mixtapes, un album solo et la création de sa propre structure, ESGN, il parvient à séduire Madlib, avec qui il sortira le très acclamé Pinata en 2014. Un album qui finira à la 39ème place du classement Billboard - pas exactement rien. Freddie Gibbs enchaîne depuis les succès, naviguant adroitement entre underground et mainstream tout en gardant un côté street et pimp.

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Quelques minutes après son concert de feu au Trabendo dans le cadre du festival Paris Hip-Hop, devant une foule en totale osmose qui reprenait au quart de tour les « fuck the police » qu'il balançait - aucun rapport avec la Loi El Khomri, cela dit : il s'agissait d'un hommage à l'un de ses amis abattu par les forces de l'ordre la semaine passée – on a pu discuter de divers sujets avec Freddie Gibbs : sa ville, son père, la pêche, sa haine du rap game, son amour des Bulls et son prochain album, toujours en collaboration avec Madlib, qui s'appellera Bandana.

Noisey : Tu as été le premier rappeur de Gary à signer en major, ça t’a fait quoi à l’époque ? J’imagine que tu étais fier.
Freddie Gibbs : En effet j’étais très fier, mais les mecs de Gary ne l’étaient pas, eux. Ils n’étaient pas heureux pour moi. Je les emmerde d’ailleurs. Beaucoup de mecs ont la haine contre moi, car ils voient que je réalise des choses qu’ils ne feront jamais. Mais j’ai transformé cette haine en énergie positive et ça m’a fait avancer. Qu’ils continuent à rager et à parler sur moi. Si vous ne m’aimez pas, allez vous faire mettre, j’avancerai, même tout seul s’il le faut et je continuerai à faire mes trucs. J’emmerde tous ces gars qui me souhaitent du mal par jalousie ! Comment ça se passe à Gary aujourd’hui ? La ville est toujours aussi morte ou ça évolue ?
Pas vraiment mais moi je fais ma part du boulot. Je fais ce que j’ai à faire et je multiplie les actions. J’ai fait des dons dans l’éducation, j’ai acheté des nouvelles chaussures aux équipes de foot locales, j’ai acheté des fournitures pour les écoles, j’ai organisé des levées de fonds… J’ai vraiment fait beaucoup de choses pour ma ville, celle où j’ai grandi. J’essaye de faire ma part contrairement à beaucoup de mecs qui se la racontent mais n’en foutent pas une ! Ils font du rap, parlent de salopes, mais ne font rien. Moi je n’ai rien à me reprocher, je fais le taff et je le fais pour les petits. En espérant que ça leur serve vraiment. En tout cas cette ville m’inspire toujours. La rue en générale m’inspire toujours autant. Je suis un mec de la rue, comme toute ma famille. Je trouve mon inspiration dans les rues de Gary et L.A. C’est de là que tout me vient.

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En parlant de ta famille, parlons de ton père. Il était flic - et d’ailleurs beaucoup de gens ne souhaitent pas t’écouter à cause de ça - mais c’était aussi un musicien qui a joué avec de grands noms, pas vrai ?
Oui c’est vrai mon père est vraiment un putain de musicien. Les Jackson 5 ont vécu à Gary, donc il a travaillé avec eux, mais aussi avec Jeffrey Osborne ou encore Deniece Williams. Donc oui, il a bossé avec du beau monde, il était chanteur. Tu n’as jamais collaboré avec lui, comme Nas a pu faire avec son paternel Olu Dara sur « Bridging the Gap » ?
Non, c’est vrai. Mais il ne voulait pas que je me lance dans la musique. Il ne m’a jamais soutenu et poussé là-dedans. Il ne t’a pas transmis son amour pour la musique ?
Non, non. Il ne voulait vraiment pas que je me lance dedans. Mais je lui ai prouvé que je pouvais le faire, que je pouvais être bon, même le meilleur dans ce que je fais. Et je lui prouve encore aujourd’hui. À tes débuts tu étais très proche de Finger Roll. C’est toujours le cas aujourd’hui ou votre relation a changé ?
On a toujours la même relation lui et moi. C’est comme un frère pour moi, c’est vraiment la famille. Peut-être même que dans le futur on fera même des projets communs. On est extrêmement proche lui et moi, pas de baratin. On se dit tout, on va à la pêche ensemble… Oh, tu aimes pêcher ?
Non je n’aime pas ça plus qu’autre chose mais si mon frérot me demande d’aller pêcher alors je le suis. S’il me demande de faire de la musique je fais de la musique avec lui. On roule ensemble, tu vois.

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J’ai entendu parler d’un possible projet que tu aurais enregistré avec Da Reapa avant qu’il meurt. Mais je n’ai jamais pu confirmer cette rumeur. Alors ?
C’est fou que tu connaisses Da Reapa. [Rires] En tout cas, non, on n’a jamais enregistré de truc ensemble. On trainait souvent ensemble c’est vrai et on avait fait un morceau tous les deux mais pas de projet commun. RIP Andre Jones, on t’oublie pas vieux. C’est fou que tu me parles de lui car on était ensemble la veille de son assassinat… Je ne sais même pas pourquoi il s’est fait tuer, mais il s’est passé ce qu’il s’est passé… Quand on regarde les morceaux que tu as sortis depuis tes débuts, on trouve des titres super underground mais aussi des tracks très mainstream. Comment tu expliques cette facilité à osciller entre les deux ?
C’est parce que je suis le rappeur le plus versatile de ce rap game en plus d’être l’un des meilleurs. Je ne suis peut-être pas considéré comme le meilleur rappeur, mais en tout cas je peux assurer que je suis le plus versatile. Je fais ce que je veux et je peux tout faire. Dans une interview, tu as déclaré « Tout ce que je fais, je ne le fais pas que pour moi. Si je vis c’est aussi pour les autres ». ESGN ton propre label, c’est aussi une manière de faire profiter les autres et de promouvoir les jeunes de Gary par exemple ?
Oui. On représente tous les gens qui luttent. Tout le monde lutte pour devenir meilleur à tous les niveaux. Certains luttent aussi pour sortir de la rue, essayer de devenir quelqu’un de meilleur et décrocher une meilleure situation. On essaye d’élever les consciences à un autre niveau de pensée. On brise les chaines et on essaye d’aller là où on ne veut pas qu’on aille.

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Parlons un peu de ton taf avec Madlib. Vous avez deux univers différents mais complémentaires, ce qui fait que quand on écoute Piñata par exemple, il y a ce côté léger, groovy et funky qui se mélange à ton coté hustler qui parle d’arme, de crack et de rêve américain. Comment tu définirais ta relation et ton travail avec lui ?
On est très proches. On avait déjà des amis en commun, puis on s’est rapproché et aujourd’hui on est comme des frères. Je suis le meilleur rappeur, selon moi. Donc quand tu associes l’un des plus grands producteurs de tous les temps à l’un des meilleurs rappeurs de cette nouvelle ère, ça ne peut donner que quelque chose de magique. C’est vraiment le meilleur producteur. Moi je travaille à devenir le meilleur rappeur de tous les temps. Je serai dans le top 10 avant ma mort. Je serai parmi tous les grands : Jay Z, Tupac, Biggie… Je suis différent de tous ces autres mecs. En parlant de Tupac, pendant le concert j’ai trouvé que tu avais les mêmes attitudes scéniques, c’est voulu ?
Non, mais peut-être que je suis possédé par le fantôme de Pac Ahah. Parle-nous un peu de Bandana, ton prochain album avec Madlib. On peut s’attendre à des collabs avec ton idole Scarface ou ton mentor Finger Roll ?
J’ai plein de nouveaux projets qui arrivent. Il y a cet album avec Madlib qui sortira mais il y aura aussi beaucoup de surprises avant ce projet. Bandana est une grenade, mais j’ai quelques balles à vous tirer dessus avant. Tu parles toujours d’armes, en fait.
Bandana c’est une grenade, mais avant de la lancer je vais rafaler quelques surprises. C’est tout ce que je peux te dire : Bandana va tout exploser, et je vous conseille vraiment d’être prêt.

Tu es sûrement le seul rappeur à avoir rappé dans une baignoire pleine de serpents, ça fait quoi?
Selon moi, ce clip et ce morceau sont sous-estimés… J’avais cette idée en tête donc je l’ai fait. Personne n’aurait osé faire un truc pareil. Surtout pas un rappeur noir. Je ne suis pas du même niveau que ces niggas. Moi je suis une putain de rockstar. Je suis comme Mick Jagger, Kurt Cobain ou qui tu voudras. J’emmerde ces rappeurs, je ne suis pas une rapstar, je suis une putain de rockstar ! Pourquoi ça ?
Je roule avec des meufs comme Madonna. Je suis une rockstar comme Tupac. Le rap game change, et je ne suis définitivement pas comme tous ceux qui en font partie. Je fais mon propre truc, je suis unique, je ne copie personne d’autre et personne ne peut faire ce que je fais. Je sais que tu es fan de basket et surtout des Bulls, mais on va éviter de s'etendre sur leur passage en playoffs…
Nique les Bulls ! Je les emmerde eux aussi. Ils m’ont rendu ouf ! Bon c'est vrai, j’adore les Bulls, mais tous leurs dirigeants doivent se barrer. Les John Paxon, les Jerry Krause, il faut dégager toutes ces ordures. Un gros doigt à tous les dirigeants des Bulls. Ça a commencé dans les années 90. C’est d’ailleurs pour ça que Jordan n’avait aucun soutien des bureaux, ils prenaient aussi mon gars Pippen pour un vrai singe… Jordan n’aurait jamais dû jouer pour les Bulls tiens ! Il leur a bien trop donné à ces cons de dirigeants ! Cela dit, j’aime vraiment l’équipe, mais il va falloir faire du ménage en haut lieu, car les dirigeants ne pensent qu’à leur gueule . Tu vois qui l’emporter cette année : Cleveland ou Golden States ?
Cleveland mec, pour Lebron ! C’est son année. Golden State sont bons, mais c’est Lebron qui va faire la différence. Il va marquer ce sport plus que personne d'autre. C’est fini les séries de trois points inarrêtable de Curry. J’espère qu’il va passer à côté de son match. Il est très fort mais je veux que Lebron et Cleveland l’emportent. Tu as ta propre variété de marijuana, la Freddie Kane OG. Tu penses te mettre dans ce business de manière légale vu que le marché s’est ouvert aux USA ?
J’ai ma propre weed et mon propre crack mec, tout ce que je fais est légal. Que ce soit vert ou jaune. Merci à toi, Freddie.
Je t’en prie, merci à toi mec.

UPDATE 06/06 : Suite à un mandat d'arrêt autrichien pour viol présumé, affaire remontant à 2015, Freddie Gibbs a été interpellé par les autorités de police toulousaines jeudi dernier, avant le concert qu'il devait donner à la salle du Rex. Il est toujours en détention à la prison de Seysse ce lundi. Pas d'autres infos pour l'instant sur sa possible extradition.

Les photos du concert au Trabendo sur le site de Paris Hip-Hop. Salim est sur Twitter.