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Regardez la vérité en face : vos rappeurs préférés sont tous satanistes, écologistes ou féministes

Ouvrez les yeux, bon sang !
Genono
par Genono

L'avènement de YouTube au cours de la dernière décennie a permis l'émergence de trucs vraiment cools, comme les vidéos d'alligators affrontant des hippopotames. Mais YouTube a également apporté le mal : « Gangnam Style », Norman et les religieux du web. Sur le plan de la crédibilité, les religieux du web sont l'équivalent des géopoliticiens du PMU. Ils possèdent la science infuse, sont capables de donner des leçons au Pape, et ne se remettent absolument jamais en question. Et quand ces imams 2.0 rencontrent le petit monde du rap français, le choc est souvent très brutal.

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Vous êtes probablement déjà tombé sur l'une de ces vidéos génialement intitulées « L'album de Booba, annonciateur de l'Antéchrist », « En finir avec les incantations et blasphèmes de Kaaris », ou encore « Akhenaton ou la religion transformée en doctrine sataniste » - oui, c'est fabuleux. Le dernier prêche en date concerne PNL, et même si le titre est un brin trop sobre - « Soldat de l'Antéchrist », pas super original - le contenu de la vidéo ne déçoit pas. Textes surinterprétés, analogies hasardeuses, erreurs sur les paroles rapportées : tout y est.

​Prenez par exemple cette phrase anodine lancée par N.O.S au milieu du titre « Lion » : « Sur le front un M, dans le dos un V ». Pour quelqu'un qui suit plus ou moins PNL, la référence est claire : le M sur le front renvoie à Dragon Ball et aux personnages possédés par le sorcier Babidi, qui portent tous cette marque distinctive. Le V dans le dos est encore moins sujet à interprétation : pas besoin de vous faire un dessin pour que vous compreniez ce que signifie « être taillé en V ». Mais pour notre cyber-prêcheur, le M veut dire bien plus : « M comme mécréant. Le Dajjal (Antéchrist) aura le mot "Mécréant" marqué sur son front. Et ils le disent clairement : ils ont le M sur le front ! Dans leur dos, un V. Le V, qu'est ce que c'est ? C'est la victoire ! La victoire appartiendra aux croyants, à la fin des temps. Pas à eux. C'est logique ! »

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Logique, en effet. Ce type de discours sans queue ni tête est d'autant plus triste que dans le fond, il part d'une réflexion extrêmement intéressante sur le rapport que ces rappeurs entretiennent avec la religion (« Se mentir à soi, ou être hypocrite envers Dieu ? »). Le thème maintes et maintes fois abordé -mais jamais tari- du croyant autant attiré par la piété que par le vice, torturé par ses contradictions et dans l'espoir permanent de s'en sortir (« en contrat avec le sheitan, soeur, faut qu'je résilie ») est incroyablement intéressant. Si on évitait les raccourcis de type « parler d'enfer = satanisme » ou « se dire éloigné de la piété = avoir un contrat avec le diable » - qui décrédibilisent toute autre réflexion pertinente -, on pourrait approfondir le sujet de manière fabuleuse.

Malheureusement, ces vidéos (qui existent avec absolument tous les rappeurs) nous apprennent principalement une chose : avec suffisamment d'imagination, on peut faire dire tout et n'importe quoi à un rappeur. Le satanisme est une interprétation facile parce qu'il contient tellement de symboles que le moindre triangle ou le moindre que 6 suffit à faire passer n'importe qui pour un suppôt de Satan. Pourtant, il suffit d'un peu de bonne volonté pour sortir des sentiers battus, et faire passer vos rappeurs préférés pour des écologistes, des féministes, ou des défenseurs de la cause LGBT.

Booba, soldat de Green Peace

Mes frères ratpis, vous idolâtrez Booba, et vous imaginez qu'il propage sur terre les bonnes valeurs que sont matérialisme, misogynie et amour des armes à feu. Détrompez-vous : il fait défiler les culs dans ses clips pour mieux détourner votre attention ! Son véritable but est bien plus sombre : « fuck ta fondation de merde, j'préfère sauver les animaux », puis un clip en pleine nature avec un ours (une espèce menacée)… Vous avez compris : derrière ses airs de gangsta-rappeur, Booba est un militant écologiste. D'ailleurs, il annonce déjà son objectif effrayant : « Bombe nucléaire sur le game, il ne restera que moi et les rats » En clair, pour un esprit clairvoyant : le Duc prévoit de réduire l'espèce humaine en poussière en provoquant une catastrophe nucléaire -avec le soutien de Green Peace - afin de rendre la planète au règne animal, rongeurs en tête.

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Alkpote, défenseur de la cause LGBT

On aurait dû s'en douter depuis le premier « sucez ! », mais Alkpote est doué pour brouiller les pistes. Derrière ses déclarations condamnant fermement l'homosexualité, le rappeur essonnien ne fait que prêcher le faux pour imposer en douceur le vrai. « Nique les homos farceurs comme Elie Kakou » : si la rime semble a priori homophobe, elle est en réalité un plaidoyer pour que l'on prenne au sérieux la cause LGBT. Ses appels aux pratiques sexuelles entre hommes sont nombreux et variés, et surtout, à prendre au tout premier degré : « J'fais chier les constipés » ou « Ça finira mal, y'aura du liquide anal » sont clairement des hymnes à la sodomie ; « Si t'es un fin gourmet tu vas sucer des longues queues » est une ode à la fellation ; tandis que son obsession des semences masculines aurait du nous mettre la puce à l'oreille depuis des années : « Ferme ta bouche, frère, devant mes trouble-fêtes, ouvre-la seulement pendant les douches de sperme ». Complètement investi dans la cause, l'Empereur de la Crasserie est récemment passé au stade supérieur : encore plus que les droits des homosexuels, ce qui le préoccupe, ce sont les intolérances envers les transsexuels. Et pour marquer le coup, rien de tel que de s'attacher l'image de l'un des plus célèbres représentants de la transosphère : « c'que j'préfère c'est me faire sucer par Bruce Jenner ».

Joe Lucazz, femen qui s'ignore

On connait Joe, dealer de neige et accessoirement rappeur le plus sous-côté de tout le game. Un personnage sympathique, réputé pour son flow très atypique et la qualité fabuleuse de son écriture. Mais personne ne se pose jamais la question de ses véritables objectifs dans le rap. Pas l'argent, puisqu'il est tout sauf une machine commerciale, ni la gloire, puisque comme il le dit lui-même, « tu vois l'underground ? bah j'étais en dessous ». Non, sa véritable ambition est ailleurs : « derrière chaque grand homme, y'a toujours une femme », lance Joe dans le titre « Gatsby ». C'est un premier indice. Vous-êtes vous déjà posé la question de savoir ce que signifiait Lucazz ? L-U-C-A-Z-Z : Libération Universelle du Corps et Ablation des Zob et Zizi. Tout est clair : Joe Lucazz est une femen depuis le début, et le rap est le meilleur moyen de pousser la femme occidentale à se libérer de ses chaines imposées par la société machiste. Écoutez son featuring avec Butter Bullets sur l'album Péplum, tout est pourtant évident ! « Comme si la mort était une chienne bizarre », lance-t-il innocemment, imaginant que personne n'allait s'en rendre compte : la mort, une chienne bizarre… Le rappeur va en fait très loin, personnifiant carrément la Faucheuse en Femen. Ça fait froid dans le dos.

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Gradur, agent secret au service de l'armée

Un bidasse dans le rap, ça fait bizarre. À première vue, toute la carrière militaire de Gradur est loin derrière lui : son univers, aujourd'hui, ce sont les tournages à Chicago, les featurings avec les grosses pointures, et les plateaux télé. Il mène la grande vie, exhibe des armes de guerre dans ses clips, est entouré de gros tarpés et parle de drogue dans la moitié de ses morceaux. En somme : un empilement fabuleux de tous les clichés inhérents au monde du rap. Mais derrière l'image de gros dur, Gradur poursuit un dessein bien plus machiavélique. S'il raconte partout qu'il a déserté de l'armée, et qu'il a dealé dans toute la caserne pendant son service (« J'ai vendu la beuh en treillis allez virez-moi »), la réalité est toute autre : l'état-major français lui a en fait accordé une grâce en échange d'une mission secrète visant à pousser la jeunesse en manque de repères à s'engager. Un plan simple, scindé en quatre étapes : premièrement, vider les cerveaux au moyen de lyrics simples (« Nique ta mère, nique ta mère, ouai Sheguey, vas-y nique ta mère » - on ne fera pas plus simple) ; deuxièmement, imposer quelques règles de base de l'ordre moral (« Sheguey faut respecter la loi ») ; puis faire rêver en évoquant le quotidien des soldats (« On roulait des chars, on maniait des armes ») ; et enfin, placer le coup final en appelant la jeunesse à arrêter d'écouter de la musique (« Le rap c'est pour les militants, c'est pas pour les militaires ») et à s'engager pour travailler dur (« Je m'efforce de taffer comme un soldat à la caserne »). Daesh n'a qu'a bien se tenir : elle n'a plus le monopole des jeunes fans de rap en manque de repères qui s'engagent pour prendre les armes.

Rockin Squat, Black Panther

« Rockin' Squat signe la préface du dernier livre de Kémi Seba ». La nouvelle est sortie le 1er avril, et très franchement, tout le monde a cru à un poisson. Puis le 2 avril est arrivé, et aucun démenti n'a été publié. Et à bien y réfléchir, ça semble plutôt logique : souvenez-vous de son apparition controversée au Grand Journal en 2008 pour y interpréter France à Fric, et déclarer par la même occasion sa flamme au continent africain (« Négro, c'est l'Fonky Babtou qui rappe l'info, élevé au poulet braisé sauce mafé de Bamako »). Depuis ce tournant, Squat s'est engouffré dans le panafricanisme, prenant pour exemples des sportifs noirs (« Je suis le meilleur, le Mohamed Ali, le Mike Tyson »), reniant ses origines caucasiennes (« tu ne bouges plus, tu es figé comme l'Europe »), et se considérant comme membre à part entière de la communauté noire brésilienne (« Cidada de Deus, Salgueiro, Babilonia, Canta Galo : tellement de quartiers luttent pour résister, Black Rio »).

Genono est sur Twitter.