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Teengenerate a eu vingt ans l’été dernier

Les punks japonais ont atteint l'âge de la maturité. Enfin presque.

En plus d'être un de mes groupes préférés, Teengenerate fait partie des rares à avoir eu le bon goût de se séparer avant que ça tourne au vinaigre. Alors, quand on m'a invité au concert qu'ils donnaient pour leurs 20 ans, j'ai d'abord hésité. Traumatisé par un concert des Sex Pistols au milieu des années 90, je m'étais juré de vivre avec mon temps et de ne plus jamais me laisser prendre au piège des reformations. Mes certitudes ont été réduites en miettes le 3 août 2013, aux alentours de 20h, au Club Fever de Tokyo. Tous les vétérans de la scène rock tokyoïte étaient présents dans la fosse : Jacky and the Cedrics, les 5678's, Guitar Wolf, et j'en passe.

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« Get Me Back », « Mess Me Up », « 1979 »… Les chansons se sont enchaînées tellement vite que je n'ai commencé à réaliser où j'étais qu'à partir du troisième morceau. Je suis véritablement entré en transe lorsqu'ils ont enchaîné « Six And Change » et « Sex Cow ». Bordel, ils

savaient.

Après deux rappels, dont une reprise de « Wild Weekend » des Zeros, ils s'en sont allés. Rideau.

J’étais à genoux, incapable de réaliser ce qui venait de se passer, comme après une gamelle en scoot sur une route de campagne. Je me suis retrouvé face à Fink, le chanteur. Encore sous le coup de l’émotion, les mains moites, j’ai bavardé avec lui afin qu’il me raconte l’histoire du meilleur groupe de l’année 1994 et qu’il me parle de sa passion pour les Etats-Unis d’Amérique.

Noisey : Est-ce que tu peux présenter le groupe?

Fink :

On a commencé il y a 20 ans, en 1993, et on s'est séparés en 1995. On a joué pendant environs trois ans, à une époque où il y avait très peu de groupes de rock'n'roll au Japon. Tout ce qui nous plaisait alors venait des États-Unis. On s'est donc dit que ce ne serait pas mal de bouger là-bas. On avait déjà joué au festival Garage Shock (à Bellingham, entre Seattle et Vancouver) organisé par Estrus Records, et sorti quelques EP avec mon premier groupe, les American Soul Spiders, dans lequel mon frère Fifi jouait aussi. C’est grace à ce réseau qu'on a pu jouer aux USA dès la formation de Teengenerate. On voulait faire un truc plus simple, plus direct que mon groupe précédent, un mélange entre les Real Kids et DMZ. À l'époque, les groupes qui jouaient au Garage Shock faisaient tous du garage-rock (ce qui est plutôt logique), et le coté plus punk de Teengenerate a plu au public et aux labels, qui nous ont directement fait des propositions. Ça nous a permis de beaucoup tourner aux Etats-Unis. On a signé chez Crypt peu de temps après, ce qui fait qu'on a aussi pas mal joué en Europe. Ce furent trois années très intenses. On a fait tout ce qu'on pouvait rêver de faire avec un groupe.

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Tout ?

Avec Teengenerate, oui. On a tous eu d’autres groupes après, et on joue encore aujourd'hui. Le prétexte de ce concert, c'est les vingt ans de la création du groupe. Perso, ça m'était passé au-dessus de la tête, mais on nous a proposé de jouer pour l'occasion. Et vu qu'on ne s'est jamais promis de ne plus jouer ensemble, eh bien on a accepté. Mais ce n'est pas une reformation, juste un concert anniversaire.

Vous aviez la pression avant de monter sur scène (les 250 tickets ont été vendus en quatre minutes) ?

Pas du tout. J’appréhendais plutôt qu’il n y ait personne, vu qu’on n'avait pas joué depuis 15 ans. Je me demandais d’ailleurs si le public de ton âge nous connaissait. J’ai été rassuré quand j’ai vu que tous les tickets étaient partis en aussi peu de temps.

Vous allez également jouer en Espagne en novembre. Pourquoi l'Espagne en particulier ?

Ça fait cinq ans que le gens du

Funtastic Dracula Carnival

nous proposent de venir jouer. Ils sont même venus jusqu'au Japon pour nous voir ! Leur motivation nous a impressionné, mais on avait toujours refusé jusque là. On leur a finalement dit oui, vu que c'est l’année de nos vingt ans et qu'un documentaire sur nous va bientôt sortir.

Je suppose que c'est pareil aux États-Unis, mais en tout cas ici, quand on aime le punk-rock, on a forcément entendu parler au moins une fois de Teengenerate. J'ai l'impression, par contre que très peu de gens vous connaissent au Japon.

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À force de sortir des albums à l'étranger, notre public a fini par s’élargir. Surtout lors de notre dernière tournée. Mais c'est la première fois que nous jouons devant autant de monde au Japon, effetcivement.

Tu sentais une différence entre le public américain et européen ?

Pas vraiment. Le fait qu'on ne chante pas en japonais à une époque où c'était la norme a peut-être pesé dans la balance. S’il y a beaucoup de groupes qui chantent en anglais maintenant, ce n'était pas du tout le cas à l'époque. Beaucoup ne voulaient pas le faire. Cette scène n'existait pas encore. C'est pour ça qu'on est parti aux États-Unis.

Pour prouver que les japonais aussi pouvaient jouer du punk-rock ?

Plutôt parce qu'on cherchait un environnement qui nous correspondait vraiment.

Tu penses que les groupes japonais méritent plus de reconnaissance en dehors du Japon ?

Il y a pas mal de bons groupes aujourd'hui. Mais que ce soit au Japon ou ailleurs, il faut qu’ils se bougent un peu plus. On est parti aux USA parce qu'on était fascinés par ce pays. Évidement, ça fait plaisir quand tu croises des jeunes là-bas qui sont fans de ton groupe. Mais bon, quand on a la chance d'habiter sur la terre native du rock'n'roll, je pense qu'il y a mieux à faire que d'écouter des groupes japonais… Il faut d'abord commencer par connaître ses propres racines. Il n'y avait pas internet à l'époque. Le seul moyen de trouver la musique qui nous plaisait était d'aller la chercher sur place, et c’est ce qu'on a fait. Mais les groupes devraient d'abord se concentrer sur l'histoire de leur propre pays avant d'écouter Teengenerate.

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Rien à voir mais en juin dernier, quand on a interviewé Seiji de Guitar Wolf, il nous a confié avoir été très attristé par la séparation de Teengenerate. Vous avez pas mal tourné ensemble non ?

Oui. Guitar Wolf voulait tourner aux États-Unis, alors on leur a dit de venir avec nous. C'est lors d'un concert à Vancouver que Goner Records les a repérés et a décidé de les produire. C'est comme ça que tout a commencé. Je voulais montrer à ces mecs que Guitar Wolf avaient largement le niveau de leurs meilleurs groupes américains.

Contrairement à Guitar Wolf qui tourne toujours, vous vous êtes séparés très vite. C'est la technique pour devenir un groupe culte ?

Ça commence à faire un bail… Oui, ça aide sûrement à amplifier la légende. Mais Teengenerate n'a rien de culte. On est juste un vieux groupe qui sait exactement ce qu'il veut jouer.

Je ne pense pas être le seul à me poser la question, mais, elles parlent de quoi vos chansons, au juste ?

Nos paroles, contrairement à Guitar Wolf, on les écrit après avoir composé la chanson. Peu importe le sens, l'essentiel c'est que ça colle à la mélodie. On écrit ensuite de « vraies » paroles, basiques, en anglais, pour s’en souvenir. Mais vu que ce n’est pas ma langue maternelle, certaines tournures sont peut être un peu… exotiques.

C'est peut être pour ça que j’entends du français sur la version live de « Gonna Feel Alright » (« au revoir, ben oui, c'est comme ça »)

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Ha ha ha, c'est très bien comme ça. L'anglais d'un Britannique ou d'un Français ne sera jamais le même que celui d’un Américain. En France, prends les Dogs par exemple - un groupe que j'adore - ils ont beau chanter en anglais, tu sens nettement la différence. C'est pareil pour nous : on aura beau faire tout les efforts du monde pour avoir une prononciation parfaite, ça restera de l'anglais de Japonais. Mais bon, notre mauvais niveau en langues ne nous a pas empêché d'être un groupe qui tue. Du moment que ça colle à la mélodie, on peut chanter dans n'importe quelle langue : en anglais, en chinois, peu importe.

Un pote m'a chargé de te demander quand est-ce que tu reformes les American Soul Spiders.

Ha ha ha, jamais ! En plus, le chanteur vit aux États-Unis… Mais on reprend des chansons des American Soul Spiders avec The Raydios, mon groupe actuel. Ceci étant dit, tu pourras dire à ton pote que c’est un gros geek.

Merci Fink.

Merci à toi, ça fait plaisir qu'après toutes ces années, il y ait encore des gens pour nous interviewer… En tout cas, je ne suis pas prêt de m’arrêter de jouer.

Un gros arigatogozaimasu à Kôji et à toute l'équipe de Rock-Za Rock-shi.

Kant De Morgiou n'a pas de Twitter. Il est punk.