Oui, les beefs. Les embrouilles, les bisbilles, les chicanes, les fâcheries. Mais pas les bifles, ça, non, désolé. Pour le meilleur et pour le pire, le beef fait désormais partie intégrante de l'actualité musicale et à autant d'effet sur les aficionados que sur les badauds. Les fans se déchaînent pour trois fois rien, les artistes en font des caisses, soucieux de préserver leur image sans se faire marcher dessus, et les réseaux sociaux exacerbent l'ensemble avec un enthousiasme non dissimulé. Quant aux médias, n'en parlont pas, d'autant plus que ça fait des articles plutôt simples à écrire. La preuve ci-dessous avec ma sélection des meilleurs beefs de 2015.

Kanye West est invité au plus grand festival rock d'Angleterre. Ce n'est pas la première fois qu'un tel mélange des genres se produit. Ce serait même plutôt banal. Sauf que là, tout dégénère à la vitesse d'un cheval au galop. Ça commence par une pétition contre sa venue, qui récolte plus de 130 000 signatures. Ça continue dans le public où un génie aux premiers rangs accueille le rappeur en brandissant un drapeau sur lequel est imprimée une capture d'écran de la sextape de Kim Kardashian. Et ça se finira sur scène, où le show sera interrompu par un trouble-fête (Simon Brodkin), après avoir été copieusement saboté par la BBC, qui sous-titrait les lyrics de Kanye en abusant des traditionnels *** sur les mots injurieux, quand elle ne les remplaçait pas par d'autres, ou affichait carrément « He raps » sur l'écran. Note : 10/10
Gagnant : Glastonbury, sans l'ombre d'un doute.

Le grand classique. Un rappeur en plateau télé, un chroniqueur qui ne sait pas de quoi il parle, un pilonnage en règle. Moix a passé plusieurs minutes à expliquer à

Nekfeu

à quel point il était trop inoffensif pour faire du rap. Le membre de 1995, apparemment surpris, a opté pour une attitude de martyr, préférant prendre tout ça avec un sourire contrit, sans doute désireux de ne pas s'afficher sur un plateau télé. C'est vrai que taper dans ses mains en hurlant «

ça c'est le bruit de mes boules contre tes fesses

» ça aurait sans doute un peu niqué son image.

Note

: 6/10

Gagnant

: Yann Moix, mais par forfait. Rappelons que lorsqu'il était dans la position inverse, il s'était fait

joyeusement gangbanger

par les deux tâcherons dont il occupe aujourd'hui la place.

Ce qui a débuté comme un combat qui aurait dû être gagné d'avance pour Meek Mill s'est au final complètement retourné contre lui. D'abord parce qu'il a fait l'erreur de faire une première réponse ultra-paresseuse, ensuite parce que la fanbase de Drake, puis la majeure partie des « auditeurs d'internet » s'est copieusement foutu de sa gueule, le considérant comme un loser vivant aux crochets de sa femme (Nicki Minaj). Drake n'avait alors plus qu'à l'achever tranquillement, lui qui reste pourtant, pour peu qu'on s'en donne la peine, une cible de premier choix - demandez donc à Sauce Walka. Note : 8/10 pour le divertissement
Gagnant : Le twerk de Nicki Minaj pour Meek Mill, qui rappelle à tout le monde que la violence ne résout rien. Meilleure médiatrice de beef jusqu'à ce jour. Envoyez cette femme en Palestine putain.

Sultan est un rappeur de Bagneux, plus ou moins affilié à La Fouine et Rohff. Fatalement, Benash, rappeur 92i pour l'instant plus connu pour ses bastons que pour ses concerts, lui est tombé dessus avec ses potes et une partie de cette fascinante rencontre au sommet a été filmée au smartphone, vidéo qui se résume à Sultan à terre entouré de plusieurs mecs sans visage, un très mauvais cadrage, des insultes et un bâton qui joue à Dora l'exploratrice. Quelques temps après, Sultan a dédié un chaleureux morceau à son ennemi. Note : 5/10 pour le côté burlesque, mais ça reste assez moche dans l'ensemble.
Gagnant : Le site OKLM, qui a mis en ligne la vidéo de l'altercation.

Ce mec a cassé internet quatre fois cette année : d'abord quand on a su qu'il était à l'origine de l'augmentation faramineuse du prix d'un médicament contre le sida, ensuite quand on a appris qu'il était le mécène d'un label punk/hardcore, puis qu'il était l'acheteur de l'album unique du Wu-Tang Clan et enfin quand il s'est fait arrêter pour fraude par le FBI. Bref, le biopic de Martin Shkreli s'annonce comme le meilleur court-métrage de tous les temps. Note : 8,5/10
Gagnant : le FBI, si par un détail de procédure improbable, ils avaient finalement le droit de saisir les biens du bonhomme sans distinction chronologique, ce qui inclurait l'album du Wu.

Énième saison d'une rivalité qui dure depuis (trop) longtemps, la période de promo de l'album Nero Nemesis, sorti la même semaine que Rohff Game, a été ponctuée de nouvelles attaques de Booba sur son concurrent. Outre les traditionnels montages instagram, on a eu droit à une péripétie incompréhensible impliquant une tentative de hackage de la boîte mail pro de Rohff (?) via un faux mail de Lacrim (?!), autre rappeur. A noter que Rohff a cette fois répondu de manière virale, en tout cas il a essayé, mais le web est assez dur avec lui, ce qui n'arrange rien. Du coup, après une vidéo un peu trop longue sur l'épisode de la ceinture et le relais du témoignage d'un trans qui affirme s'être tapé Booba, les rat-pis ont fait leur office et l'équilibre s'est à nouveau renversé en faveur du rappeur de Boulogne, qui a effectivement vendu plus que son adversaire en première semaine, ce qui, en 2015, semble être le Graal. Note : 4/10, parce qu'au bout de tant d'années, on se lasse.
Gagnant : Jul. Comme à son habitude il a vendu plus que tout le monde, sans faire chier personne.

En cette fin d'année, DJ Khaled, notoirement connu pour ses frasques diverses et variées, s'est perdu au large de Miami, en pleine nuit, sur son jet ski. C'est alors qu'il s'est mis à détailler sur snapchat son périple pour retrouver son chemin, tout en dispensant des conseils essentiels comme lui seul en a le secret. D'ailleurs, il ne s'était pas vraiment perdu : il était juste, une nouvelle fois, sur la route du succès.

Note

: 10/10

Gagnant

: DJ Khaled. Objectivement le gars a tout pour devenir le prochain président des U.S.A.

Inutile de revenir longuement sur cette polémique désopilante, on l'a déjà fait en long et en large en temps voulu. Note : 8/10, parce que ça a occupé l'espace médiatique pendant une semaine entière.
Gagnant : Par défaut, Booba. Ça ne l'a pas empêché de vendre son album et les mecs en face étaient de toute façon beaucoup trop hystériques pour arriver à quoi que ce soit.

Parmi la quantité impressionnante de name-droppings débités par le rappeur, il y a eu un fameux « J'te la mets jusqu'à la ge-gor, comme si je baisais Mimie Mathy ». Suite à l'affaire Charlie, plusieurs médias ont relayé les propos pour montrer à quel point Booba était un vil individu. Ça a dû tomber dans l'oreille de Joséphine ange gardien, qui a répondu plusieurs mois plus tard. En bonne pro, elle a d'abord commencé par dire qu'elle ne souhaitait pas répondre, avant de finir sur un folklorique « si ça se trouve il regarde Joséphine et pleure devant son poste ». Note : 7/10, pour le côté surprenant et aussi pour ce montage
Gagnant : la presse people, qui n'aurait jamais imaginé un titre comme « Mimie Mathy clash Booba », même dans ses rêves les plus fous.

Le chanteur de Limp Bizkit a dit qu'il avait été inspiré par Rage Against the Machine. Suite à quoi le bassiste de RATM a dit qu'il s'excusait pour avoir inspiré un tel groupe de merde. Fin de l'histoire. Note : 4/10
Gagnant : Les gens qui n'ont jamais écouté aucun de ces deux groupes.

Lors d'un concert à Bercy, la chanteuse décide de se jeter dans la foule, sauf qu'elle foire son saut et se ramasse salement la gueule, devenant instantanément la risée d'internet pendant 48 heures.

N'est pas Beyonce qui veut

.

Note

: 7/10, elle a donné de sa personne, il faut lui reconnaître ça.

Gagnant

: Vidéo Gag ?

Après une interview où Bronson a fait l'erreur de dire qu'au final, il ne rappait pas exactement pareil que Ghostface, ce dernier a fait une vidéo de 6 minutes pour rappeler au « fat fuck » où était sa place dans la chaîne alimentaire. Malgré les excuses de Bronson, on a frôlé le dérapage avec l'arrivée de Popa Wu, affilié au Wu-Tang comme son nom l'indique, qui a à son tour

menacé le barbu

lors de la veillée mortuaire de Sean Price, rappeur décédé. Pas super classe, au point que Ghostface a précisé qu'il n'avait rien à voir là-dedans.

Note

: 6/10

Gagnant

: Ghostface Killah, même si la position qu'il prend dans sa vidéo peut faire penser qu'il est dans des toilettes à la Turque par moments.

Rappeur et plateau télé (bis). Rohff est invité de

Salut les terriens

, l'émisison de Thierry Ardisson sur Canal +. Parmi les autres guests, Laurent Baffie, grand pote de l'animateur qui a pris un malin plaisir à se foutre de la gueule de Rohff à chaque fois qu'il pouvait. Le rappeur ne voulant pas s'afficher (bis) a donc pris sur lui pour ne pas s'énerver, ce qui a donné lieu à une guerre des nerfs assez inattendue.

Note

: 8/10, c'était un vrai sketch de bout en bout

Gagnant

: Thierry Ardisson, parce que ça faisait super longtemps que plus personne ne parlait de son émission.

Alors qu'elle recevait un prix dont tout le monde se fout, Nicki en a profité pour insulter Miley Cyrus histoire de se venger d'une interview où la chanteuse la critiquait. Évidemment, Myley n'a pas vraiment répondu sur le moment. Pour reprendre l'expression chère à Kaaris, c'était

poids lourd contre trisomique

sur ce coup là.

Note

: 7/10

Gagnant

: La cérémonie des VMAs. L'échange a été repris partout, avec le logo MTV bien visible. A ce niveau de maîtrise c'est plus du catch qu'autre chose, d'ailleurs si on avait pu avoir un combat sur un ring, 2015 aurait globalement été une meilleure année.

Dans la famille lourdingue, je demande l'oncle bourré et le jeune qui n'en veut. Ça fait maintenant pas mal de temps que ce qui a commencé par une simple vanne relayée par Joey Starr sur les réseaux sociaux est devenue un petit running gag d'interview en interview. L'un et l'autre se répondent sans trop y croire, aucune vanne, aucune énergie, et évidemment aucun bon morceau. Comme tous les feuilletons mal rythmés, ça n'intéresse personne. Note : 2/10
Gagnant : Qu'est-ce qu'on en a à foutre, sérieux ?

2015 a été marqué par un double événement dans la carrière du bon docteur : la sortie du biopic

Straight Outta Compton

, et celle de l'album

Compton

. Dans un combat sans merci contre la réalité, Dre a réussi à faire réécrire des pans entiers de l'histoire de son groupe, rendu hommage à Eazy E, et fait taire ceux qui pensaient qu'il était fini sur un plan musical, tout en enterrant définitivement l'arlésienne

Detox

.

Note

: 7,5/10

Gagnant

: Nous, si Dre réalise enfin son rêve de

tournée européenne

pour prouver qu'il en a encore sous le capot.

Shay est une rappeuse plutôt agréable à écouter (un flow pas dégueu, des sons trap qui sonnent actuels) qui assume ses formes et sa féminité, ce qui dans le rap français revient à se faire traiter de pute tous les 4 matins. Ça pourrait passer si elle avait un rythme de sorties soutenu, ce qui inciterait à parler de sa musique, mais ce n'est pas encore le cas. Du coup, sur les réseaux sociaux et Twitter en particulier, la jeune femme se coltine pêle-mêle des déclarations d'amour perchées, des insultes et tout un tas de commentaires sur son physique. Miracle, la rappeuse prend tout ça à la rigolade, et ça ne va pas plus loin. Note : 6/10
Gagnant : Shay, parce que si on imagine 2 secondes la situation inverse (un rappeur à qui on ne parlerait que de son physique), soit le mec s'embrouillerait 24h/24 soit il chopperait la syphilis en niquant toute sa TL.

OK, on va un peu sortir du strict cadre musical mais il y avait des beefs qu'on ne pouvait pas passer sous silence. Et on va commencer par celui qui à opposé Catherine Deneuve à Dunkerque, où l'actrice tournait le film La Tête Haute, et qu'elle a qualifié, à sa façon de ville de merde, avec une punchline pas piquée des hannetons : « c'est un port, mais ce qui marche vraiment, ce sont les cigarettes et l'alcool ». Les indigènes du coin ont moyennement apprécié, le maire a riposté et Catherine est revenue sur ses propos, expliquant qu'ils avaient été tronqués et que la ville a « un certain charme très mélancolique », quoi que ça puisse vouloir dire. Note : 7/10
Gagnant : Dunkerque. Non seulement Catherine s'est excusée, mais en plus, Christopher Nolan va débarquer dans la ville pour y tourner son nouveau film. Victoire écrasante.

Là, c'est très technique. Comme chacun le sait, l'acteur a été révélé au monde entier par ce rôle, mais comme tous les personnages iconiques, il a tendance à phagocyter son interprète. Du coup, Hamill fait tout ce qu'il peut depuis des dizaines d'années pour prouver qu'il ne se limite pas qu'à lui. Quitte à aller loin : auto-parodies multiples (Les Simpsons, Jay & Bob contre-attaquent, plus récemment la série Flash), suppression du rôle dans son CV (ça ne sert à rien mais ça lui fait plaisir). Dernièrement, il a été le seul de l'équipe à soutenir les parodies graveleuses d'Amy Schumer alors que Lucasfilm avait ouvertement condamné la chose. Il a même proposé l'idée d'un « Luke méchant » pour la nouvelle trilogie, toujours dans l'optique d'enterrer le héros tel qu'on l'a connu. Note : 9/10 pour le travail de sape au long cours.
Gagnant : Mark Hamill. C'est pas pour rien qu'il fait la voix du Joker depuis 23 ans. Yérim Sar se bat et gagne chaque jour contre Twitter.