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Music

Tour de France : Avignon

D'Attentat Rock à Alcest, en passant par Cirdo, Peste Noire, Mireille Mathieu, SAGG et ce diable de festival.

Visuel - Christophe Raynaud de Lage pour Tragédie d'Oliver Dubois. Parce qu'à l'époque où les supermarchés vendent des bananes en sachet individuel, il est important de renouer avec ses valeurs et ses racines, nous avons proposé à des contributeurs Noisey et des invités de nous présenter une playlist exclusivement constituée d'artistes de leur ville d'origine, dans le cadre d'une rubrique intelligemment baptisée « Tour de France ». Après Bayonne, La Rochelle, Reims, Brest, Lyon, Tours, Poitiers, Rouen, Bordeaux, Toulon, Pau, Angers, Montréal, Le Mans, La Réunion, Rennes , Malestroit et Limoges, voici Avignon, présenté par notre contributeur Marco Martinez.

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ATTENTAT ROCK

Sans jamais l'avoir vraiment su (ni voulu), Attentat Rock est devenu l'une des valeurs les plus sûres du hard rock français. Quand on se plonge dans la discographie du groupe, on remarque que ces Avignonnais ont virevolté, pendant presque dix ans, un cran au-dessus de ce que l'Hexagone a enfanté rayon cuir et Adidas Challenger montantes. Pourtant, rien de bien exceptionnel chez Attentat Rock, mais ce pur produit du passé a quelque chose de foncièrement touchant, un je-ne-sais-quoi dans lequel toute personne ayant porté une

bullet belt

au moins une fois dans sa vie est obligée de se reconnaître. Reformé en 2008, le « gang des

saigneurs

» était à l'affiche du Hellfest en 2013 — une exposition inattendue pour Avignon, dont 80 % des musiciens préfèrent désormais le reggae à leur propre mère.

PESTE NOIRE
Peste Noire, c'est le bébé de Famine, un type qui n'aurait jamais dû partir d'Avignon. Quand il s'est tiré en Auvergne, la cité des papes s'est révélée plus accueillante : l'hiver est devenu moins rude, le risque de se faire trancher la jugulaire par un méthodiste pété au subutex a considérablement chuté et les camionnettes de prostituées — habituellement postées tout autour des célèbres remparts de la ville — ont petit-à-petit commencé à laisser leur place à des carrés de verdure. J'ai toujours chié sur le crowdfunding, mais je serais presque prêt à lancer une campagne pour faire revenir Peste Noire en plein cœur de cet immense cirque sous Ventoline qu'est le Festival d'Avignon. Famine y brillerait du mille feux avec sa farce black metal dopée à la musette, dans laquelle il beuglerait qu'Élisabeth Guigou raffole de ses cleveland steamers.

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LE FESTIVAL D'AVIGNON
Créé par l'éternel Jean Vilar en 1947, le Festival d'Avignon a d'abord été pensé comme une semaine d'art dramatique. En 2015, le drame s'étale sur trois semaines en juillet : pièces du « In » qui effraient le grand public, pièces du « Off » qui présentent une certaine idée de l'Enfer (« Ma femme me prend pour un sextoy », « Arnaud Demanche, le nouveau Schwarzenegger », « Une diva à Sarcelles »…) et, au milieu de tout ça, des milliers de vacanciers lents et des gustaves qui se réapproprient l'espace public pour interpréter leurs compositions approximatives. C'est notamment à cause de ces derniers que l'Avignonnais, le vrai, celui qui s'emmerde ici le restant de l'année, grille l'intégralité de son capital tolérance en vingt jours. Problème : il met onze mois à recharger ce même capital, ce qui rend (quasiment) impossible l'organisation d'un concert de musique amplifiée au centre-ville d'août à juin.

CIRDO
Originaire d'une bourgade anisée située à quelques kilomètres d'Avignon, Cirdo a fait la fierté de tout un département. Ce jeune loup, qui s'est fait tatouer « 84 » (le code Insee du Vaucluse) dans le cou, publie en 2010 le clip de son désormais légendaire « Y'a qu'les putes qui écartent ». Mais pour le tribunal correctionnel d'Avignon, cette petite vidéo véhiculait « un message violent, pornographique ou contraire à la dignité de la personne » : le rappeur est condamné à quatre mois de prison ferme et 500 euros d'amende - plutôt cher payé pour un clip tourné avec ses potes de ZEP dont un qui, visiblement, maîtrise déjà tous les rouages d'After Effects. Après avoir passé son adolescence à se dresser contre la société normée, son nom est devenu une marque familière, synonyme de tout ce qu'il y a de plus subversif dans le Comtat Venaissin. Il reste également l'un des rares MC de la nouvelle génération qu'Olivier Cachin n'a pas encore adoubé.

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SAGG
Il fut un temps très lointain — les années 2000 — où le goregrind était à la mode. Dans le sillage de Rectal Smegma, quelques nerds s'efforçaient de baptiser leur groupe de la manière la plus stupide possible afin de pouvoir jouer vite, mal et fort en toute légitimité. À ce petit jeu de merde, les fanfarons de SAGG (pour Sodomie Aux Gros Graviers) s'en sortaient pas trop mal. Leur titre « Gogo Gadget au Napalmeu » résonne encore dans la mémoire des jeunes sudistes pour qui « Hardcore Gamer » de Tripod était d'une magnitude de (seulement) 3,2 sur l'échelle ouverte de l'horreur. Et puis, mettons-nous d'accord : un groupe qui nomme l'un de ses morceaux « Hitler au chocolat » mérite d'être célébré.

MIREILLE MATHIEU
Quand je m'aventure hors du Vaucluse, je tombe obligatoirement sur des mecs qui me chantent « Sur le pont d'Avignon » et me demandent des nouvelles de Mireille. Eh bien figurez-vous que notre icône locale se porte merveilleusement bien. Plus resplendissante que jamais, elle est à Avignon ce que le black metal est à la Norvège : le produit culturel le plus exporté du secteur. En plus d'avoir écoulé 130 millions d'albums dans le monde, elle a survécu à trois choses terribles : 1) son lifting serré comme un lacet, 2) Emma Daumas et 3) sa liaison avec Vladimir Poutine. Cherchez pas plus loin : le vrai patron de la Cité des Papes, c'est elle.

ANGEL DUST
Avant d'être un album de Faith No More, une mutante de l'univers Marvel ou un groupe de punk hardcore US expéditif, Angel Dust était un groupe de speed metal qui prouvait que spandex et permanente faisaient également bon ménage sous le soleil de la vallée du Rhône. Mais après une paire de démos et une chiée de concerts dans la seconde partie des années 80, le soufflé est retombé et ces garçons pas forcément pleins d'avenir ont disparu sans laisser de trace. Un peu comme l'ancienne maire de la ville, Marie-Josée Roig.

ALCEST
Une proposition de loi visant à « enfermer tous les individus qui utilisent l'étiquette 'blackgaze' en parlant d'Alcest » arrive au conseil constitutionnel, mais c'est trop tard : ils ont déjà formé une armée. Déterminés, ils annexent Avignon — la ville d'origine du groupe — avec des blindés qui fonctionnent grâce à des panneaux solaires et créent la Principauté de Pitchfork. Les radios passent en boucle l'intégralité du premier LP de Slowdive, les rues sont éclairées par des halos photoshop et les gosses récoltent des 7,2/10 en dictée préparée. Neige, le chanteur d'Alcest, est rapidement plébiscité pour gouverner l'enclave. Son règne dure 27 ans et le Pitchfork Music Festival, relocalisé dans la cour d'honneur du Palais des Papes, programme exclusivement ses side-projects introvertis. Pas mal pour un mec qui a un nom de chien d'aveugle.