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Music

Les Juggalos australiens sont les gens les plus polis de l'Univers

Je n'aurais jamais pensé me sentir à ce point en sécurité dans un environnement exclusivement peuplé de clowns armés de machettes.

Toute ma vie cette année n'a été qu'un long défilé de clowns : des putain de clowns violeurs de culs et des clown canons qui secouent leurs fesses au-dessus de potentiels cadavres clownesques. Le spectacle de ce soir est le point culminant de cette vague étrange sur laquelle j'ai surfé, tel Kurt Russel dans Escape From L.A., effets spéciaux pourris inclus. Appelez moi Plissken. Appelez-moi Snake. Appelez-moi comme vous voulez, je m'en bats la race, je ne suis plus là, j'ai rejoint les fantômes de la société et leurs visages peinturlurés de noir et blanc.

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Le retour d'Insane Clown Posse en Australie, dix ans après leur premier concert ici, a soulevé une floppée de questions. Qu'est ce qu'ils vont faire ? Ils ne sont que deux, et ils n'ont pas de groupe. Et puis surtout, est-ce que ça existe les Juggalos australiens ? Oui, ça existe. Rien à voir avec le Gathering – il y avait plus de visages ordinaires que de faces peinturlurées – mais quand même. J'en croise d'ailleurs deux, dès mon arrivée dans la salle. En vérité, ces deux-là sont plutôt des Juggabros, des types qui parlent hyper fort sans jamais s'en rendre compte et qui ont été brisés dès leur plus jeune âge par une éducation défaitiste. Je prends des photos d'eux. Ils kiffent. On essaye de chanter tous ensemble le refrain de « Hate Her to Death », qui est une chanson plutôt cool, et à un moment, nos prostates se touchent.

Comme vous l'avez sans doute compris, je suis fasciné par la culture Juggalo, cette incroyable dégénrescence sociale initiée par le groupe Insane Clown Posse. Combien de cultures sont symbolisées par l'ombre d'un bouffon hirsute courant avec une machette à la main ? Combien de cultures ont permis à Mr et Mme Inadapté de trouver une nouvelle famille où tout ce qu'on vous demande c'est de vous mettre un peu de peinture sur le visage, en échange de quoi vous recevrez l'amour exclusif du peuple clown pour le restant de vos jours ?

Mais en fait, vous n'avez même pas besoin de vous peinturlurer la face. Rammenez-vous et ne soyez pas un connard, ça suffira amplement. Aux États-Unis, la culture Juggalo occupe désormais l'ensemble de l'espace délaissé par les hipsters, et il existe maintenant des « Juffalos », avec les deux G remplacés par des F pour FAKE. Techniquement, ça désigne les types comme moi – mais les clowns restent quand même sympas et plein de bonne volonté avec les Juffalos. Un jeune fou dont les pores travaillent méchamment sous sa seconde peau en Dulux pointe se pointe dans un coin et siflle : « Si vous avez des trucs, prenez les maintenant, ils vérifient les poches ».

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Il y a plus de sécurité ici que je n'en ai jamais vu à n'importe quel autre concert. Les policiers ont carrément bloqué tout le pâté de maison et patrouillent dans le quartier, par groupe de quatre, en fanfaronnant, et tout le monde se fait évidemment inspecter à fond. À l'intérieur, les murs suintent la Marlboro et le bar est le théâtre d'invraissemblables concours de politesses entre Juggalos. « Vous d'abord. » « Non, vous. » « Mon bon monsieur, je me dois d'insister. » « Voyons, ne soyez pas ridicule. » Les types sont tellement bien élevés qu'au final aucun des deux ne prend de verre, du coup j'en profite pour les griller et passer ma commande. Je n'aurais jamais pensé me sentir à ce point en sécurité dans un environnement exclusivement peuplé de clowns armés de machettes.

Une des premières parties est assurée par un mec du coin dont il faut que je vous parle immédiatement. Le mec gueule tout simplement un tas de conneries clown sur des tubes hyper connus. Aucun mix, ni remix : les morceaux sont intacts, c'est vraiment comme si un gars hurlait sur une vieille playlist NRJ. Il est accompagné par DJ Rob Zombie, qui enchaîne les disques, et pour qui ce n'est visiblement pas un problème de porter le nom d'un type 4000 fois plus connu que lui. Le groupe suivant est un représentant du #clowncore, il s'appelle Big Hoodoo et il est noir, ce qui n'a évidememnt aucune importance, mais qui mérite toutefois d'être souligné dans ce contexte bien précis. Parce que si vous dessinez mentalement un camembert de la répartition ethnique des Juggalos, vous verrez qu'il n'y a qu'une seule part.

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Big Hoodoo balance les mots comme s'ils sortaient d'une Uzi bien chaude, et nous, on ramasse ce qu'il balance. J'ai tellement de trucs entre les mains que je ne sais plus où les mettre. De nulle part, il envoie cette phrase, plus forte que le reste : « YO, J'AI ÉTÉ MOLESTÉ QUAND J'ÉTAIS GAMIN ». Et il enchaîne avec une description hyper détaillée des abus qu'il a subi, sans jamais perdre le rythme. Je lâche tout ce que je tenais. Le mec suivant est un gros forain avec un chapeau de cowboy. Son nom est Boondox. Il ne parle pas d'à quel point son papa était dur avec lui, ce qui est pluôt appréciable. Et soudain, ICP est dans la place.

« J'ai un pass pour l'after » me dit une jolie blonde à lunettes, avant de lever les yeux vers la scène, super mal à l'aise. « Mais je vais pas y aller. C'est … euh … » Elle regarde Violent J et Shaggy 2 Dope en plissant les yeux, puis fronce le nez et secoue la tête. « C'est que pour les filles ».

Elle prend ma main et me propose d'avancer de quelques rangs, et nous voilà couverts de sperme de clown ou, plus exactement, de litres de soda propulsés d'un coup de coude par Violent J sur une distance d'environ 45 mètres. Ils n'ont pas pu faire passer de Faygo à la douane, alors il utilisent un autre soda, qui a un peu le goût du Jolt. Et ça ne s'arrête jamais. Shaggy 2 Dope balance lui aussi des tonnes de sperme de bouffon dans la bouche et les cheveux du peuple clown, qui en redemande en hurlant.

Deux personnes habillées en bouffons démoniaques montent sur scène à droite et à gauche et commencent à se frotter à mort contre d'énormes bites en plastique. Elles s'envolent et sont bientôt remplacées par des mains invisibles. La salle sombre en quelques minutes dans le chaos général, un pur cauchemar. Des gens saignent, se prennent des coups à la tête. D'autres tombent. Des milliers de dauphins s'apprêtent à être exécutés. Coloniser Mars est la seule issue. On est sur le coup, mais je crains qu'il ne soit déjà trop tard. « On s'excuse d'avoir été absents aussi longtemps » dit Violent J. « On se voit en 2015, pour le Gathering ».

Toby est un journaliste de Sydney, qui aime parler aux inconnus. Il est sur Twitter: @jane_tobes