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Billy Corgan a fini par nous expliquer pourquoi les gens le détestaient autant

C'est bientôt Noël. L'heure du pardon. Pour tout le monde. Même pour Billy Corgan.

Photo - Scarlett Page

La plupart des gens considèrent Billy Corgan comme une grosse blague. Et pour cause : il transforme des nouvelles littéraires en récital de synthétiseur de 8 heures, c’est un fervent admirateur d'Alex Jones, un théoricien du complot, et il continue à appeler son projet « Smashing Pumpkins » bien qu'il soit le seul membre du groupe à avoir réellement joué dans les Smashing Pumpkins. Le fait qu’il ait intitulé le nouvel album du groupe Monuments to an Elegy n’aide pas vraiment non plus. Pourtant, depuis 9 ans, c’est grâce à lui que les Pumpkins sont restés l’un des rares groupes de rock alternatif des années 90 qui arrive encore à vendre des albums et à recevoir de bonnes critiques sans pour autant se limiter à un délire nostalgique.

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Leur album précédent, Oceania (2012), s’est écoulé à 54 000 exemplaires en une semaine, entrant directement dans le top 200. Ce qui n’est pas rien, pour un groupe de rock au 21ème siècle. Billy Corgan a reformé le groupe en 2005, sans les guitariste et bassiste d’origine (et le batteur Jimmy Chamberlain a lui aussi fini par quitter cette nouvelle incarnation quelques années plus tard), mais leurs albums et leurs concerts ont continué à être accueillis favorablement par Rolling Stone, Spin, et même la BBC. Corgan a beau provoquer les gens avec ses couvertures de magazines pour chats et ses livestreams de musique électronique bizarre, rien n’y fait : il est toujours autant admiré.

Monuments to an Elegy recevra sûrement le même genre de louanges quand il sortira la semaine prochaine. Comme la plupart des albums des Pumpkins avec un titre ridicule, le disque mélange thèmes sérieux et instrumentaux dignes d’une bande-originale de film. Même si l’Internet a pouffé à l’unisson quand Corgan a annoncé qu’il venait d’embaucher le batteur de Mötley Crüe (et ex-champion poids lourds des sex tapes de mauvaise qualité), Tommy Lee, pour l’enregistrement, impossible de nier que le son du groupe est aussi puissant qu’en 1995. Le feeling de ces nouveaux morceaux est à la fois aussi intime que sur Adore, et aussi énorme que sur Mellon Collie and the Infinite Sadness. C’est le genre de disque qui vous donnera envie de revenir à l’époque où vous n’étiez qu’un adolescent en train de pigner dans votre chambre.

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Après avoir écouté l’album avec attention, j’ai appelé Corgan pour parler de sa sensibilité, savoir pourquoi Tommy Lee avait rejoint le groupe et connaître les raisons pour lesquelles les gens le détestent autant.

Noisey : Comment Tommy Lee a atterri sur cet album ?
Billy Corgan : On bossait sur un morceau qui me rappelait le genre de trucs que Tommy joue. Je voulais trouver quelqu’un qui puisse jouer dans ce style. Pour déconner, j’ai dit : « Engageons carrément le vrai Tommy » . Le lendemain, je l’ai appelé. Je suis parti direct à Los Angeles pour aller le voir et lui proposer de jouer sur ce morceau. Il a dit non. Il voulait jouer sur l’album entier.

Tu étais fan de lui avant de l’engager ?

Oh, ouais. Je suis un fan du Crüe depuis leur premier album. Je connais Tommy personnellement depuis le début des années 90. Il venait nous voir jouer de temps en temps. Jeff [

Schroeder, le guitariste actuel des Pumpkins

] est super fan de Mötley Crüe aussi. Il a grandi à Los Angeles, donc pour lui, ce groupe est légendaire.

Sur le papier, ça a l’air un peu bizarre, mais en réalité, i

nclure Tommy dans le groupe s’est fait super naturellement.

Les titres de tes albums sont toujours très dramatiques. Tu les choisis comment ?

Pour être honnête, je sais pas trop. C’est des idées qui me viennent, comme ça. Quand j’étais gosse, je notais des expressions qui me venaient à l’esprit, des trucs qui n’avaient pas forcément de sens. Ça fait partie de ma poésie. J’ai pas de meilleure explication. J’étais à fond sur William Burroughs quand j’étais plus jeune.

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Tu écris tes albums grâce à ce genre d’inspiration ?
C’est très inconscient, en fait. Je fais juste quelques modifications à la fin, pour être sûr que ça ait un sens.

Ça t’ennuie que les gens se moquent de ton style dramatique ?
Je n’ai pas fait attention à ça. Je ne lis pas vraiment ce que les gens disent sur moi. Je suis curieux de savoir quel genre de blagues ils font.

Eh bien ils trouvent que le titre, Monuments to an Elegy, est très mélodramatique.
Pas plus que Mellon Collie and the Infinite Sadness. Et aux dernières nouvelles, cet album s’est vendu à dix millions d’exemplaires. Je ne veux pas me faire passer pour une victime - tous les gosses se font humilier d’une manière ou d’une autre - mais on m’a pas mal emmerdé quand j’étais jeune, parce que j’étais justement un peu mélodramatique. Mes camarades de classe m’humiliaient parce que j’aimais les livres et l’art. Pour moi, ce genre de critique est une métaphore de notre société : répressive et effrayante. C’est toujours intéressant de voir que les gens attaquent les mots. Les mots, en eux-mêmes, sont innocents.

Je suis hétérosexuel. D’une certaine manière, ça fait de moi quelqu’un d’étrange, parce que je ne suis pas supposé être sensible. J’ai grandi parmi des mecs athlétiques, dans un délire « mâles dominants » et tout ce bordel. Je faisais du sport et j’entendais certaines remarques… J’ai toujours trouvé ça bizarre, parce que les personnes que j’admire le plus sont des hommes qui étaient très équilibrés intérieurement.

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En quoi cet album est-il différent des précédents ?

Ben, déjà, les gens qui jouent dessus ne sont pas les mêmes. Je sais pas trop. Tout ce que j’essaye de faire, c’est de refléter qui je suis à travers ma musique. Si je suis dans un état d’esprit pourri, les disques seront pourris. Je sais pas quoi faire d’autre. Je suis un artiste qui fonctionne à l’intuition. Je fais semblant d’être un intellectuel, mais quand je travaille, je ne réfléchis pas. Les gens me demandent pourquoi j’ai fait un concert de huit heures avec seulement un synthé. Je sais jamais quoi leur répondre, je me suis levé un Mardi matin et ça m’a semblé être une bonne idée, c’est tout. J’ai un certain talent pour déclencher un tollé, quoique je fasse. Mais j’aime l’attention - ça fait partie du jeu.

J’adore quand l’art me met mal à l’aise. Et j’adore jouer avec les préjugés. À l’époque où Siamese Dream est sorti, ma présence sur scène et mon androgynie ont énervé les gens - jusqu’à les rendre violents, parfois. Beaucoup de mecs virils venaient à nos concerts mais ne pigeaient pas l’androgynie. Ils essayaient de passer par-dessus les barrières pour pouvoir m’en coller une, juste parce qu’ils n’aimaient pas la manière dont je bougeais mes hanches. C’était très étrange.

Je n'ai que 22 ans. Pour moi, c’est un autre monde.
Ça l’était. On subissait un niveau de répression incroyable. Pourquoi est-ce que cette répression existe ? Qu’est-ce qui va faire sortir quelqu’un de ses gonds ? C’est ce genre de préjugés, de non-dits, qui sont à la source de l’art. Plus jeune, j’allais voir beaucoup de performances artistiques. Des gens nus, en train de se recouvrir de chocolat, par exemple. En y assistant, je me disais « Putain, c’est quoi ce truc ? » . Mais avec le recul, je me rendais compte que ça avait déclenché une certaine réaction en moi. Pourquoi réagir de cette manière alors que c’était juste un mec couvert de chocolat ?

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Les gens se moquent de ton groupe, mais vos albums se vendent plutôt bien. Qu’est-ce qui rend ta musique si attirante aux yeux des gens ?
Difficile de répondre à cette question - qui est fantastique, et que personne ne m’a jamais posé. Les raisons qui font que le groupe est unique diffèrent selon les gens. Déjà, personne ne chante comme moi. Mon neveu de deux ans peut m’entendre à la radio et dire : « C’est Oncle Billy ! » . Personne ne peut imiter ma voix. Il n’y a qu’une voix comme ça au monde - pour le meilleur et pour le pire. De deux : je suis un compositeur. Je sais ce que je fais. J’ai étudié avec les plus grands. J’ai bossé avec les meilleurs producteurs : Alan Moulder, Roy Thomas Baker, Butch Vig. J’ai appris directement avec les maîtres du genre.

J’ai appris comment enregistrer des disques à l'ancienne. Et j’ai eu la chance de travailler avec des musiciens avec lesquels je m’entends bien, et qui m’aident à naviguer à travers un monde que je ne comprends pas - et que je ne prétends pas comprendre. Regarde la couverture. J’ai pris cette photo un dimanche à 6 heures du matin. Pourquoi elle ressemble à ça, j’en sais rien. Pourquoi j’ai intitulé l’album comme ça, j’en sais rien. Pourquoi est-ce que le dernier morceau de l’album parle d’un mec et d’une fille dans une voiture, j’en sais rien.

Je suis toujours là. Les gens me prennent pour un punching-ball, mais ils ne m’oublient pas. Je pourrais te nommer facile 57 groupes de ma génération qui ont eu autant de hype et de coups de pouces de la part des labels que nous. Parfois, il faut juste un peu de talent et de jugeotte.

Malgré tout ce que tu es obligé de supporter, tu as l’air plutôt heureux.
Je suis convaincu - et ça ne regarde que moi - qu’il y a une justice dans le cosmos. Jusqu'à l'âge de 30 ans, ma valeur en tant qu’être humain était juste équivalente à l'estime qu'avaient les autres pour moi. Et puis tu ouvres les yeux et tu dis : « Ma valeur n’a rien à voir avec ce que les autres disent de moi. Si je continue à penser de cette façon, je vais finir par me flinguer » . Tout le monde a vécu ça. Pas besoin d’être une star pour le savoir.

Mitchell Sunderland est sur Twitter.