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Music

On est allés voir Ministère A.M.E.R. et Psychic TV. En même temps.

Deux salles, deux publics, deux ambiances.

Dimanche et lundi dernier, deux groupes cultes mis au ban de la société (ce qui n'est pas un critère valide pour les réunir sur une même affiche, les hors-la-loi tracent seuls) jouaient à Paris. Les premiers, Ministère A.M.E.R., fêtaient leur grand retour (une simple reformation ?) à l'Olympia, ni plus ni moins, et les seconds, Psychic TV, proposaient leur nouveau live psychédélique dans un espace plus intime et élitiste, la Gaîté Lyrique. Nous avons envoyé deux membres de notre armée couvrir l'évènement, histoire de dire « HEY, on y était » !

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PUBLIC

Ministère A.M.E.R. : Contrairement à ce qu'on pouvait craindre, il n'y avait pas tant de vieillards que ça. Enfin il y en avait, mais j'ai surtout vu des jeunes qui envisagaient le show comme une sorte de cours de rattrapage sur une époque qu'ils n'ont pas connu. Du coup, tout le monde s'est donné à fond. Enfin, il faut préciser aussi que j'étais dans la fosse, parce qu'apparemment, dans les gradins les gens se plaignaient dès que quelqu'un se levait. Bon. Mais promis, globalement, le côté vieux con et nostalgie ne se ressentait pas trop. Pour être tout à fait rigoureux, il faudrait comparer avec le public d'un concert de IAM ou NTM, mais on ne me paie pas assez cher pour m’abaisser à ça.

Psychic TV : Tutti frutti de clients de chez REX (3, rue de Poitou) en sueur, de goths sous xanax et de pique-assiette de vernissage. Une atmosphère au carrefour de la rue de Bretagne et de Vieille-du-temple. Avant le concert, les débat s'amorcent. Les vieux mâles en perfecto causent du rapport entre musique industrielle et magie du chaos tandis que ceux sappés en Zadig débatent de théorie transgenre. Coincé aux cotés de ces derniers, j'ai acquis une grande connaissance des principes de définition sexuels. Une soirée placée sous le signe de la cérébralité.

PREMIÈRE PARTIE

Ministère A.M.E.R. : En fait j'ai loupé la première partie, donc je vais vous raconter ma vie. J'ai un rapport un peu particulier avec le MÄ. Je me suis rendu compte récemment que le groupe avait été mon premier contact avec le rap français, avec le morceau « Un Eté à la cité ». Plus précisément l'outro du morceau, la longue litanie d’insanités. Dans mon souvenir, j'avais fait chier un pote plus vieux que moi pour qu'il avance le son parce que je voulais entendre « toutes les insultes à la fin ». Ce n'est qu'après que j'ai réellement écouté l'album, et long story short, c'est un des rares de cette époque que je peux réécouter avec plaisir. Evidemment, les carrières solos de Stomy et Passi m'ont rapidement consterné malgré 2-3 trucs corrects et ce concert était l’occasion de les voir interpréter la meilleure partie de leur discographie. Merci de votre attention.

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Psychic TV : Quand on a le plaisir de voir une guitariste-chanteuse jouer de son instrument à l'envers sur sa croupe, on se dit qu'on a bien fait de ne pas faire le snob et d'assurer le coup pour la première partie. Public conquis. J'ai déjà l'accroche du report de Villa Schweppes : Magick Markers, un groupe psyché-no wave qui a du fessier.

ENTRÉE EN MATIÈRE

Ministère A.M.E.R. : Une intro à l'ancienne avec la voix de Kenzy qui résonne comme sur l'album, puis « Court plus vite que les balles », forcément. Les deux old timers sont déchaînés, Stomy gueule en mode rockstar à côté d’un Passi plus scolaire mais les deux ont bien répété et ça se voit. L'autre bon point c'est qu'on sent qu'ils sont contents d'être là. Est-ce parce qu'ils avaient l'impression de revivre un truc perdu depuis 20 ans ou simplement parce qu'ils réalisaient que malgré leurs disques d'or et/ou platine, aucun n'aurait pu remplir l'Olympia avec son seul nom en 2014 ? Va savoir mon con.

Psychic TV : Cinq minutes… Cinq minutes d'introduction tribale et planante… Le genre de son qui vous rappelle note par note pourquoi vous n'aimez pas la world music et n'avez jamais milité au sein du milieu associatif mais qui a le mérite d'ouvrir votre conscience : vous êtes un citoyen du monde privilégié et ça vous plaît. Passé ces cinq minutes, le show démarre en grande pompe. Le public saute et la musique vous pénètre. Vous savez désormais que vous aller passer un bon concert et toute crainte de voir Genesis périr sur scène est écartée. Le gusse est en forme et blagueur. En revanche, il a doublé de volume par rapport aux posters de lui que j'ai scotchés dans ma chambre de groupie.

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Photo : AG

TENUES ET SPECTACLE

Ministère A.M.E.R. : Tout le monde était en T-shirt et un écran projetait des trucs appropriés aux morceaux (des têtes de leaders noirs, des flammes, etc). En revanche, gros malentendu pour la dernière partie du show. On n'était plus à un concert Minsistère AMER, mais dans un revival Secteur Ä. C'est pas gênant, mais c'est pas tout à fait la même chose. On a donc eu droit à Pit Baccardi, les Neg'Marron Jacky et Ben-J ainsi qu'à Ärsenik (Calbo et Lino). À un moment, je me suis dit que Ben-J avait un faux air d'Idris Elba : c'est un signe qui ne trompe pas, ils sont restés beaucoup trop longtemps sur scène.

Psychic TV : Vestes à patches, guitariste échapé d'un cartel mexicain, Psychic TV nouvelle version ont le look d'un mauvais groupe de stoner. Ce qui est le lot de bon nombre de formations actuelles. Un peu de tenue, bordel ! On regrette alors la rigueur, Throbbling Gristle et les vestes militaires retaillées. Genesis P Orridge ressemble d'ailleurs de plus en plus à Brigitte Bardot période Front National. De moins en moins bandant et de plus en plus animal. Il a passé la majeure partie du concert à agiter un éventail autour de son visage (ou de ce qu'il en reste) sans même nous montrer un bout de sein, RIEN. Ce qui a dû en chagriné plus d'un dans la salle, moi compris. Pudeur de l'âge…

AMBIANCE

Ministère A.M.E.R. : Beaucoup d'enthousiasme et une pincée de réécriture de l'histoire dans la mesure où tout le monde feint d'ignorer la différence entre un ancien tube et un classique. Le plus triste étant bien entendu de constater qu’une grosse partie de la salle connaissait par cœur les singles radio comme « On fait le bilan » mais est infoutue de backer correctement la plupart des morceaux de 95200. Côté invités, ceux qui n'étaient pas là (Moda, Kenzy, Hamed Daye, Gynéco) sont tous cités et dédicacés : classe. Mention spéciale à la dédicace de Stomy pour le Doc : « il est en concert en Ukraine ce soir, mais tant mieux pour lui, les Ukrainiennes elles sont bonnes ». Ok. « Nègres de la pègre » avec Karl The Voice et surtout « Brigitte femme 2 » étaient parfaits (« les femmes de cooooooommissaires… »). Par contre, j'ai pas compris ce que foutait Youssoupha sur « Pas venu en touriste ». C'est quand même assez malheureux de s’infliger ça tout en sachant qu'on a Papillon et Sofiane en coulisse…

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Psychic TV : Ambiance psychédélique, colorée et sensuelle qui m'a donné l'envie de me réconcilier avec mon dealer et de prévoir mes prochaines vacances à Idanha-a-Nova. Une partie du public était complètement défoncée et une autre complètement subjuguée par les trémoussements de Genesis. Certains se déhanchaient pendant que les couples (tous sexes compris) s'emballaient. Un drame s’esquisse : vous êtes célibataire et les femmes sont belles mais vous n'arrivez pas à quitter des yeux Genesis qui vous fascine. Vous êtes alors foudroyé par une image contre-oedipienne où votre père surgit dans votre chambre, muni d'une paire de seins. Vous terminez rapidement votre cocktail pour oublier cette image troublante au plus vite. Pour ce qui est des blagues de Genesis, je n'en ai pas saisi la moitié. Toujours aussi cryptique. J'ai aussi un anglais de niveau CM2.

SCÉNOGRAPHIE

Ministère A.M.E.R. : Deux DJ, un batteur, un guitariste, un bassiste accompagnent le duo sur les planches. C'était plutôt une bonne idée d'avoir ramené des musiciens pour faire revivre les morceaux, parce que c'est vrai que le Ministère c'était aussi des instrus qui ne ressemblaient pas aux autres. Le show en lui-même était assez classique, bien rôdé et les deux compères n’ont pas à rougir devant la concurrence des plus jeunes. Plus le concert avançait, plus on voyait les proches/potes/pas-forcément-affiliés-au-Secteur-Ä-mais-un-peu-quand-même (dont RMA2N il me semble) prendre du bon temps sur le côté de la scène. Ah, et Lino a ramené la moitié de sa ville lorsqu’il a interprété « VLB », tradition oblige.

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Psychic TV : Quai Branly. Croix mystique sur fond de délire aborigène et de trip sous ayahuasca. Les cultures ont assurément dialogué. On aurait pu vous passer une vidéo de Palestiniens dansant sur du klezmer vous vous en seriez allègrement foutu, hein ? Soyons francs : les seins de Genesis SONT à eux-seuls la scénographie de la soirée. C'est moche mais fascinant.

POINT MUSIQUE

Ministère A.M.E.R. : Là il y a eu des hors-sujets. Le 1er c'était Youssoupha (voir plus haut). Le second c'est quand Stomy a ramené son fils sur scène pour faire « Mon Papa à moi », alors que niveau solo, Passi s'est juste contenté de faire « Les Flammes du mal ». Ça parle de cramer des trucs, c'était sur la B.O. de Ma 6-T Va Crack-er, on peut considérer que c’est cohérent avec le côté AMER si on voit large. Par contre, « Mon Papa à moi », c'est NON. Pas moyen. C'est pas comme s'il avait rien d'autre en plus, il suffisait de piocher dans l'album Rimes Passionnelles. Un « Sois hardcore » aurait été de bon aloi, mais bon, tant pis. L'Histoire jugera.

Psychic TV : Psychic TV a définitivement passé le cap de la mauvaise acid house pour boite de nuit wallonne. Le groupe a délivré un show puissant et organique, très orienté psych-rock. La majorité des titres joués proviennent de leurs derniers albums. Psychic TV est enfin redevenu ce qu'il était par le passé : un bon groupe. Le plus non négligeable : les reprises surprenantes de « Silver Machine » d'Hawkwind et de « Mother Sky » de Can.

FINAL

Ministère A.M.E.R. : « Sacrifice de poulet », forcément. Le titre incontournable vient conclure un show de 2h et des poussières, et rappelle ce qu’était vraiment le Ministère. C’est là que le concert se démarque des autres : évidemment ce n’est pas la reformation de NTM sur scène, mais ce n’est pas non plus uniquement un trip nostalgique à la Retour aux sources (show qui avait permis de ramener Expression Direkt sur scène, ça aussi c’était pas dégueu). Le Ministère ÄMER à l’Olympia, c’était aussi (surtout ?) une grosse revanche pour un groupe qui a marqué le rap français au fer rouge, s’est montré avant-gardiste sur bien des points mais qui n’a paradoxalement jamais été exposé médiatiquement avant les escapades solos toutes bien différentes du matériau de base. Voire qui était méprisé et mis à l’écart à l’époque de tous ces gens mal rasés et plus vieux que moi. Lundi soir, malgré quelques hors-sujets, le Ä originel a repris sa place. Rien que pour ça, ça valait le coup.

Psychic TV : Loupé. Trop occupé à susurrer des sermons du TOPY à l'oreille d'une serveuse impassible dans le but d'une hypothétique after. Désolé. Je mérite une punition. Yérim parle ECU, il te souhaite la bienvenue. Il est sur Twitter - @spleenter Romain est un parasite doublé d'un pique-assiette. Et il l'assume. Il n'est pas sur Twitter mais est abonné à la newsletter Germain Pire.