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Music

Dirk Ivens pilonne la scène électronique belge depuis des lustres

Le frontman flamand est revenu avec nous sur ses groupes, Absolute Body Control et The Klinik, sur l'EBM moderne et sur sa performance au festival Eurorock le week-end dernier.

The Klinik à Anvers (photo via)

L'histoire de Dirk Ivens va de pair avec l'histoire de la musique électronique en Belgique. En 1980, il forme le trio synth-pop Absolute Body Control et sera rejoint plus tard par Eric Van Wonterghem (qui sévit dans la techno depuis 20 ans sous le pseudonyme de Monolith). Il en profite en même temps pour créer son propre label, Body Records, afin de sortir lui-même les cassettes de son groupe. Sûrement vexés de ce qui se passe du côté wallon de leur pays, soit la création de l'Electronic Body Music par Front 242, ABC splitte en 1984 pour laisser place à The Klinik, trio cuir et cagoules, proposant un surplus de violence et de malaise au sein du paysage electro industriel. Ils sortiront de nombreux disques sur le mythique label Antler (Antler-Subway) avant que Dirk ne quitte l'aventure en 1990, soit avant le drame musical, pour se consacrer à plein d'autres projets : Dive (en solo), Sonar (en binôme) et de monter un autre label, Daft, sur lequel il sortira entre autres, Muslimgauze, Martin Rev, Le Syndicat ou Sleep Chamber. Le mec n'arrête jamais.

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Plus récemment, à la fin des années 2000, Dirk a fondé Minimal Maximal (label de rééditions de classiques en vinyle - il paraît que ça marche le vinyle) et en a profité pour carrément reformer Absolute Body Control en 2008 qui, chose rare, a sorti des disques aussi bons qu'à l'époque. Il en a également profité pour remettre la Klinik sur le circuit des concerts. Même s'il est ferme et assure que « Klinik a stoppé toutes ses activités à Berlin en décembre 2014 », on a demandé à Dirk où il en était aujourd'hui, pourquoi son groupe n'est jamais devenu célèbre et comment s'est passé le concert d'Absolute Body Control à la kermesse goth Eurorock, qui avait lieu le week-end dernier en Belgique et qui n'en finit plus de défrayer la chronique.

Noisey : Salut Dirk, comment t’as fait pour ne pas devenir taré depuis toutes ces années ?
Dirk Ivens : Haha, trois séances de piscine par semaine, ça aide à garder les idées claires ! Non mais plus sérieusement, la musique est comme un virus et je suis un atteint depuis un bail. Il ne se passe aucune journée sans que j’écoute un truc. C’est la principale source de joie de mon existence.

Tu as fondé 3 labels : Body Records dans les années 80, Daft dans les années 90 et Minimal Maximal, dont tu t'occupes toujours. Du passé faisons table rase ?
Non, ce n’est pas vraiment ça, mais parfois tu dois mettre de l’ordre dans tes affaires et c’est pourquoi on a lancé le label Minimal Maximal ; les CD’s ne se vendent plus et les gens se remettent à aimer le vinyl. Donc on se concentre là-dessus. Du coup, le label Daft est un peu en pause, on verra ce que le futur lui réserve.

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J'ai l'impression que la réédition des disques d'Absolute Body Control au milieu des années 2000 a donné envie à plein de gens de faire la même chose. Tous ces morceaux tuaient.
Quand on a arrêté en 1984, pour former The Klinik, on ne réalisait pas, et d'ailleurs on ne pouvait pas encore le réaliser, que la musique d'Absolute Body Control était aussi importante pour des tas de gens. Ce qu'on faisait n'était pas nouveau, parce qu'on s'inspirait également des groupes de early synth-pop mais j'imagine qu'on avait notre propre style. Le fait qu'on se soit reformés, qu'on ait enregistré de nouveaux albums et joué en live encore plus qu'à l'époque a montré qu'on avait toujours notre place dans la scène musicale actuelle.

Comment vous avez rencontré Agent Side Ginder d'ailleurs ?
Je connaissais leur musique et on est entrés en contact tout simplement. Ils m'ont demandé si je voulais collaboré avec eux pendant une tournée de The Klinik en Suède, ils ouvraient pour nous et le lendemain, tôt dans la matinée, on a enregistré mes vocaux dans la chambre d'hôtel. Le résultat est très chouette, on a eu beaucoup de bons retours sur ce morceau.

Aujourd'hui, pas mal de groupes américains (Youth Code, High-Functioning Flesh, Pure Ground…) tentent de raviver l'EBM old school mais ça ne touche pas trop l'Europe on dirait.
Pour être honnête, je n'aime pas les groupes qui ressemblent à des clones de Nitzer Ebb, de Front 242, etc… Ca ne m'intéresse pas. La question est d'être soi-même et d'essayer de créer son propre son. C'est très difficle aujourd'hui, c'est sûr, mais c'est encore possible. Pour revenir sur Agent Side Grinder, ils sont eux aussi électroniques mais ont trouvé leur style, et ça, j'apprécie.

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Quels sont les groupes actuels que t'aurais envie de signer ?
J'aime trop de groupes, c'est mon problème. Un de mes préférés en ce moment, c'est KELUAR, mais ils sont déjà signés haha !

C'était quoi le climat quand vous avez débarqué dans la scène électronique avec Klinik au milieu des années 80 ?
Les gens ne comprenaient pas ce qu'ils voyaient et entendaient. Ces types sur scène, habillés tout en cuir, a tête entourée de bandages ; des assauts électroniques lents et sombres ; des vidéos d'opérations chrirugicales sur grand écran… À l'époque beaucoup de gens s'évanouissaient lors de nos concerts. Une sacrée atmosphère haha !

Qui a eu l'idée de ces bandages d'ailleurs ?
On voulait que les gens soient mal à l'aise lors de nos performances, comme dans une clinique où tu rencontrerais ce mêmegenre de climat malsain, un lieu où tu ne saurais jamais si les médecins vont t'aider ou te faire du mal. Et puis, nos visages recouverts ne permettaient de laisser passer aucune expression ou émotion, ce qui était encore plus insoutenable.

Je me suis souvent demandé pourquoi la Belgique était le meilleur pays niveau musique électronique dans les années 80.
Peut-être parce que les instruments électroniques et les synthétiseurs n'étaient d'un coup plus aussi chers qu'avant et un paquet de gens étaient inspirés par cette nouvelle vague de groupes comme Cabaret Voltaire, The Human League, Throbbing Gristle, Suicide, Wire et les autres… C'était une période vraiment excitante, et vu que tous ces instruments étaient analogiques, l'expérimentation était quasi obligatoire, et poussait tous ces groupes belges à créer leur propre style.

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Est-ce qu'il existait une sorte de « fraternité » au sein de la scène EBM ? Vous fréquentiez des groupes comme Front 242, DAF ou Nitzer Ebb ?
À cette époque, pas vraiment. Je me souviens avoir joué à Bruxelles avec Nitzer Ebb et Douglas [McCarthy, le chanteur] n'avait que 19 ans, haha. Front 242 parlaient français, nous étions et sommes toujours Flamands. Le seul groupe avec qui nous avions une forte connexion c'était A Split Second, on a joué beaucoup de fois ensemble et ils n'habitaient pas très loin de chez nous.

Pourquoi The Klinik n'est pas devenu aussi « connu » que tous ces groupes ?
Parce qu'on sonnait moins commercial ? Parce qu'on n'avait pas d'agence de booking ni de manager ? Qui sait. Le fait est que nous sommes toujours actifs aujourd'hui, on n'a jamais autant joué que ces dernières années et notre musique est toujours joué dans n'importe quel club goth partout dans lemonde, donc tu ne m'entendras jamais me plaindre.

C'est quoi ton album préféré de Klinik ?
Disons que mon favori est le boxset de 8 CD qu'on a sorti en 2013 ! Trop dur d'en nommer un seul, chaque disque a eu son effet à une certaine époque, c'est une question de lieu et de temps. On est vraiment fiers de ce qu'on a accompli et le dernier en date, Eat Your Heart Out, est particulier pour nous parce que on ne se serait jamais douté qu'on ferait un nouvel album entier après toutes ces années.

Tu es de retour pour de bon avec Marc Verhaeghen ?
Je ne sais pas si ça va continuer. Marc est malade depuis un bout de temps maintenant, et il n'est pas monté avec nous sur scène depuis 6 ans maintenant. On a décidé d'arrêter après la tournée « Eat Your Heart Out » en décembre dernier, donc tout est encore incertain, la prochaine fois, on s'évaporera pour de bon… alors profitez-en tant qu'on est là.

Et au sujet de tes autres projets, Sonar et Dive tournent toujours ?
Ils sont tous actifs, surtout au niveau live. En ce moment, on bosse sur des nouveaux morceaux de Absolute Body Control et pour le reste, on verra !

ABC à Eurorock 2015 - Mais qui est ce putain de gamin ?!

Un dernier mot sur le festival Eurorock qui avait lieu le week-end dernier ? Il fait la une des journaux belges depuis que 80 000 euros ont soit-disant disparu de la caisse et que l’organisateur a été admis à l’hopital pour « problèmes cardiaques ». Ca s’est passé comment pour vous, vous avez pu jouer ?
C'était un super évènement, il y a eu des problèmes en effet mais seuls 3 des 42 groupes programmés n'ont pas pu jouer [dont Fields Of The Nephilim qui l'ont mauvaise], de là à parler de « fiasco »… Nous, on a passé un super concert, matez les photos sur Internet. Après, pour les conditions et les contrats des autres groupes j'en sais rien, mais avec nous tout a été OK. Les meilleurs performances du week-end ? Crash Course In Science, Portion Control, The Juggernauts, Peter Hook, Killing Joke… Le site internet de Dirk Ivens, à l'ancienne. Rod Glacial garde le contrôle absolu sur son corps. Et sur Twitter.