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Music

Slows, Mr.T et révélations cosmiques : Marshall Jefferson revient sur les débuts de la house

« C’était la fin des années 70 : tu allais en boîte, tu dansais collé-serré avec une fille, tu lui agrippais les fesses et hop, l'affaire était pliée. »

Comme la plupart des gens qui font ce boulot, j’ai vécu entouré de musique. Ma mère jouait du piano et de l’orgue et il y avait toujours un disque qui tournait sur la platine. Mes parents appréciaient Lou Rawls, la Motown, ce genre de choses. Moi j’étais plutôt adepte de Cream, Led Zeppelin et Jimi Hendrix. Il y avait des Black Panthers dans la famille et je détestais les rassemblements à la maison, alors je mettais du rock sur la platine pour les agacer. C’était ça, ma rébellion.

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Mes parents avaient l’habitude de nous emmener aux concerts, mon frère et moi, alors quand j’ai finalement mis les pieds dans un vrai club, j’avais déjà vu une vingtaine de shows dans les pattes. Le premier concert que j’ai vu, c’est James Brown, vers 1970.

Mon premier club, ça devait être Dingbats ou Nimbus, à Chicago. Le physio du Dingbats à l’époque, c'était Mr T., mais comme il bossait à la porte, tu avais tendance à ne pas trop le remarquer. Et avant même d’être célèbre, il était déjà devenu riche et avait quitté les lieux. Le vrai plus du Nimbus, c’est qu’il y avait ces plafonds hyper hauts et, comme son nom l’indique, des nuages y étaient suspendus. Le DJ du club s'appelait Derek Northley, un type que j’observais pendant son set pour repérer ses techniques, que je trouvais impressionnantes à l’époque. Généralement, il jouait de la dance toute la nuit et finissait avec six ou sept slows. La première fois, sur sept slows, j’ai tenté six danses et j’ai chopé à la septième !

À l’époque, aller dans un club voulait forcément dire que tu allais ramener une meuf, avec ces slows que les DJs passaient en fin de soirée. C’était la fin des années 70 : tu allais en boîte, tu dansais collé-serré avec une fille, tu lui agrippais les fesses et hop, l'affaire était pliée. Il y avait la queue devant les hôtels à la fermeture des clubs, alors tu patientais dans ta bagnole en attendant qu’une place se libère. C’était une routine. Tout ce dont tu avais besoin pour choper, c’était une bagnole et un peu d'argent pour te payer l’hôtel.

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Au début, j’allais en club pour les filles, puis j’ai commencé à mixer comme DJ et je me suis concentré sur la musique. Mais ça a quand même commencé par les filles.

C’était l’époque de la disco et du boogie, des trucs comme Chic ou des chansons comme « Ain’t No Stopping Us Now ». Tu entendais Chaka Khan, Diana Ross, ce genre d’artistes. Il y avait une autre soirée où j’allais régulièrement quand j’ai commencé à m’intéresser au DJing, et les résidents y jouaient ce qui allait devenir la house. Le tout premier disque house que j’ai entendu c'est « On and On » de Jesse Saunders. Mais je n’ai jamais aimé jouer ce morceau. Pourquoi ? Parce qu’il était mauvais ! En revanche, c’est ce disque qui m’a donné envie de produire ma musique. Imagine : tu écoutais un truc comme « No One Gets the Prize » de Diana Ross et tu te disais « c’est un chef-d’œuvre. Je ne pourrai jamais faire la même chose. » Puis tu entendais « On and On », qui n’était qu’une ligne de basse et un beat assemblés par un DJ que je connaissais. Tout le monde le connaissait dans le milieu. Et on pensait tous pouvoir faire mieux que lui. Sans cette chanson, aucun d’entre nous n’aurait jamais commencé à produire. Je savais pertinemment que je pouvais faire mieux, alors je me suis acheté du matos et j’ai fait de meilleurs disques. En tout cas, je l'espère.

Tout à coup, il était devenu possible de faire des disques, et cette chanson, précisément, nous a donné de l’espoir. On pouvait tous le faire.

C’était un milieu très compétitif. Les mecs qui ont produit les premiers disques house étaient toujours sur la défensive parce qu’ils savaient à quel point c’était facile de composer des trucs de ce genre, et ils ne voulaient pas voir débarquer d’autres producteurs. D’ailleurs, la sortie de mon disque « Move Your Body » a été retardée d’un an parce que Jesse Saunders le bloquait à l’usine de pressage ! Jesse et Vince Lawrence bloquaient les disques de tout le monde parce qu’ils voulaient être les rois de Chicago. Mais voici ce qui s’est passé : ils ont signé sur Geffen et ont quitté la ville. Du coup, lorsque les non-initiés ont commencé à s’intéresser à la house et que les gens sont venus à Chicago pour en parler, Jesse Saunders et Vince Lawrence n’étaient plus là. Jesse est encore très fier de ce disque. Bien sûr qu’il en est fier !

Tu sais, si un extraterrestre débarquait aujourd’hui sur Terre et me demandait de lui raconter la house en un seul disque, je choisirais « Where Love Lives » de Frankie [Knuckles] et David [Morales]. Voilà LE disque. Retrouvez Marshall Jefferson sur Facebook et Twitter.