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Music

Le guide Noisey des intros dans le rap

De Kool G Rap à Warren G en passant par Tandem, Tupac, Cypress Hill, Schoolboy Q, La Rumeur et même Sniper.

Si l'on veut se plonger dans un album (oui, j'aime à croire qu'il existe encore en ce bas monde des gens appréciant l'écoute entière d'un album) avec un peu de mise en scène, de démesure, de textes consciencieux ou hurlant leur soif de sexe et de drogues, rien ne vaut un disque de rap. Plus que dans n'importe quel autre genre musical, on trouve en effet dans le rap des entrées en matière hautement atypiques. Et le plus dingue, c'est que ça a toujours le mérite de marquer les esprits, que ce soit par excellence pure ou parce que ça colle à une démarche parfaitement stéréotypée.

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Parfois, ça permet de sauver un album (« Force ou Faiblesse » de Disiz, « Get you Some » de Busta Rhymes), parfois ça entre directement au panthéon du rap (« Visions de vie » d'Oxmo, « Somebody's Gotta Die » de Biggie), parfois ça suscite les plus folles théories (le supposé « Suge Knight kill me » de 2Pac sur l'intro de The Don Killuminati (The 7 Day Theory)), mais ça atomise systématiquement notre quotidien. En voici une liste non exhaustive, garantie sans commentaires d'Olivier Cachin et se concentrant essentiellement sur le continent américain et la scène française.

L'intro 100 % instrumentale

Un jour, il faudra que quelqu'un écrive un livre (théorique, certes, mais ça ne fait pas de mal parfois) sur toutes ces introductions entièrement instrumentales. Les approches sont tellement variées, les performances des DJ's tellement surprenantes que l'on en viendrait presque à se demander pourquoi le rap est le seul genre musical à ouvrir ses albums de la sorte ? C'est parfois fait sous forme d'interview (« Pub 187 Show » d'Aelpéacha, « WKCR Stretch and Bobbito Show with Quincy Jones » de Das Racist ou « Intro » de Dr. Octagon), souvent présenté via le format radiophonique (« Midnight Marauders Tour Guide » d'A Tribe Called Quest) et très régulièrement réalisé sous forme de best-of. Un peu comme les séries où chaque épisode commence par le traditionnel « dans les épisodes précédents » : dans le cas de Sniper, sur Gravé dans la roche, c'est aussi une façon de faire le bilan avant de rappeler qu'ils n'ont pas changé et que, malgré le succès, ils restent des mecs de la street. « Je ne vais pas jouer l'Américain, maintenant que j'ai vendu des disques ».

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Il y a aussi de quoi se taper le cul par terre lorsqu'on entend pour la première fois (ou la mille et unième fois, il n'y a pas de raisons) des intro classiques, purement instrumentales, comme celle des Princes de la Ville de 113, de Quelques gouttes suffisent d'Arsenik ou, plus récemment, de Lucio Bukowski (« Premières Cendres ») sur Kiai sous la pluie noire. Parfois, ça ne dure qu'une petite quarantaine de secondes et c'est franchement old school (« Supplier » Freddie Gibbs et Madlib) ou immersif (Mono » Ghostface Killah & BadBadNotGood), mais ça suffit à poser l'ambiance.

Il y a enfin toutes ces petites introductions d'à peine une minute qui permettent de préparer le terrain avant de balancer le morceau phare de l'album. Tactique adoptée aussi bien par Eminem (« Public Service Announcement (skit) » précédant « My Name Is ») et la Mafia K'1 Fry (une petite boucle signée Manu Key avant la mise en orbite de « Pour Ceux ») que par Kool Shen (« On a enfoncé des portes » annoncé par « 1er Round »), Dr. Dre (40 secondes de « Lolo » puis trois minutes complétement folles de « The Watcher ») et tous les albums auxquels il participe au début des années 2000 - si si, écoutez The Documentary de The Game ou Get Rich Or Die Tryin' de 50 Cent, vous verrez.

L'intro jazzy

A priori, il y aurait meilleur exemple à donner qu'« Excursions », mais ce titre d'A Tribe Called Quest démontre à lui seul les liens entre le hip-hop et le be-bop. Pourquoi ? Parce qu'il commence par le son de la contrebasse de Mickey Bass que Q-Tip, malin, a extrait du « A Chant For Blue » d'Art Barkley & The Jazz Messengers. On est alors en 1991 et les liens entre le rap et la note bleue, déjà mis en avant sur l'ouverture « My Philosophy » de Boogie Down Productions trois ans plus tôt, n'ont cessé de se confirmer depuis. Allez demander à DJ Premier !

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L'intro consciente

C'est bien connu, le rap est une musique révoltée, elle transpire les bas-fonds, la bicrave, les cadis rouillés et la critique (adressée le majeur bien haut) du capitalisme sauvage. Alors, forcément, les MC's, ces représentants du « bitume avec une plume », n'hésitent pas à annoncer la couleur dès les premières secondes de leur album. On peut trouver ce genre d'intentions au cœur de disques old school comme Criminal Minded et SlaughtaHouse, où Boogie Down Productions et Masta Ace s'inscrivent dans la réalité de l'époque et dans un combat politique concret avec, respectivement, « Poetry » et « A Walk Thru The Valley ». Basé sur trois riffs de guitare bien lourds, « Pigs », le titre de Cypress Hill sorti en 1991 fait lui aussi directement référence aux brutalités policières, à ces « porcs » qui ont tué leur homeboy, harcèlent leur quartier, flirtent avec la voyoucratie et mangent des donuts pendant « que quelques fils de putes cambriolent ta maison. » Autant dire qu'il ne s'agit pas de faire dans l'analyse politique ici : on gueule, on balance les pires insultes et on passe à la suite.

Tout l'inverse, en gros, de « Wesley's Theory » que Kendrick Lamar a écrit en hommage à Wesley Snipes, condamné à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale en 2010. « Personne n'apprend à un pauvre homme noir comment gérer l'argent ou la célébrité », protestait-il dans une interview à l'époque. Alors, forcément, quand on sait que le rappeur de Compton ne perd jamais une occasion d'élever la voix et de prendre part au débat public, on se doute bien que tout est fait ici pour annoncer un album indigné, qui pointe du doigt l'Oncle Sam, cet enfoiré qui incite les plus pauvres à taper dans leurs économies et les plus riches à tout flamber. « Trop n'est jamais assez », comme il dit.

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La dette des Blancs envers la population noire, on la retrouve en France avec « Les Mains Noires » de Zone Libre, Hamé et Casey qui, en plus de sampler la voix d'Aimé Césaire, multiplie les références à Franz Fanon, Malcolm X ou Angela Davis. Avant de conclure le deuxième couplet ainsi : « Les mains mutilées, empalées, empilées, gangrenées/À genoux, sans raison enchainées/Qui ont tenu bon même à bout et dominées/Je suis fière d'avoir les mêmes que celles de mes ainés » La même idée est poursuivie par Rocé qui, sur l'ouverture d'Identité en Crescendo, revient sur les actes héroïques de son père, juif résistant durant la seconde guerre mondiale et acteur de la décolonisation de l'Algérie à la fin des années 50. Tout ça, sans récompense du gouvernement français : « Mon père a combattu Vichy et collaboration/Expert en faux-papiers, sauve les victimes de trahison/Agir et résister quand la patrie perd la raison/Il offre l'humanité sans prendre l'accord du président/La clandestinité, à cause de ses appartenances/De ces combats menés, pour mettre justice dans la balance/La jeunesse, la santé, sont cloîtrées dans la résistances/Pas français, pas d'récompenses, pas d'problèmes, il sauve la France. »

À ce petit jeu, on peut également compter sur quelques habitués du poing levé et du T-shirt à l'effigie du Che, à l'image de Médine qui profite de chaque album pour en glisser une aux puissants de ce monde. « Ground Zero », « Premier Sang », « Protest Song », tous appellent à un soulèvement des classes populaires contre les classes possédantes. On aurait également pu citer Keny Arkana (« Désobéissance civile ») ou Assassin, mais c'était tellement évident qu'il est plus judicieux de passer à autre chose.

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L'intro guide touristique

Deux exemples ici. Le premier, « Straight Outta Compton », ne fait pas dans la finesse. C'est d'ailleurs annoncé en préambule : « You are now about to witness the strength of street knowledge ». Traduction : Rakim et son fameux « It ain't where you're from, it's where you at » peuvent bien aller se faire foutre. Dr. Dre, Ice Cube, Eazy-E et les autres sont nés à Compton, y ont grandi et comptent bien mettre en avant ce sentiment d'appartenance. Les stars du coin de la rue, ce sont eux. Et sans doute en apprend-t-on bien plus sur la vie californienne dans les années 1980 et 1990 en écoutant ces trois couplets plutôt qu'en regardant les produits formatés d'Hollywood ou les actualités de l'époque.

Le second exemple, en revanche, est nettement plus ambivalent. Avec « Streets Of New York », Kool G Rap se fait en effet l'écho d'un désespoir, de la poésie grave des ghettos de Big Apple, de ce décor plombé par des ruelles mal éclairées et de cette population qui écume les nuits à la recherche d'une dose. Cela dit, le rappeur du Queens, épaulé par DJ Polo, reste indéniablement habité par l'esprit de sa ville. Et, en trois minutes et quarante secondes, parvient à nous convaincre qu'il s'agit du meilleur endroit de la Terre. Malgré tout.

L'intro tubesque

« Regulate » a lui aussi changé la face de Los Angeles, et plus particulièrement du croisement entre la 21st et Lewis à Long Beach. Mais si Warren G et Nate Dogg ont bien réussi un exploit avec ce morceau, c'est parce qu'on a rarement connu une ouverture d'album aussi tubesque. Ici, pas de petites introductions à la Dre, pas un titre un peu vénère placé en prémices, mais un single hyper efficace, sans refrain qui plus est, mais avec l'évident avantage de faire bouncer les fesses des filles. Regulate… G Funk Era a beau être tout aussi culte, il faut bien avouer qu'aucun autre morceau du disque ne parvient à rivaliser avec cette ligne mélodique piquée à l'un des Doobie Brothers, Michael McDonald.

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L'intro anti-hit

Il en fallait des couilles (ou de l'inconscience) en 1993 pour arriver dans le game en imposant à l'auditeur des sons aussi bizarres, complexes, qui semblaient envoyer un gros fuck à toutes les radios du pays. Pour ouvrir un album aussi singulier qu'Enter The Wu-Tang (36 Chambers), il fallait donc obligatoirement une introduction lo-fi, qui ne caresse à aucun moment l'auditeur dans le sens du poil et le pousse à écouter le rap différemment. Pari réussi avec « Bring Da Ruckus », dont l'unique ligne de percussion et les paroles cryptiques suffisent à faire de cette introduction un anti-tube terriblement addictif.

L'intro curriculum vitae

Là encore, deux exemples. Un américain et un français. Le premier, « Check Tha Resume », date de 1992. Grand Puba n'a pas connu avec ce titre le même succès qu'avec « 360° (What Goes Around) », mais le sample d'Otis Redding et les paroles autobiographiques suffisent à en faire l'une des plus grandes réussites du MC new-yorkais. Le second, lui aussi, n'est pas destiné à satisfaire les attentes d'un patron d'une multinationale. Sur « Une époque formidable », Sinik n'est pas là pour faire bonne figure. Ce qu'il vise ? La street cred. Alors forcément, il balance toutes les crasses qu'il a pu faire et qui font de lui un ex-bad boy en rédemption, triste et mélancolique au point d'aller pleurer derrière un micro aux côtés de James Blunt quelques années plus tard…

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Au fond, c'était peut-être un mauvais exemple. Surtout quand on a entendu au moins une fois dans sa vie « Interview » de Lino. Ce qu'on y apprend ? Le parcours du bonhomme : l'arrivée en France en 75, les déménagements entre Lyon, Bordeaux et Paris, sa passion pour Mohammed Ali, L'art de la guerre de Sun Tzu ou Illmatic de Nas. Conséquence ? « La concurrence ? J'la baise » L'objectif de n'importe quel C.V., en somme.

L'intro ghetto

« J'baiserai la France jusqu'à c'qu'elle m'aime » sur « 93 Hardcore » avec Tandem, « La France est tellement nympho qu'elle en redemande » sur « Derka » en solo. En deux introductions, Mac Tyer a prouvé à la France entière que sa plume était trempée dans le goudron, qu'elle était l'expression brute d'un quotidien à l'ombre des tours. Pareil pour Karlito qui, avec « La voix du ghetto (part.1) », démontre en à peine deux minutes (au passage, merci à DJ Mehdi !) qu'il est bien le rappeur le plus sous-estimé de la Mafia K'1 Fry. Ça en est même probablement le poète. Et des poètes de la rue, on en connaît. Pas forcément sages, d'ailleurs. À l'image de la Fonky Family qui, plutôt que de jouer au mauvais garçon, préfère ouvrir leur deuxième album par l'indépassable « Art de rue », première étape d'un disque qui, c'est sans doute sa force, n'a rien perdu de son impétuosité et de son aura populaire quinze ans après sa sortie.

L'intro mafia

Beaucoup de rappeurs, qu'ils viennent de France ou d'Amérique, ce n'est pas un secret, ni un cliché, ont été bercés par les parcours de Tony Montana, Nicky Santoro ou Nino Brown, dont l'envie de vivre la vie de rêve, de conquérir le monde et de ne pas céder à la pression de la flicaille les a fortement influencés. Le premier album d'Akhenaton est en cela un bon exemple : hormis un refrain qu'il répète comme un mantra (« Tu appartiens à la Cosca/Ton sang appartient à la Cosca »), « La Cosca » met en exergue un véritable storytelling mafieux

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« J'ai envoyé des tas de types au caveau/Ainsi je fus soldat dans la puissante Cosca Des Salvo/Puis j'ai loué mes services un peu plus au Nord/En 22, j'étais à Bagheria dans la Conque d'Or/Pour rappeler à l'ordre ceux qui ne payaient rien/Et taxer leurs biens aux propriétaires terriens. »

Un petit mot tout de même sur les ouvertures de la Mafia K'1 Fry et de NTM. Pourquoi ? Parce que sur Légendaire et Suprême, elles ont un point commun : présenter le groupe comme une menace pour les forces de l'ordre, forcément effrayées à l'idée de se confronter à des entités aussi incontrôlables et imprévisibles.

L'intro égotrip

Ok, les rappeurs sont capables d'évoquer les problèmes du monde entier et semblent avoir la certitude qu'un plan de domination élitiste existe, mais ils ne cherchent finalement rien d'autre que du bon temps. Les mecs sont là pour s'amuser, point barre. Et, c'est bien connu, personne ne réfléchit quand il s'amuse. Alors pourquoi ne pas mettre en avant les billets verts, la coke la plus pure ou le sexe long comme un bras que l'on possède ? Cette dernière option, c'est celle choisie par Schoolboy Q sur « Gangsta », un titre bien vénère qui s'ouvre ainsi : « Ouais, je suis putain de célèbre/ Nigga, j'ai réussi/Quand j'étais fauché, je gardais un 9mm/Ça me permettait de faire des braquages pour ensuite acheter de la coke/Avec la coke, j'ai récupéré ta copine et maintenant elle travaille pour moi au coin de la rue. » Sympa, le gars. Et les chevilles, ça va ? En tout cas, si elles paraissent aussi grosses que les couilles de Rocco avant un tournage, elles n'étonnent personne dans le rap game où la vantardise est reine.

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Regardez Sandpeople, c'est loin d'être le MC le plus (re)connu, il n'a jamais eu une émission de voiture sur MTV et n'a jamais trainer sa ganache sur les plateaux de cinéma, mais ça ne l'a pas empêché d'entamer son cinquième album, Honest Racket, avec un vrai esprit de battle, sur ce « The Count », qui représentait et dissait tout ce qui était possible en quatre minutes chrono. Pareil pour Pusha-T et T.I. dont les tracks « King Push » et « King Back », passé la référence à la couronne royale, mettent en son un rap fier, musclé, triomphant. En même temps, tout est permis. Regardez Nelly : en 2004, le mec se permettait de se comparer sur « Heart Of Champion » à Kareem Abdul-Jabbar et Julius Peppers, des mecs qui ont marqué à jamais l'histoire du sport américain, alors que lui s'apprêtait à entamer une traversée du désert toujours en cours en 2016.

Du côté des Français, la course à l'egotrip a également laissé des traces. Outre les éternels « Ça se passe » de D. Abuz System, « Les Spécialistes » d'Expression Direkt, « Introduxion » de la Scred Connexion, « Crie Mon Nom » d'Ol Kainry & Dany Dan, « Martin Eden » de Nekfeu (« Y'a que quand j'suis premier que je reste à ma place ») ou « Le retour du forain » de Seth Gueko, l'artiste le plus emblématique de cette mouvance (n'en déplaise à Booba et son fameux « Tallac ») est sans nul doute Rohff. Si la majorité de ses dernières intros s'inscrivent dans la lignée narcissique de celles de ses premières productions, ce sont bien celles de La Vie avant la mort et de La Fierté des nôtres qui méritent les honneurs. À commencer par « La fierté des nôtres », qui s'ouvre ainsi : « J'fais mon entrée au port du rap comme le Queen Mary/Succession de drames de quoi faire chialer Mary J/J'suis monstrueux comme Mauresmo Amélie/C'est l'son que j'mérite, comme Tony Parker on m'dit pars en Amérique/Tu t'prends pour moi, t'sais pas per-pom comme Hilary/J'suis inquiétant comme un ennemi à ton mariage devant la mairie/J'viens faire progresser la musique/Faire passer le message, prendre mon fric pour construire en Afrique. » Une entrée en matière en toute modestie, en somme.

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L'intro blague

Oui, ça existe. Et on n'a jamais trouvé plus hilarant que Scarface entamant son « Mr. Scarface Is Back » par une parodie de Itsy Bitsy Spiders. Bon, fatalement, il enchaine en parlant arme, criminalité et pauvreté, mais l'objectif est atteint : on est pliés. Pareil pour les Svinkels qui, avec « Boule puante », nous parlent de leur odeur corporelle. « Sauve qui peut, v'là les fauves qui puent ! ». Comme quoi la caricature n'est pas l'apanage de Michaël Youn et Fatal Bazooka.

L'intro-titre

Amusant (ou triste, c'est selon) de voir que les rappeurs ont une fâcheuse tendance à nommer leur introduction du même nom que leur album, à en faire leur « chanson-titre ». Les thèmes peuvent ainsi être extrêmement variés, mais ont le mérite de poser les bases du projet. Avec plus ou moins de succès. Après tout, si « Planet Rock » d'Afrika Bambaataa, « Strictly Business » d'EPMD, « Life Is Too Short » de Too $hort (« I don't stop rapping: That's my theme », magique !), « Life After Death » de Biggie ou même « Run The Jewels » de qui vous savez sont de franches réussites, et sont mêmes devenus de véritables hymnes, ce n'est pas forcément le cas de « Ludaversal » de Ludacris et d'autres.

« Liquid Swords » a également des arguments à exposer. Franchement, a-t-on déjà entendu des métaphores criminelles aussi dingues que celles de GZA dans ce morceau d'ouverture ? Un rappeur a-t-il déjà suscité autant de théories en mimant le bruit d'un tic-tac (est-ce celui d'une montre ou d'une bombe à retardement ?) ? A-t-on déjà trouvé meilleure définition du new-yorkais que dans ces vers : « Entre dans la chambre / C'est un tout autre son / Entrée large / Sortie étroite comme un entonnoir / Tellement profond que c'est capté / Par radio dans les tunnels/Les mecs sont fascinés par la genèse du truc / T'es vacciné / Mon logo sur ta peau reste brodé. » ? Sérieusement, on se pose la question.

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En France, mention spéciale (de façon totalement partielle) à « L'école du micro d'argent » d'IAM, pour ses fanfaronnades asiatiques et une évidente sensibilité d'auteur, à « Temps Mort » de Booba, pour la prod de Fred La Magicien, à « Tragédie d'une trajectoire » de Casey, pour le côté technique et sensé dans le même souffle, à « Quelque chose a survécu » d'Arsenik, parce qu'il fallait bien citer ici un membre du Secteur Ä, ou encore à « Le Combat Continue » d'Ideal J. « Quoiqu'il en soit, dis-toi/Que le combat continuera/Jusqu'à ce qu'ils reconnaissent/Ideal J, la pièce maîtresse, mais laisse…/On reste des mecs de tess qui jamais ne cessent/De représenter, d'honorer leur patrie, je cris, décris/Orly, Choisy, Vitry ! Les jeunes du ghetto/Toujours d'assaut quand se resserre l'étau/Jamais ne baissent les bras. » Parce qu'on ne peut décemment pas commencer un album avec de tels mots posés sur une instru et des scratchs de DJ Mehdi sans annoncer une œuvre mythique.

L'intro toxique

Ici, deux options : soit vous préférez les délires enfumés de Redman et Method Man sur « A Special Joint (Intro) », un titre How High sans aucun doute. Soit vous optez, et ça aurait tendance à être notre cas, pour le classique de Kill The Vultures, « Moonshine », dont le sax d'outretombe et le spoken-word d'alcoolique en pleine descente en font l'hymne indispensable à vos prochaines défonces.

L'intro La Rumeur

« On arrive avec des chiffres, des faits, etc. Mais La Rumeur, elle dit autre chose. Il y a toujours un double discours dans La Rumeur. » En 2002, en ouverture de L'ombre sur la mesure, sans un mot mais en samplant différents discours journalistiques et politiques, Ekoué, Hamé et les autres disent tout en un peu plus d'une minute.

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L'intro déclaration d'intention

« Ambition Az A Ridah » de 2Pac est un morceau culte que vos grand-frères connaissent, que vous connaissez, et que vos enfants se devront de connaître. Pourquoi ? Parce que 1/ il fait désormais partie de la culture populaire, sinon comment expliquer que Mike Tyson l'écoutait avant chaque combat ?, 2/ il renferme un refrain étincelant (« Je ne vais pas le nier, je suis un vrai ridah/Tu ne veux pas d'embrouilles avec moi/Mes ambitions de ridah/J'ai la police qui me tire dessus/Mais ils ne peuvent rien faire à un vrai gangster »), 3/ il annonce l'album le plus ambitieux et fouillé de 2Pac, All Eyez On Me.

Heureusement, le rappeur de L.A. n'est pas un cas isolé. Certains affichent clairement leur ambition (« I Wanna Get High » de Cypress Hil, « Time For Some Action » de N.E.R.D.), leur plaisir d'être de retour (« It's Good To Be Here » de Digable Planets, « The Ruler's Back » de Jay-Z), d'autres font des politesses (« Good Morning » de Kanye West ») menacent le reste du game (« The Start Of Your Ending (41st Side) » de Mobb Deep) ou, de par leur radicalité et leurs propos afrocentriques, annoncent en quelque sorte le hip-hop des 90's (« Bring The Noise » de Chuck D et sa bande). Mais il existe d'autres possibilités.

Comme le prouvent les Scientists Of Sound en 1996 en se servant de leur introduction pour présenter en détails le concept de leur album, 1.4.4 Or Bust (The Replenishing). Conséquence : on apprend alors que les rappeurs anglais (au même titre que leurs contemporains ricains, Company Flow ou Dr. Octagon) sont des passionnés de comics et racontent comment, il y a 7777 ans sur la planète Regus 10, ils ont été condamnés à l'exil sur Terre, et plus précisément à Londres, après avoir diffusé des musiques illicites sur les ondes.

L'intro mise en scène

L'exemple des Scientists Of Sound est pratique. Pourquoi ? Parce que n'importe quel néophyte vous le dira : le rappeur aime se mettre scène. Dans les vidéos promotionnelles, dans la presse, sur le web, mais aussi dès leur introduction, souvent bien mieux ficelée que les derniers Spike Lee. À ce petit jeu, l'ouverture d'Où je vis de Shurk'n reste incontestablement l'une des plus mythiques. Adepte des arts martiaux, et notamment du taoïsme, le rappeur d'IAM, sur un beat repris plus tard par Wallen, pousse sa passion au maximum sur un « Samuraï » aux impulsions asiatiques.

En Pennsylvanie, Asher Roth est lui aussi adepte des références. Dans « Lark On My Go-Kart », il se met à rêver des Smashing Pumpkins, d'ours en peluche et de Mario Kart. Pourquoi pas tiens.

L'intro sexuelle

Seth Gueko l'a dit : comme la chiasse, les rappeurs veulent se la couler douce. Et franchement, quoi de mieux pour se relaxer qu'une orgie avec plusieurs filles prêtes à assouvir tous vos besoins ? Ça, Doc Gyneco l'a bien compris et l'illustre mieux que personne sur « Viens voir le docteur ». Dans son cabinet, « ouvert à toutes les heures », on y trouve des « jeux polissons », des filles qui passent l'oral sur sa fleur de mâle et des scènes qui mériteraient un sticker « images explicites » Autrement dit, ce que des générations entières ont vu tous les premiers samedis du mois chez Marc Dorcel, le soleil de L.A. en moins. Car oui, Première Consultation a été enregistré de l'autre côté de l'Atlantique et ce titre reste encore la meilleure introduction du rap français pour s'imaginer serrer qu quartier l'été.