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Non, la B.O. de « Streets Of Rage 2 » n’a pas pris une ride

On a fait écouter à un spécialiste des musiques électroniques le chef d'oeuvre de Yuzo Koshiro, qui sera réédité en avril sur Data Discs.

L'artwork de la réédition 2016 de la B.O. de Streets Of Rage 2 sur Data Discs

Streets of Rage 2 sorti en 1992 sur Mega Drive n'est pas juste un des meilleurs jeux vidéos de tous les temps – c'est aussi et surtout une des bandes-son les plus mémorables de toute l'Histoire de la console 16bit. Âgé de seulement 25 au moment de la sortie du jeu, le compositeur Yuzo Koshiro était déjà connu à l'époque pour son travail sur ActRaiser (SNES), la version Game Gear de Shinobi et le premier Streets of Rage. Mais Streets Of Rage 2 l'a propulsé à un tout autre niveau.

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Composée sur un PC-88, la B.O. de Streets Of Rage 2 reste, aujourd'hui encore, un modèle du genre. Des artistes et producteurs contemporains tels que Labrinth, Ikonika, Joker ou Just Blaze ont d'ailleurs régulièrement cité Koshiro comme une influence importante dans leur travail. Mais ça ne signifie pas pour autant que tous les fanatiques de dance music connaissent sa musique.

Angus Harrison est rédacteur pour VICE, Thump et Noisey en Angleterre. C'est une encyclopédie vivante de la musique électronique. Mais avant que je ne l'invite à venir écouter la B.O. de Streets of Rage 2 – qui sera rééditée en avril par Data Discs – il ne connaissait Yuzo Koshiro que de nom.

« J’ai entendu parler de lui, je sais que c'est quelqu'un qui a apporté pas mal de textures et de sonorités nouvelles dans la musique de clubs des années 80 et qui a beaucoup bossé sur les jeux vidéos, mais j'en sais assez peu sur lui au final. » J'ai donc décidé de remédier à cela en lui soumettant les principaux titres composés par Koshiro pour Streets Of Rage 2.

Noisey : OK, commençons par « Go Straight », c'est le morceau du premier niveau. Ça te fait penser à quelque chose de particulier ?

Angus Harrison :

C'est le premier morceau du jeu ? Putain, c'est direct. On dirait un énorme tube acid house. Je m'attendais à quelque chose de plus orienté club, en fait. Là, c'est carrément de l'acid house ultra-dure et rapide. Ça me fait un peu penser au

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« Outlander »

de Vamp, en termes de rythme et d'ambiance. Personne ne sonnerait comme ça aujourd'hui, à moins de vouloir faire quelque chose de délibérément retro.

Le jeu est sorti en 1992 et Koshiro utilisait un matériel qui était déjà daté pour l'époque. Il a composé la plupart des titres sur un PC-88, une machine qui est arrivée sur le marché japonais en 1981. Il utilisait sans doute un modèle plus récent mais ça restait plutôt rudimentaire pour l'époque.
Ce que je trouve intéressant, mais c'est peut être à cause de ma tendance à tout analyser, c'est qu'il utilise une musique liée aux premières communautés rave, à l'arrivée de l'ecstasy et à tout ce truc peace & love, dans un jeu de baston. Et en même temps, c'est logique, parce que le beat est super-agressif.

Streets Of Rage 2 a été produit au Japon mais est d'abord sorti aux USA.
C'est marrant parce que j'avais justement entendu parler du fait qu' à l'époque, ces B.O. circulaient moins au Japon qu'en Europe ou aux États-Unis. Ce que je peux comprendre vu que la scène dance et techno était alors très différente de ce qu'on avait chez nous. Il se passait des choses, bien sûr, mais il n'y avait pas de scène au sens strict du terme. D'ailleurs, ce qu'on entend dans ce titre c'est finalement un mélange entre la techno de Detroit et l'acid house type Hacienda/Manchester.

Passons à un autre morceau, « Dreamer » qui arrive, lui aussi, assez tôt dans le jeu.
Ça s'est vraiment intéressant. D'un côté tu as ces accords de piano typiquement house. Mais de l'autre, tu as cette mélodie de synthé qui est très proche de ce qu'ont pu faire certains producteurs de Glasgow ces cinq dernières années – des gens comme Rustie ou Hudson Mohawke. Et par extension, tu peux aussi rapprocher ce synthé criard et cheesy, mixé très en avant, des prods PC Music. C'est une musique qui a été conçue pour un jeu vidéo, elle n'a pas vocation à être jouée sur des systèmes stéréo, c'est pour ça que ça sonne aussi compressé – mais aujourd'hui des tas de gens essayent de retrouver ce son délibérément. C'est assez évident par exemple sur les derniers trucs de Rustie. Il utilise des sonorités happy hardcore mêlées à des passages très éthérés. Sa musique est plus puissante mais elle a aussi ce côté cheesy – et il faut entendre cheesy comme un compliment.

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OK. Essayons « Slow Moon ».
Là pour le coup, on est pile entre la disco et la house. Ce rythme plus lent, cette ligne de basse… Si ça avait été enregistré de nos jours, il y aurait sans doute plus d'instruments live et des arrangements de cordes. Le son est beaucoup plus chaud que sur ce tu m'as fait écouter avant. Ça me fait un peu penser aux premières prods de Frankie Knuckles ou à ce qui se faisait en France juste avant l'arrivée de Daft Punk, un genre de néo-garage – rien à voir avec le UK garage, c'était en référence au Paradise Garage, le club où jouait Larry Levan. Si Koshiro n'avait pas été limité par son matériel et le fait qu'il enregistrait pour un jeu vidéo, ça aurait pu être un tube dans ce style là.

Si tu te bases sur ce qu'on a écouté jusqu'à présent, tu dirais que Koshiro avait une bonne connaissance de la musique électronique ?

Complètement. Il utilise des sonorités et des gimmicks de plein de genres différents dans chaque morceau. Et à l'arrivée ça sonne hyper rafraîchissant tout en étant très efficace parce que ça ne sonne jamais comme un style en particulier. Ce n'est rattaché à aucune scène. Il a mélangé tout ce qui se faisait à l'époque et c'est ça qui rend sa musique aussi intéressante. Il devait connaître le sujet sur le bout des doigts.

Titre suivant, « Under Logic ».

Ça c'est un véritable hymne, un truc pour danser les bras en l'air. Le son est incroyable, en fait. J'ai dit tout à l'heure qu'il était limité par son matos et le support, mais pas du tout en fait. Il est vraiment à fond.

Dernier titre : « Revenge of Mr X ». C'est la musique du boss de fin de niveau.
C'est bien plus complexe que l'idée que je me fais d'une musique de jeu vidéo du début des années 90. Je sais qu'il existe un lien entre musique électronique et musique de jeux vidéos mais, pour moi, ça tenait surtout au fait que les deux utilisaient le même type de matériel, les mêmes sons. Mais là, on a quelqu'un qui fait de véritables morceaux dance pour un jeu vidéo. Ce titre sonne très Detroit, je trouve.

Tu penses que tu pourrais caler un de ces titres dans un set sans que ça passe inaperçu ?
Complètement. Je suis sûr que si tu fais un set house dans une grosse room et que tu balances « Under Logic », les gens deviendraient fous. Ce break… Ce serait de la folie. Plus d'informations sur la réédition de Streets of Rage 2 sur le site de Data Discs.