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Music

Rendez-Vous en terrain connu

Les Parisiens de Rendez-Vous ont attendu cinq ans avant de sortir leur premier album. Une décharge mentale de bruit et de ferraille qui tire dans tous les sens mais retombe toujours sur ses pattes. Et qu'on écoute en entier ici avant sa sortie.
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR
​Rendez-Vous, premiere, France
© CJ Watkins

Parfois, je me remémore vaguement les « soirées-rock » de ma prime jeunesse à Paris passée dans des bars comme le Truskel ou l’ancien Tryptique, et puis je m’auto-flagelle aussi sec à l’aide d’un knout (ce fouet qu’on utilisait dans l’Empire russe pour punir les brigands) car je me rappelle à quel point toute cette époque était infernale – et parce que c’est comme ça qu’on m’a éduqué au collège de jésuites. C’était, au doigt mouillé, il y a environ dix ans, la fête était à un stade de compartimentage (ou décrépitude) avancé dans la capitale, et on regardait tous nos chaussures comme de gros penauds péquenauds. Mais à peine le temps de lever le menton que tout ça a été balayé par l’internet, de la meilleure drogue, et un choix bien plus éclaté et éclatant au niveau de la musique.

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Mais Rendez-Vous, contrairement à tant d'autres, ont préféré rester sur leurs appuis sans céder aux coups de coude des modes passagères. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il s’avère aujourd’hui que leur constance, à l’exact opposé d’un immobilisme créatif, les a servis comme personne. Après avoir commencé par une reprise de Chris Isaak, balancé au compte-goutte des maxis atrabilaires, des clips filmés au stroboscope et des concerts dont le nombre devrait filer la nausée à tous les couche-tôt (mais aussi aux couche-tard, parce que pourquoi pas) de ce monde, Rendez-Vous semble aujourd’hui arriver après la bataille de tout, mais livre un plat tellement copieux qu’on en gardera même pour demain, et puis après-demain, et puis vous avez compris la suite.

Dans leur premier album Superior State, qu’ils ont mis au final près de cinq ans à livrer, qu’on se gardera de qualifier de « synthèse » tant le terme suinte la paresse journalistique et qu’on n’habite pas dans un tableau Excel, on trouve les mêmes marottes qui habitent le groupe depuis le début (cold wave, post punk synthétique et martial joué le couteau entre les dents), mais aussi d’autres, qui témoignent de l’évolution ces dernières années de leur environnement direct ainsi que du groupe lui-même : des tempos ralentis, des zestes de black metal et dungeon synth façon Burzum, une visée quasi rock de stade par endroits comme pour répondre à des ambitions assumées à la hausse, ainsi que des débris de musique industrielle et de techno viennent rehausser un post punk qui n’a rien perdu de son mordant.

Du coup, sur des morceaux comme « Middle Class », c’est comme si on y entendait un Cleaners From Venus qui aurait troqué son ennui pavillonnaire pour des dédales post-industriels à la Cabaret Voltaire. Dans ce genre de moments, on se rend compte que Rendez-Vous ne ressemble absolument plus à un groupe de rock lambda (bien qu'il ait engagé un « vrai » batteur en lieu et place de sa boite à rythme), mais plutôt, comme sa superbe pochette et ses photos de presse façon traders des enfers le suggèrent, à une machine bestiale et un hydre à plusieurs têtes, qui s'apprête à péter des tibias sans forcer, la mâchoire serrée et le regard affuté.

Le premier album de Rendez-Vous, Superior State, sort demain sur son propre label Artefact. Il est en écoute intégrale ci-dessous, et la release party du disque aura lieu le 9 novembre à la Machine du Moulin Rouge.