cirque photographie
Toutes les photos sont d'Ezra Weill
Culture

Sous le chapiteau, le cirque

De par sa pratique circassienne, Ezra Weill photographie tout ce qui se trouve autour de lui, tout le off auquel on n’a pas accès.
Matéo Vigné
Brussels, BE

J’ai toujours été du genre à avoir peur de me casser la gueule. Quand mes parents m’ont offert un skate, je l’ai utilisé qu’une seule fois puis je l’ai troqué contre un longboard, plus épais et plus stable. Je l’ai utilisé deux fois. Puis ils m’ont acheté un vélo que j’ai d’abord regardé de loin avant de l’utiliser trois fois et finir par le laisser moisir dans la cave de notre immeuble. Et à l’école, quand on faisait de la gymnastique j’étais toujours celui qui restait tout en bas, à la base de la pyramide, le porteur, car plus solide et bien sûr plus froussard. Ça doit surement être dû à un manque de courage et à un côté maladroit que je voulais manifestement cacher à mes collègues de classe, ma famille et plus ou moins à tout le monde.

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Heureusement, il y a sur cette planète des gens qui savent se tenir en équilibre et faire bon usage de leurs mains (et/ou de leurs pieds) et rendent même ça complètement artistique. C’est notamment le cas dans le monde du cirque, qui a longtemps été cantonné à cette image vagabonde de la compagnie qui va de village en village, placardant sauvagement sur chaque rond-point leurs affiches kitsch au possible avec des noms que tout le monde a déjà entendu une fois dans sa vie : Bouglione, Phénix, Pinder, Zavatta, Medrano et j’en passe. 

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La discipline reste plutôt discrète dans le monde médiatique, et peut-être un peu boudée par la sphère culturelle, mais il n’en reste pas moins une pratique unique, avec des athlètes hors pair. En général, on se fixe à une spécialité unique qui fait de soi un·e expert·e dans son domaine. Cependant, on a rencontré des gens qui sont plutôt doués pour faire plein de choses différentes, vraiment différentes. Par le biais de sa pratique circassienne, Ezra Weill photographie tout ce qui se trouve autour de lui, tout le off auquel on n’a pas accès.

Natif de Seattle, Washington, Ezra a étudié le cirque pendant de nombreuses années et c'est sa façon de subvenir à ses besoins financiers. Mais du fait de ses nombreuses casquettes, il se décrit comme un artiste multidisciplinaire : « Je suis artiste de cirque, je danse, je fais de la musique, je tourne des films et je couds. Je pense que certaines personnes ont peut-être l'impression que leurs passe-temps ne devraient pas être pris aussi au sérieux que leur travail principal. J'ai la chance d'être dans une situation où je peux essayer de les réunir tous, construire quelque chose qui peut me soutenir, me donner différents espaces créatifs à explorer – par moi-même et avec une communauté de gens. » 

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Son aventure avec le cirque a débuté quand il avait 9 ans, à travers le jonglage. À l’adolescence, il a commencé à se faire un nom dans des parcs et des festivals. Il travaillait sans cesse ses actes avec sa sœur, notamment une performance qui consistait à jongler avec des couteaux debout sur cinq skates empilés. Son esprit novateur et ses indéniables skills lui ont ensuite ouvert les portes de nombreuses écoles de cirque, pour finir à la prestigieuse Ecole nationale de cirque de Montréal. Depuis, il a perfectionné ses pièces à travers l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe, avant d’arriver en Belgique.

Ce qui dénote dans son travail de photographe, c’est l’attention portée à l’aspect naturel et simple de ses photos au moment de capturer des scènes pas forcément banales. Quand on lui demande sa relation avec la photo par rapport à son background de cirque, il répond : « Je suis encore assez novice, donc tout est vraiment excitant. J'adore la photographie argentique, j'adore la communauté : shout out à Mori Film Lab et au Brussels Analog Gang. ». 

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Ses séries photo sont aléatoires, certaines se résument en une journée de travail avec ses collègues, d’autres n’auront probablement jamais de fin. Pour celle-ci, et notamment les portraits en noir et blanc, il a demandé aux sujets d'essayer de se souvenir du sentiment qu'ils ont eu lorsqu'ils ont joué sur scène pour la première fois. « Je voulais essayer de capturer les émotions qui ont inspiré la personne à commencer à jouer. Dans les autres photos, j'essaie de saisir des moments qui sont normalement cachés au public, les moments banals et fatigués ainsi que les moments humoristiques et légers. »

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En ce moment, il travaille sur une série où il prend en photo des objets qui sont en équilibre tout en positionnant l'appareil photo lui-même en équilibre, sur un bâton, et en actionnant le déclencheur à distance. « Je ne pense pas qu'au moment où je prends des photos, je vois quelque chose de nouveau ou de différent, remet Ezra. C'est un peu la métaphore du poisson dans l'eau : je suis pas conscient de l'eau dans laquelle je nage, je nage juste. » 

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Lorsqu’il récupère ses photos au labo, Ezra se souvient toujours de tout ce qui est nécessaire à la réalisation d'un spectacle : la performance ne représente vraiment que 20% du travail : « Il y a tellement de choses autour de ce petit moment capturé que j'oublie souvent cet instant, jusqu'à ce que je regarde en arrière et me replonge réellement dans une photo. »

Ezra Weill fait virevolter ses instruments et ses clichés à Bruxelles tout en travaillant en collaboration avec le cirque Bouffon basé à Cologne. 

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