L’histoire oubliée de Roulé, le label des Daft Punk
Photo:  Still du clip  Music Sounds Better With You de Stardust

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L’histoire oubliée de Roulé, le label des Daft Punk

En à peine huit ans d’existence, de 1995 à 2003, le label de Thomas Bangalter, moitié des Daft Punk, a fait décoller la french touch. Retour sur ses sorties légendaires.

Pour comprendre à quel point Roulé, label fondé en 1995 par Thomas Bangalter, a marqué à tout jamais l’histoire de la French Touch, il est nécessaire d’évoquer brièvement les différents singles publiés par le label : Trax On Da Rocks de Thomas Bangalter, Together de Together, Rock Shock de Roy Davis Jr., Hello My Name Is DJ Falcon de DJ Falcon ou encore Music Sounds Better With You de Stardust, ce single que les auditeurs ont acheté en masse, que la presse n’a pas hésité à qualifier de « légendaire » et qui donne son titre à l’un des meilleurs livres sur les musiques électroniques en France. « L’idée, c’était de coller au format au club, de ne produire que des tracks faits spontanément, sans être trop pensés », précise Gildas Loaëc. « Tous les tubes du label sont basés sur l’énergie, voire sur l’émotion comme « Hold On » avec Romanthony. »

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Si l’ancien manager de Roulé, aujourd’hui à la tête de Kitsuné, se montre plutôt bavard une fois l’interview démarrée, il faut préciser qu’il a fallu le convaincre – DJ Falcon semblait méfiant à l’idée d’évoquer l’histoire du label. Comme pour ne pas écorner son image, ses lettres de noblesse et le souvenir qu’il laisse à toute une génération, clubbers ou non. Ou plutôt une façon de rester en phase avec la démarche initiale : « Ça collait à la vision de Thomas, à ce qu’il tentait de mettre en place avec Daft Punk. Autrement dit, il s’agissait de rester discret, de ne pas diffuser beaucoup d’informations et de laisser la musique parler d’elle-même. Il m’est arrivé d’entendre que ce comportement était une réaction à la mondialisation naissante des Daft Punk, mais c’était juste sa façon de gérer sa structure, qu’il voyait de toute façon comme un simple médium lui permettant de sortir des productions quand il le souhaitait. »

Contacté via Skype, Alan Braxe, troisième référence de Roulé avec l’impeccable Vertigo, tient à peu près le même discours : « L’idée, c’était de s’inscrire dans la démarche DIY prônée à l’époque par des labels américains comme Dance Mania : se faire plaisir en fabriquant du vinyle, sortir de la musique sans contrainte et sans se prendre la tête avec la promo ou autre. Si les gens aimaient tant mieux, sinon, tant pis. » Par chance, le projet plaît. Les sorties se font rares (treize seulement, en huit ans d’existence), mais s’imposent très vite comme un trou obligé dans le porte-monnaie des amateurs de musiques électroniques – voire plus. Il suffit de penser au séisme provoquer par Music Sounds Better With You : écrit en une semaine, né d’une idée d’Alan Braxe après un concert donné au Rex Club aux côtés de Benjamin Diamond et Thomas Bangalter, ce single de Stardust, sorti en 1998 et basé sur un sample de Chaka Khan, devient en à peine quelques semaines un tube universel, celui qui représente le mieux cette fameuse French Touch à travers le monde.

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C’est aussi l’un des seuls titres à être sorti en CD et avoir bénéficié d’une autre pochette que celle traditionnellement réservée aux publications du label : un fond beige, une roulette de casino en son centre, le nom Roulé en dessous et le sticker de l’EP en haut à gauche. « Le truc, c’est juste qu’il commençait à avoir beaucoup de bootlegs en circulation, rectifie d’emblée Gildas Loaëc. Ça nous a obligés à le publier en CD pour éviter les contrefaçons. Mais ce n’était en aucun cas une ambition commerciale de notre part. » De l’ambition, on en trouve en tout cas un paquet sur la BO d’ Irréversible, née, toujours selon Gildas, d’une « connexion artistique très forte entre Thomas et Gaspard Noé, le réalisateur ». À l’époque, la controverse suscitée par le long-métrage masque un peu la qualité de sa bande-son. Impossible pourtant de ne pas souligner à quel point Irréversibleest un film rythmé par ses parties musicales, par une bande originale exigeante que l’on retrouvait à l’époque dans le DVD du film.

Fière de cette réussite, cette bande de potes refuse pourtant de se lancer dans la production d’autres albums. Pour des raisons économiques, selon Alan Braxe : « si tu te lances dans ce type de productions, tu rentres dans une autre logique de promotions, de contraintes et de budgets. Là, il n’y avait tout simplement pas la volonté de développer les artistes. » Pour des raisons éthiques, d’après Gildas Loaëc : « On parlait uniquement à une communauté de DJ’s et on jouait le jeu de cette culture en ne produisant que des vinyles en haute définition, que l’on mastérisait toujours à Londres auprès Nilesh Patel qui s’occupait du mastering pour les Daft Punk. On profitait donc des possibilités offertes par ce support en poussant le son à saturation, à la limite du possible. »

Sans que les principaux protagonistes n’arrivent encore à l’expliquer aujourd’hui, l’aventure Roulé va peu à peu s’essouffler au début des années 2000. À cause de l’importance toujours plus grande des Daft Punk ? Alan Braxe veut bien croire à cette théorie. Gildas Loaëc, lui, préfère mettre en avant des envies différentes et des difficultés techniques : « des titres à vocation confidentiels changeaient de dimension et devenaient difficiles à gérer par rapport au projet initial. Stardust avait cartonné, Together prenait beaucoup d’importance et on a préféré arrêter. Pas par manque d’inspiration ou de succès, mais par peur d’une surexposition trop grande. » Au fond, cette décision était sans doute la bonne, tant la rareté semble jouer en faveur du catalogue Roulé. Chaque année, les différents singles prennent un peu plus de valeur sur Discogs et le mystère autour du label ne cesse de s’intensifier. « Tout était laissé libre à interprétation, donc forcément ça intrigue ceux qui s’intéressent au label », tente de même philosopher Alan Braxe. Mais c’est à Gildas Loaëc, présent quotidiennement dans les bureaux à l’époque, qu’on laisse le mot de la fin : « Roulé, c’est 100% artistique, sans concession. Ça a fait notre réputation et ça nous a permis de produire des titres qui font encore le job en club. »

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